Les chars soviétiques doivent rester au centre de Berlin (historiens allemands)

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Les journaux allemands Bild et B.Z. ont soumis au Bundestag une pétition appelant à retirer les chars du mémorial soviétique du quartier Tiergarten, au centre de Berlin. Comment la société allemande réagit-elle à cette initiative? Deux historiens allemands ont été interviewés à ce sujet par la Deutsche Welle.

Les journaux allemands Bild et B.Z. ont soumis au Bundestag une pétition appelant à retirer les chars du mémorial soviétique du quartier Tiergarten, au centre de Berlin. Comment la société allemande réagit-elle à cette initiative? Deux historiens allemands ont été interviewés à ce sujet par la Deutsche Welle.

Jörg Ganzenmüller, chef de la chaire d'histoire de l'Europe de l'est à l'université Friedrich Schiller d'Iéna:

Cette action des magazines allemands met au même niveau des événements qui, justement, ne peuvent pas être mis en parallèle : la politique actuelle de la Russie vis-à-vis de l'Ukraine et la mémoire des victimes de la Seconde Guerre mondiale. Cela n’a rien à voir. De 1941 à 1945, l'Union soviétique a mené une guerre défensive contre le troisième Reich. Les journalistes du Bild déforment les faits en affirmant que "les chars russes menacent à nouveau l'Europe". Si on suit leur logique, les chars soviétiques menaçaient également l'Europe pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est faux.

Dans son argumentation, Bild s'appuie sûrement sur la nature militariste de tels mémoriaux, qui offusquent peut-être quelques personnes aujourd'hui, dans l’Allemagne contemporaine. Mais il faut garder à l'esprit qu'il s'agit d'un mémorial soviétique – un monument consacré à la victoire et un cimetière militaire. Il ne faut pas oublier qu'on n'y trouve pas seulement des chars mais également des tombes de soldats. C'est une particularité de la culture mémorielle soviétique et russe : commémorer les victimes de guerre, les soldats tombés comme des héros. La glorification des héros et le deuil des soldats tombés sont inséparables. Celui qui exige le retrait des chars du mémorial offense les sentiments des personnes en deuil.

La démarche de Bild et B.Z. doit être examinée dans le contexte des sentiments antirusses, perceptibles dans certains médias allemands. Tout cela rappelle l'époque de la Guerre froide.
On peut difficilement prédire comment les Allemands réagissent à cette pétition. Certains pourrait avoir un "reflexe antisoviétique", notamment dans l'ouest du pays. Quoi qu'il en soit, cette démarche ne détendra pas l'atmosphère mais compliquera la situation."

Stefan Wolle, directeur scientifique du musée de la RDA à Berlin :

"Cette question a deux aspects, dont le premier est juridique. Dans le cadre des accords pour le retrait des troupes russes d'Allemagne a été signé un traité sur les cimetières et mémoriaux militaires soviétiques. L'Allemagne s'est engagée à les préserver et les entretenir, ce que les Allemands continuent à faire jusqu'à aujourd'hui avec responsabilité, piété et, entre autres, des dépenses matérielles non négligeables. Indépendamment de l'aspect de ces mémoriaux, malgré leur esthétisme stalinien et les citations de Staline, comme dans le parc de Treptow, nous en prenons soin. C'est notre devoir et aucune pétition ne pourra rien y changer. Voilà pour le côté juridique.

Mais il y a également un autre aspect. Les visiteurs de Berlin, notamment les habitants des
ex-républiques soviétiques comme les Etats baltes, s'étonnent de la proximité immédiate de ce complexe avec le Reichstag et la porte de Brandebourg, qui plus est de la présence de ces chars soviétiques. C'est désagréable pour eux et dans une certaine mesure on peut les comprendre. Dans l'histoire contemporaine de l'Allemagne l'attitude envers l'armée soviétique est ambiguë. D'une part, elle a imposée pendant presqu'un demi-siècle la dictature communiste en RDA et a servi d'arme de répression. D'autre part, l'armée soviétique a joué un rôle inestimable pour anéantir le troisième Reich et a endossé le principal fardeau de la lutte contre Hitler. Elle a libéré les Allemands de la dictature nazie.

En outre, en préservant et en entretenant ces mémoriaux et ces cimetières militaires soviétiques nous n'honorons pas l'Etat soviétique ou le système stalinien, mais les soldats tombés – russes, ukrainiens, kazakhs… Nous honorons la mémoire d'hommes concrets enterrés sur le sol allemand. Les "initiatives" de ce genre sont absolument inappropriées et ne font que jeter de l'huile sur le feu."

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