La Russie continue d’établir des relations particulières avec les plus grandes économies et les principaux centres politiques d'Europe continentale. L'interaction de la Russie avec l'Allemagne et l'Italie se construit notamment autour de la coopération énergétique.
Quant à la France, en termes d'échanges commerciaux, la coopération russo-française est en retard sur ses "analogues" russo-allemands et russo-italiens. Cependant, on constate une particularité primordiale: Moscou et Paris aspirent à diversifier leurs liens économiques.
Parmi les grands contrats qui permettent, selon les experts, de parler d'un renforcement des liens économiques russo-français, la participation du groupe Renault-Nissan au capital du russe AvtoVAZ - en 2014 le groupe français contrôlera 67% du capital de la coentreprise. Le groupe agroindustriel Danone a pour sa part l'intention d'investir plus de 500 millions d'euros sur le marché russe. Depuis 2011, la Société Générale contrôle 82,4% des actions de Rosbank, devenu après cette transaction le plus grand actif d'un groupe bancaire français hors de France.
France et Russie mènent ensemble des projets dans le secteur de la coopération militaire et technique: l'achat par la Russie de porte-hélicoptères Mistral et les plans de construction conjointe du 3ème et du 4ème bâtiment de cette classe dans les chantiers navals russes avec la participation française; la création en août 2011, par les compagnies Sagem et Rostekhnologuii, d'une coentreprise spécialisée dans les systèmes de navigation inertielle pour l'aviation militaire; ou encore le lancement de la fusée russe Soyouz le 22 octobre 2011 à Kourou, en Guyane française, le premier d’une fusée russe en dehors de l'ex-URSS). Le 2 décembre 2012, la fusée porteuse Soyouz-ST transportant le vaisseau européen Pleiades 1B a décollé du cosmodrome français de Kourou.
La coopération énergétique continue à apporter aux deux pays une motivation supplémentaire de rapprochement. La participation des compagnies françaises GDF Suez et EDF dans les projets gaziers Nord Stream et South Stream tout comme la prise de participation de Total au capital du russe Novatek constituent un socle solide pour les relations économiques russo-françaises.
Les échanges commerciaux entre la Russie et la France représentaient moins de 10% de l'ensemble du commerce russe avec les pays de l'UE en 2012, ce qui pousse à rechercher en permanence de nouveaux secteurs d'investissements mutuels. Selon les autorités russes, cette année, les deux pays pourraient connaître une certaine baisse du niveau de coopération commerciale et économique par rapport à 2012.
L'évolution des relations économiques bilatérales pousse les deux puissances nucléaires européennes à un contact confidentiel particulier dans le volet politique de leurs relations. La position de la France - en accord avec la position de l'Allemagne - au sommet de l'Otan à Bucarest en avril 2008, pour décider du plan d'action à fournir à la Géorgie afin de devenir membre de l'alliance, n'a pas échappé à la diplomatie russe. Comme l'ont été les efforts personnels de Nicolas Sarkozy, appréciés à leur juste valeur en août 2008. La France était au premier rang des partenaires de la Russie pour la question, très importante pour Moscou, de la simplification du régime de visas avec les pays de l'UE. En 2003, l'Allemagne a conclu avec la Russie un accord intergouvernemental pour faciliter les voyages mutuels de leurs concitoyens. En juin 2004 la France, la Russie et l'Italie ont signé des accords de simplification du régime de visas.
Mais à beaucoup d'égard, les positions de Moscou et de Paris divergent, allant parfois jusqu’au différend existentiel.
Le retour de la France dans les rangs de l'Otan a laissé son empreinte sur la politique étrangère du pays concernant plusieurs questions cruciales, notamment au Moyen-Orient. Les points de vue russo-français sont diamétralement opposés en ce qui concerne la Syrie et l'Iran. Paris prône le renforcement de la pression des sanctions occidentales sur ces pays tandis que Moscou s'est exprimé à maintes reprises pour annoncer sa position de principe concernant l'épuisement du potentiel des sanctions sur Téhéran et leur caractère inadmissible envers Damas.
Des progrès positifs sont également enregistrés en politique étrangère, sur des sujets qui suscitent de sérieux litiges dans les relations russo-françaises. Par exemple, la réunion du conseil de coopération pour la sécurité en format 2+2 (ministres des Affaires étrangères et de la Défense), qui a mis en évidence des relations équilibrées entre Moscou et Paris. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a déclaré à l'issue de la réunion que les deux pays avaient des "positions très proches sur la Syrie: nous ne voulons pas la destruction du pays, sa division ethnique ou confessionnelle, ni la propagation du terrorisme dans la région". Tout en notant certaines divergences dans l'appréciation de la situation, le ministre russe a souligné l'existence d'un consensus dans le dialogue russo-français sur le fond: "Nous voulons éviter le vide du pouvoir en Syrie".
Les experts des relations russo-françaises constatent des signaux positifs ces derniers temps entre Moscou et Paris. On mentionne notamment la création du poste de représentation spécial du MAE pour les relations économiques avec la Russie. Le président François Hollande a nommé à ce poste Jean-Pierre Chevènement – ancien ministre de la Défense et de l'Intérieur, et sénateur influent.
Les liens entre la Russie et la France, qui se distinguent par un contenu plutôt large et substantiel - au niveau intergouvernemental par la Commission pour la coopération bilatérale, ou encore par le Conseil pour les finances, l'industrie et le commerce - ont acquis ces derniers mois une composante analytique, ce qui permet d’espérer une évolution positive des relations bilatérales. Le centre analytique Observatoire franco-russe, dirigé par l'expert en relations russo-françaises Arnaud Dubien, a été créé au printemps 2012 auprès de la Chambre de commerce et d'industrie franco-russe (CCIFR).
Les relations entre la Russie et la France méritent l'attention prioritaire des hommes politiques des deux pays. Elles revêtent une grande valeur pour la diplomatie russe comme un certain modèle de combinaison équilibrée des domaines économique et politique pour le développement des relations avec les plus grands partenaires étrangers.
