Un automne franco-russe

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Arnaud Dubien - Sputnik Afrique
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Après le Conseil économique, financier, industriel et commercial (CEFIC) qui s’est tenu le 30 septembre à Paris en présence du ministre français du Commerce extérieur Nicole Bricq et du ministre russe du Développement économique Alexeï Oulioukaïev, Paris et Moscou se préparent au Séminaire intergouvernemental (SIG).

L’ordre du jour bilatéral est particulièrement dense en ce second semestre 2013. Après le Conseil économique, financier, industriel et commercial (CEFIC) qui s’est tenu le 30 septembre à Paris en présence du ministre français du Commerce extérieur Nicole Bricq et du ministre russe du Développement économique Alexeï Oulioukaïev, Paris et Moscou se préparent au Séminaire intergouvernemental (SIG).
Jean-Marc Ayrault se rendra à Moscou du 30 octobre au 1er novembre. Il sera accompagné de plusieurs ministres (Intérieur, Agriculture, Redressement productif, entre autres) et visitera le forum Open Innovations, dont la France est cette année le partenaire. Doit ensuite avoir lieu – en principe, le 7 novembre – la session annuelle du Conseil conjoint pour les questions de sécurité (CCQS), qui réunit les ministres de la Défense et des Affaires étrangères des deux pays. Rappelons que Laurent Fabius a déjà visité à deux reprises la Russie en septembre (Saint-Pétersbourg dans le cadre du G20, puis Moscou le 17 pour des entretiens avec son homologue Sergueï Lavrov).

La dynamique est donc en apparence plutôt bonne. Mais, de part et d’autres, des doutes s’expriment à mi-voix. Le dossier syrien pèse lourd. Paradoxalement, le  « Plan Poutine » sur les armes chimiques, qui a permis d’éviter une intervention militaire franco-américaine contre le régime de Damas, semble être resté en travers de la gorge de certains hauts fonctionnaires français que l’auteur de ces lignes a pu rencontrer ces derniers jours. Autre sujet d’inquiétude, pour l’instant « sous le radar » - l’Ukraine. La « guerre douanière » de la mi-août entre Moscou et Kiev est clairement interprétée comme un avertissement de la Russie à l’Ukraine mais aussi à Bruxelles, qui envisagent de signer un accord d’association en marge du sommet du Partenariat oriental prévu le 28 novembre à Vilnius. Pour l’instant, la diplomatie française est réticente à approuver cette accord (mais elle est très isolée). Paris s’inquiète de voir le fragile consensus européen sur la Russie, qui a émergé dans la douleur après la « Guerre des cinq jours » de 2008 et, surtout, la réconciliation russo-polonaise de 2010, voler en éclat.

Les Russes ont eux-aussi des motifs d’inquiétude. La bureaucratie française ne semble pas pressée de mettre en application la promesse faite par le président Hollande lors de sa visite à Moscou le 28 février – à savoir de traiter les capitaux et investisseurs russes en France comme les autres, sans faveur particulière mais sans traitement discriminatoire. Plusieurs dossiers de reprises d’actifs industriels en Champagne-Ardennes et dans les pays de la Loire sont en suspens, alors même que des centaines d’emplois pourraient être sauvés. Les diplomates russes continuent de fustiger une « grande presse » qu’ils jugent, à tort ou à raison, sous la coupe d’éditorialistes de filiation trotskyste toujours engagés dans une logique de croisade idéologique contre la Russie. Selon Moscou, la balle est désormais dans le camp de la France, qui doit décider si elle souhaite ou non un véritable partenariat stratégique avec la Russie.

En réalité, tout ne va pas si mal entre Paris et Moscou. Selon nos informations, un énergéticien français s’apprête à annoncer un investissement de grande ampleur en Russie ; l’Envoyé spécial de la France, Jean-Pierre Chevènement, effectue - avec le sens de l’intérêt national qui le caractérise – un travail de suivi aussi discret qu’efficace ; la mise à l’eau du premier Mistral commandé par la marine de guerre russe, le 15 octobre prochain à Saint-Nazaire, viendra rappeler que la relation bilatérale a ceci de particulier qu’elle s’étend à des domaines de souveraineté (ce qu’illustrent également les exercices conduits en août dans la région de Nijni-Novgorod par les armées de l’air de nos deux pays).

Mais il est vrai que l’on attend, de part et d’autre, un nouvel élan. Après avoir franchi un seuil entre 2008 et 2011, la relation commerciale s’essouffle quelque peu. Une victoire française dans le dossier de la future ligne ferroviaire à grande vitesse Moscou-Kazan serait un signal fort et changerait la donne. Au plan politique, les Russes attendent avec curiosité l’arrivée à Moscou du nouvel ambassadeur de France, Jean-Maurice Ripert. S’il n’est pas russophone et ne connaît pas la région CEI, à la différence de son prédécesseur Jean de Gliniasty, il est réputé pour sa proximité avec François Hollande, son ancien camarade de promotion à l’ENA. Un détail qui n’a pas échappé au Kremlin.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

Arnaud Dubien dirige, depuis mars 2012, l’Observatoire franco-russe à Moscou. Diplômé de l’INALCO et de l’IEP de Paris, il a été, de 1999 à 2006, chercheur Russie-CEI à l’Institut de relations internationales et stratégiques. Il a ensuite dirigé plusieurs publications spécialisées sur l’espace post-soviétique, parmi lesquelles l’édition russe de la revue Foreign Policy et les lettres confidentielles Russia Intelligence et Ukraine Intelligence. Ces dernières années, Arnaud Dubien a par ailleurs travaillé comme consultant du Centre d’analyse et de prévision du ministère des Aff aires étrangères, ainsi que de grands groupes industriels français. Il est membre du Club de Valdaï.

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