Le pavillon russe flotte… mais difficilement

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Jean-Dominique Merchet - Sputnik Afrique
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" La Marine russe a repris de la vigueur après sa longue période de quasi-absence à la mer ", constate la " bible " des affaires navales, l’ouvrage " Flottes de combat " dont l’édition 2012 vient de paraître

" La Marine russe a repris de la vigueur après sa longue période de quasi-absence à la mer ", constate la " bible " des affaires navales, l’ouvrage " Flottes de combat " dont l’édition 2012 vient de paraître (1).

En termes de tonnage, la flotte russe est toujours la deuxième du monde, avec un peu plus d’un million de tonnes (1.041.415 t), juste devant la chinoise (919.280 t.), mais nettement derrière l’US Navy, qui pèse trois fois plus lourd qu’elle (3.191.885 t.)

Tous les marins le savent : la quantité compte, mais elle n’est pas le seul critère pour juger d’une marine. La qualité des bateaux, des équipages et des constructions navales est également un facteur déterminant. Et Bernard Prézelin, l’auteur de Flottes de combat, n’a pas tort de pointer le fait qu’il n’existe au monde que deux grandes " marines océaniques avec le spectre complet des bâtiments " (sous-marins nucléaires, porte-avions, etc) : l’américaine et la française. En dépit des apparences, la flotte russe ne joue pas dans cette catégorie.

Certes, la marine russe refait flotter le pavillon sur de nombreuses mers : " on peut assister à de nombreux déploiements temporaires en Arctique, en Atlantique nord, en Baltique, en Méditerranée, en océan Indien et dans le Pacifique ouest. Cette présence ne peut que s’accentuer sous l’impulsion très volontariste du président Poutine ".

Pour les missions les plus imposantes, ces déploiements " sont articulés autour du porte-avions Kuznetsov ou du croiseur nucléaire Petr Velikiy ", voire des croiseurs de type Slava. On a ainsi vu, en janvier 2012, le Kuznetsov devant la Syrie… Plus régulièrement, ce sont des destroyers de la classe Udaloy, des frégates Neustrashimyy ou des bâtiments de débarquement Ropucha, notamment en Baltique.  " Flottes de combat " pointe le fait que ces sorties se font " accompagnées prudemment de remorqueur de haute mer pour remédier aux possibles avaries de propulsion ". C’est dire si la qualité reste un problème récurrent.

" Le renouvellement de la flotte peine à se faire en raison d’une perte de compétence évidente des chantiers russes " note l’ouvrage. " S’il y a beaucoup de mises sur cale, il y a très peu de mise en service ". En clair, les chantiers navals travaillent mais ne sont pas capables de produire des bâtiments opérationnels ! C’est vrai pour les sous-marins comme pour les bâtiments de surface.

Pour les premiers, " Flottes de combat " constate que " le premier SNLE de nouvelle génération Youri Dolgoroukiy  (classe Borey), mis sur cale en 1996, voit sa mise en service reportée de trimestre en trimestre " notamment à cause de difficulté dans la mise au point de son missile stratégique embarqué.

Même situation avec les sous-marins classiques ou nucléaires d’attaque. Par exemple, le "Saint Petersbourg " officiellement admis au service en 2010 " n’est pas vraiment opérationnel ". " La situation est à peine meilleure pour les bâtiments de surface ", que ce soit pour les nouvelles frégates ou les bâtiments amphibies.

Face à cette situation industrielle extrêmement difficile, la Marine russe a dû " commander des bâtiments éprouvés pour lesquelles certains chantiers n’ont pas perdu la main puisqu’ils ont continué à en construire pour l’exportation ". Ainsi des sous-marins classiques Kilo ou des frégates Krivak.

Parallèlement, la Russie a décidé de s’équiper à l’étranger – une grande première - avec l’achat à la France (chantiers STX de Saint-Nazaire) de deux, et sans doute quatre, porte-hélicoptères amphibies de la classe Mistral. Ils seront partiellement construits en Russie avec des transferts de technologie.

Quelques chantiers se sont donc maintenus à flot grâce à l’exportation et d’autres pourraient redémarrer grâce aux importations : le salut de la flotte russe passe sans doute par l’ouverture sur le monde. Même si ce choix est très loin de faire l’unanimité dans le complexe militaro-industriel.

En attendant, la Flotte doit accomplir ses missions avec des bâtiments d’ancienne génération. Qui nécessitent de partir avec des remorqueurs de haute mer…

 

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction.

(1)    Bernard Prézelin, " Flottes de combat 2012 "  Edtions maritimes et d’outre mer

* Jean-Dominique Merchet, journaliste spécialisé dans les affaires de Défense. Auteur du blog français le plus lu sur ces questions, créé en 2007. Ancien de l’Institut des hautes études de défense nationale. Auteur de nombreux ouvrages dont : « Mourir pour l’Afghanistan » (2008), « Défense européenne : la grande illusion » (2009), « Une histoire des forces spéciales » (2010), « La mort de Ben Laden » (2012).

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