Les réfugiés ukrainiens et les "anges d'Anna" : la charité russe à l'oeuvre

© Sputnik . Vera KostamoL'enfant de la famille des réfugiés de l'Est de l'Ukraine
L'enfant de la famille des réfugiés de l'Est de l'Ukraine - Sputnik Afrique
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Un grand immeuble blanc de trois étages, à Rostov-sur-le-Don, au milieu de luxueuses maisons résidentielles en brique rouge. Sa couleur aurait été la seule différence sans ses nouveaux habitants – 12 adultes et 29 enfants -, des réfugiés ukrainiens installés ici par des personnes ayant uni leurs forces pour aider les victimes.

Un grand immeuble blanc de trois étages, à Rostov-sur-le-Don, au milieu de luxueuses maisons résidentielles en brique rouge. Sa couleur aurait été la seule différence sans ses nouveaux habitants – 12 adultes et 29 enfants -, des réfugiés ukrainiens installés ici par des personnes ayant uni leurs forces pour aider les victimes.

Des gens ordinaires

C'est l'heure de la sieste dans l'immeuble. Pratiquement tous les enfants dorment. Nous avons un peu de temps pour nous entretenir avec ceux qui ont organisé le sauvetage des familles ukrainiennes parce qu'ils pensaient que cela "devait être fait". Dans la cour de la maison nous parlons avec une jeune femme, Anna. Son téléphone n'arrête pas de sonner et elle explique patiemment ce dont les réfugiés ont actuellement besoin ou non.

© Sputnik . Vera KostamoA la cour d'une maison résidentielle abritant des réfugiés de l'Est de l'Ukraine, Rostov-sur-le Don
A la cour d'une maison résidentielle abritant des réfugiés de l'Est de l'Ukraine, Rostov-sur-le Don - Sputnik Afrique
A la cour d'une maison résidentielle abritant des réfugiés de l'Est de l'Ukraine, Rostov-sur-le Don

"Il nous faut une deuxième machine à laver, il y a trop d'enfants, une seule ne suffit pas", explique Anna avant de revenir à notre conversation.

"Comment nous nous sommes retrouvés? Nous avons simplement pris contact sur internet. Nous nous sommes rencontrés en personne seulement le troisième jour, quand les gens étaient déjà arrivés ici", explique-t-elle. Un groupe se rend aux postes frontaliers et récupère des réfugiés avec des enfants, y compris malades.

Notre conversation est à nouveau interrompue: une Mercedes rouge approche de la maison, des jeunes femmes en sortent et commencent à décharger des sacs et des boîtes de nourriture, de couches et d'alimentation pour enfants. Elles ont appris sur les réseaux sociaux que des réfugiés vivaient dans cette maison, récolté de l'argent auprès des amis et des visiteurs du bar où elles travaillent pour acheter tout le nécessaire. Elles ont demandé si les réfugiés avaient besoin d'autre chose et sont parties. Les enfants ont attrapé les sacs pour les amener à l'intérieur.

"J'avais écrit: j'ai du temps et une voiture, quelqu'un a répondu qu'il pouvait également donner un coup de main", poursuit Anna. Elle montre la cave de la maison où les enfants ont amené les sacs. On y trouve déjà des dizaines de boîtes de nourriture – des légumes, des conserves, des biscuits, des œufs et du lait. Tout cela donné par des volontaires.

"Je me suis rendue une fois à la frontière pour récupérer une famille. Après, nos hommes – appelons les nos anges – ont pris en charge le transport alors que je m'occupe des familles et de la gestion" dit-elle. Sergueï, l'un des "anges", ressemble à un employé de bureau ordinaire: un pantalon repassé, une belle chemise et une voiture chère.

"Toutes les personnes qui nous aident viennent de la même sphère sociale. Mais ils sont de diverses origines - certains viennent du milieu d'affaires, d'autres aident parce qu'ils ne sont pas indifférents, il y a aussi des entreprises ou simplement des voisins", explique Sergueï.

Le bouche à oreille

Faire venir les hommes et les femmes avec enfants dans cette maison chauffée et les nourrir n'est pas la seule tâche dont s'occupe ce groupe de bénévoles.

"Hormis la nourriture et l'hébergement, il faut les aider à obtenir le statut de réfugié, à trouver un travail", explique Sergueï. Les cinq personnes qu'il a pu faire venir ont déjà trouvé un emploi.

"Nous avons réussi à trouver un travail pour une famille et ce revenu lui a permis de louer un appartement et quitter cette maison. Mais elle pourra toujours nous demander de l'aide si besoin", ajoute Anna.

Le groupe de bénévoles est en contact avec d'autres volontaires qui veulent apporter leur aide.

"Nous recevons de nombreuses lettres des habitants de la région prêts à accueillir des réfugiés. Nous sélectionnons ceux qui correspondent à nos critères - avant les conditions pour les réfugiés. On précise tout de suite que de la nourriture, des vêtements et des médicaments seront nécessaires. S'ils sont prêts à le fournir, si la superficie habitable est suffisante, alors nous y amenons les réfugiés", explique Sergueï. De nombreux habitants sont prêts à récupérer eux-mêmes les réfugiés à la frontière. Ils sont généralement acceptés sans aucun délai.

D'où viennent les bénévoles?

"Ils apprennent la situation sur internet, le bouche à oreille. Les bénévoles sont très nombreux à arriver, on ignore comment ils ont appris ce que nous faisions", dit Anna.

"Notre équipe transporte 30 à 40 familles par jour", explique Anna, précisant qu'en cas de bombardements en Ukraine le nombre de réfugiés à la frontière augmente et que les "anges" y arrivent immédiatement.

"Certains réfugiés n'arrivent pas à arriver jusqu'aux postes de contrôle et passent la frontière illégalement, par les champs", ajoute Sergueï.

La théorie des six poignées de main

© Sputnik . Vera KostamoDes réfugiés de l'Est de l'Ukraine
Des réfugiés de l'Est de l'Ukraine  - Sputnik Afrique
Des réfugiés de l'Est de l'Ukraine

Bien évidemment, les bénévoles ne peuvent pas régler tous les problèmes des réfugiés venant des régions de Lougansk et de Donetsk. Mais en quelques jours ils ont réussi à faire autant que certains ne feraient pas pour leurs proches. Anna explique que le monde est petit - qui plus est la ville.

"Connaissez-vous la théorie des six poignées de main? Ainsi, nous réglons le problème d'une femme atteinte du cancer par le biais du ministère de la Santé régional. Notre nouvelle voisine a parlé de son problème à ses connaissances, à leur tour ont trouvé un homme aisé qui serait prêt à payer les soins."

"Nous sommes déjà enregistrés auprès d'une clinique pour adultes et pédiatrique, le service fédéral d'immigration a déjà accepté d'aider à obtenir des documents pour les réfugiés.

Nous avons également des fournisseurs de légumes et de viande. Peu à peu on se fait superviser", énumère Anna.

Dans l'ensemble, cette histoire d'hébergement et d'aide pour ce groupe de bénévoles a commencé ainsi: leur connaissance Igor Grekov, propriétaire de cette maison, a décidé que les réfugiés en avaient plus besoin que lui.

Les motivations des bénévoles sont diverses.

"Je suis croyant, c'est mon devoir de chrétien", dit l'un des coordinateurs du groupe, Alexandre.

"Une telle situation peut arriver à n'importe qui", ajoute Sergueï.

"Cela doit être la charité", estime Anna.

"Les enfants continuent à se baisser quand un avion ou un hélicoptère passe."

© Sputnik . Vera KostamoLes enfants réfugiés de l'Est de l'Ukraine
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Les enfants réfugiés de l'Est de l'Ukraine

Pratiquement tous les réfugiés d'Ukraine souhaitent rester en Russie.

"Il m'est impossible de revenir, j'ai traversé la frontière avec mes enfants illégalement", explique Rita, mère de cinq enfants. Son mari a réussi à fuir avec la famille et a déjà trouvé un travail.

"J'ai laissé mon diplôme à la maison, je n'y avais pas pensé au moment de partir – je suis enseignante d'anglais et d'ukrainien", poursuit Rita. La famille est dans une situation difficile, deux des cinq enfants sont handicapés – un souffre d’une diplégie cérébrale infantile, l'autre n'a pas été correctement soigné d'une méningite.

"Je suis prête à être nounou ou infirmière, mais il faut s'occuper des enfants", dit Rita.

Toutes les réfugiées ne sont pas arrivées en Russie avec leur mari. La maison compte seulement trois hommes.

Une femme pleure dans la cuisine. Elle a eu son mari au téléphone. C'est terrible: la trêve est terminée. Il ne reste plus qu'à prier.

Dans l'une des chambres les bénévoles ont aménagé un local de prière. Les objets liturgiques ont été fournis par l'église locale.

La question cléricale est encore très pertinente pour les réfugiés. Aucune conversation ne se passe sans mentionner le conflit entre les orthodoxes dans l'est et les catholiques dans l'ouest de l'Ukraine.

"Avant que tout ne commence ils ne nous opprimaient pas comme ça, mais aujourd'hui ils disent ouvertement que nous sommes leurs esclaves", explique la réfugiée.

Les femmes parlent constamment de la gentillesse et de l'hospitalité des Russes.

"La nuit, sous les tirs, avec les enfants nous avons sauté dans les camions en route. Tant bien que mal on est arrivé jusqu'à la frontière pour la traverser. On a été accueillis très chaleureusement et transporté dans un lieu sûr. Mais les enfants continuent à se baisser quand les avions et les hélicoptères passent", raconte Rita.

Les bénévoles se rendent tous les jours à la frontière pour récupérer des femmes et des enfants. Il faut dès à présent régler le problème de leur hébergement. "C'est primordial que les gens continuent à aider. Dans un mois tout le monde oubliera et l'aide cessera, alors que les réfugiés seront toujours là", dit Alexandre.

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