Presque cent ans se sont écoulés depuis l'exécution du dernier empereur russe Nicolas II et de sa famille par les bolcheviks. Michael Romanov-Ilyinsky fait partie des 60 membres de la dynastie Romanov dispersés par le destin à travers le monde - essentiellement en Europe. Certains d'entre eux sont proches, d'autres sont des parents éloignés du tsar, certains d'entre eux se battent enfin désespérément pour des titres et des droits.
Découverte de la Russie
Michael Romanov-Ilyinsky a décidé de recoller les morceaux de l'histoire de sa famille à 28 ans, alors qu’il se préparait à un voyage en Union soviétique. Il a alors fouillé dans les albums photo qui traînaient dans le grenier, dans les bibliothèques et aux archives avant de demander à ses proches de répondre à ses questions.
Michael a foulé le sol russe pour la première fois en septembre 1989, alors que les réformes de Gorbatchev avaient commencé à dévoiler au monde certains aspects de la vie soviétique. Il est arrivé en URSS après avoir arrêté de boire pour aider, avec d'autres bénévoles, les alcooliques de Russie à combattre leur vice grâce à une discussion ouverte et un échange d'expériences.
Michael est revenu en Russie en 1994 pour la première grande réunion de la dynastie des Romanov à Saint-Pétersbourg. En 1998 il revient à nouveau dans cette ville pour assister à l'enterrement de Nicolas II et de sa famille.
Pendant les années 2000 ses voyages se sont faits de plus en plus fréquents. Ses déplacements visant notamment à transmettre des objets appartenant à la famille impériale. Aujourd'hui il peut facilement détailler l'arbre généalogique des Romanov et les biographies de ses représentants, bien que le recueil de ces informations n’ait pas toujours été facile.
Les Romanov américains
Bien que le père de Michael ait gardé le silence sur l'histoire de sa famille, son fils en parle avec fierté, qualifiant Paul Ilyinsky de "seul Romanov de la fonction publique".
Paul, ex-Marines, était un Américain typique. Mais son père - le grand-père de Michael - était le grand-duc Dmitri Pavlovitch, qui avait perdu la confiance de Nicolas II et était suspecté d’avoir participé en 1916 à l'assassinant de Grigori Raspoutine, très apprécié par l'impératrice Alexandra Feodorovna.
L'empereur avait envoyé Dmitri sur le front perse, à la périphérie de l'Empire russe. Cet ordre- sanction l'a finalement sauvé des bolcheviks.
Dmitri n'a jamais mentionné Raspoutine et son éventuelle implication dans son assassinat, même avec les membres de sa famille.
Lorsque la révolution russe s'en est prise aux "ennemis de classe", Dmitri est parti en Europe.
Sa sœur, la grande-duchesse Marie Pavlovna, a également fui la Russie pour s'installer en France, où elle faisait de la broderie et de la dentelle, vendant ses produits à la maison de couture Chanel.
Dmitri, connu pour son sens de l'humour, a certainement charmé Coco Chanel, fondatrice de la "mode négligée". Il n'existe pas de preuves tangibles mais beaucoup disent que c'est grâce à lui que Coco a rencontré le parfumeur Ernest Beaux, créateur du Chanel n°5.
En 1926 Dmitri épouse une riche héritière américaine, Audrey Emery, que son petit-fils Michael appelle la "princesse du dollar". En effet elle n’avait de sa classe que la richesse et c'est grâce à son mariage qu'elle a obtenu le titre de princesse.
Le mariage n'a pas tenu longtemps et Emery a perdu ses titres de noblesse. Elle continuait tout de même à aider son ex-mari resté à Paris. Mais depuis les Etats-Unis, où elle est revenue avec son unique fils Paul, père de Michael, à Cincinnati, où sa famille a fondé un grand empire immobilier.
Dans la nécrologie qui lui est consacrée par le New York Times en 1971, il est dit que l’héritage constitué par sa famille grâce au commerce immobilier s’élevait à 40 millions de dollars.
Route labourée en Russie
En dépit de ses racines impériales et de l'éducation qu’il a reçue dans une riche famille conservatrice, Michael Ilyinsky dit qu'il ne se sent pas "Romanov de la famille impériale".
En réalité, lorsqu'il a appris son origine impériale il avait déjà vécu une jeunesse tumultueuse pleine d'expériences et de recherches.
Il a quitté le domicile familial à l'âge de 17 ans, a travaillé dans un restaurant, a quitté l'école pendant un an. "J'ai acquis de l'expérience quand j'essayais de trouver du travail et cela m'a ouvert les yeux. Aux Etats-Unis on ne peut aller nulle part sans le baccalauréat", souligne-t-il. Après le lycée il travaille dans l'immobilier pendant quatre ans au sein de l'entreprise familiale. L’expérience ne lui plait pas. Il étudie ensuite pendant trois ans et demi à l'université sans avoir terminé ses études. Michael Ilyinsky a également connu deux accidents extrêmement graves en motoneige et en voiture. Depuis, il remercie le destin d'être resté en vie.
La politique ne l'intéressait pas non plus mais à l'âge de 30 ans Michael s'est familiarisé avec l'un des métiers de son père en devenant photographe : il a géré son propre studio photo pendant
15 ans. Aujourd’hui il s'occupe principalement de projets bénévoles dans l'éducation et mène des recherches sur la famille impériale.
Au cours de ses voyages réguliers en Russie, Ilyinsky rapporte des reliques de sa maison de Cincinnati et les présente lors d’expositions. Il apprend également le russe.
"Je viens constamment en Russie avec des projets, j'essaie même d'apprendre la langue malgré les immenses difficultés, les grands frais financiers et la constante déception, déclare Ilyinsky. La Russie est devenue une passion pour moi, c'est pourquoi je ne baisse pas les bras."
En juillet Michael Ilyinsky fera venir certaines affaires personnelles des Romanov à Tsarskoïe Selo. Une exposition intitulée "Les Romanov : de Tsarskoïe Selo à Cincinnati" se tiendra dans cette ancienne résidence impériale près de Saint-Pétersbourg.
Le mois dernier avec sa femme Debra, Ilyinsky s’est rendu dans ce domaine luxueux au palais et jardins magnifiques pour l'opéra consacré au 400ème anniversaire de la dynastie des Romanov, qui a sauvé la Russie au Temps des troubles.
L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction
