Près de 20 000 personnes se sont rassemblées hier à Simféropol, où se situe le parlement de Crimée, pour organiser deux manifestations parallèles, l’une pro-ukrainienne et l’autre pro-russe, écrit jeudi le quotidien Vedomosti. La première était organisée par le parti Rousskoe Edinstvo (Unité russe) avec la participation des Tatars de Crimée. Les rassemblements ont dégénéré en affrontements et un homme est décédé d'une crise cardiaque, selon les médecins.
Les affrontements sont le fait de provocateurs, a déclaré le président d'Unité russe Sergueï Aksenov. Son parti prône l'octroi à la Crimée d'une plus large autonomie au sein de l'Ukraine, pas son annexion à la Russie. Il exige des autorités de Kiev qu’elles formulent clairement leur position à l'égard de la Crimée et des citoyens russophones. Seulement après, nous saurons s'il est possible de mener avec elles des négociations sur l'autonomie, explique Sergueï Aksenov. Les Tatars ont exprimé leur soutien aux nouvelles autorités et ont exigé de retirer le drapeau russe du bâtiment du parlement. Le président du parlement Vladimir Konstatinov, qui avait évoqué plus tôt à Moscou l'éventuelle séparation de Kiev, a déclaré hier que cette question ne se posait pas au parlement.
Les nouvelles autorités de Kiev n'ont pas encore annoncé leurs plans détaillés au sujet de la Crimée, mais au cours des trois mois de confrontation avec Viktor Ianoukovitch elles avaient précisé à plusieurs reprises que leurs protestations ne visaient pas la Crimée ou la population russophone.
Le ministre de l'Intérieur par intérim Arsen Avakov a déclaré hier que l'une des raisons pour laquelle Ianoukovitch n'était pas activement recherché en Crimée était l'aspiration des dirigeants des forces de l'ordre d'empêcher des conflits armés.
Des députés russes restent présents en Crimée, tandis que le président russe Vladimir Poutine a ordonné une vérification inopinée de l'opérationnalité des districts militaires Ouest, Central et Est en Russie. Le président de la commission pour la CEI à la Douma (chambre basse du parlement russe) Leonid Sloutski, de retour de Crimée, n'écarte pas l'éventualité d'une expansion armée de Kiev vers l'est et le sud-est. L'affaire semble se diriger vers la guerre, reconnaît le chef de la fraction Russie juste au parlement russe, Sergueï Mironov : la flotte de la mer Noire russe est stationnée en Crimée, le personnel et leurs familles sont des citoyens russes, il existe des raisons et des possibilités de les protéger.
Les autorités russes doivent élaborer un ensemble de mesures pour protéger tous les habitants de l'Ukraine qui souhaitent vivre avec la Russie, a déclaré Leonid Sloutski. L'une d’elles pourrait être un projet de loi sur la procédure simplifiée d'octroi de la citoyenneté russe.
L'intervention militaire de la Russie n'est pas nécessaire – il existe de nombreux autres moyens d'influer sur la situation en Ukraine, estime le député de Russie unie Alexeï Jouravlev, actuellement présent en Crimée. Un député communiste a déclaré qu'il recevait des appels des électeurs prêts à partir en Crimée pour protéger les habitants. Certains députés et organisations sociales ont suggéré de former des détachements de milice, déclare le député de Russie unie. La position de l'Etat restera pour l'instant attentiste : il est impossible de ne rien entreprendre, la situation des nouvelles autorités ukrainiennes reste floue – la Russie ne reconnaît pas leur légitimité, a déclaré Viatcheslav Nikonov, président de la commission pour l'éducation du parti Russie unie.
Contrairement à l'Abkhazie et à l'Ossétie du Sud, la Crimée n'a jamais été un territoire autonome et la Russie ne souhaite pas s'impliquer dans une guerre aussi importante qu'en Géorgie, étant donné la différence des potentiels militaires, déclare le politologue Vladimir Kornilov.
