Crise en Ukraine: un ancien ministre russe propose ses règles du jeu

© RIA Novosti . Sergey Guneev / Accéder à la base multimédiaKommersant
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La crise politique actuelle en Ukraine laisse de moins de moins d'espace au pragmatisme économique et au choix réfléchi d'un axe de développement pour le pays, écrit mardi Alexeï Koudrine, ancien ministre russe des Finances, dans le quotidien Kommersant.

La crise politique actuelle en Ukraine laisse de moins de moins d'espace au pragmatisme économique et au choix réfléchi d'un axe de développement pour le pays, écrit mardi Alexeï Koudrine, ancien ministre russe des Finances, dans le quotidien Kommersant.

Les contradictions accumulées au sein de la société ukrainienne appellent une solution immédiate, et le thème de l'intégration européenne semble plutôt être le prétexte que la cause des récentes manifestations. L’inconstance de la position du gouvernement ukrainien a fortement contribué à une telle évolution de la situation. Désormais, il est extrêmement difficile de stopper le train en marche après avoir préparé et paraphé l'accord d'association avec l'Union européenne, loué ses avantages à la population, tout en espérant que cela ne soit pas interprété comme un subterfuge.

Les actions actuelles de l'opposition ukrainienne ne s'expliquent pourtant pas par le désir de rejoindre le chemin européen, long et difficile, mais plutôt par la perspective de l'élection présidentielle.

De nombreux Ukrainiens souhaitent intégrer l'Europe, qui promet une meilleure stabilité, des institutions plus développées, le bien-être et la sécurité. Mais ils ne s'interrogent pas sur le temps qu'il a fallu pour former la mentalité européenne ou mettre en place un système économique et social deux fois plus productif par rapport aux pays de la CEI les plus développés.

A l'est ? A l'ouest ? On ne peut que regretter ce dilemme qui divise Kiev. D'autant qu'il n'est pas encore question de l'adhésion du pays à l'UE. L'économie mondiale est de plus en plus intégrée et l'est va donc tendre vers les standards économiques de l'ouest en les adaptant à ses particularités - comme le montre le processus d'expansion de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

La Russie adhérera probablement à l'OCDE avant l'Ukraine. Cela signifie que sur beaucoup de paramètres, y compris la qualité des institutions et de la législation, les Russes se retrouveront plus près de l'Europe que les Ukrainiens. Et évidemment, l'Europe restera pour la Russie le principal marché d'écoulement et une source d'importation des technologies.

Il est important pour l'Ukraine de renforcer les relations avec ses deux principaux partenaires économiques. Les échanges commerciaux de l'an dernier avec l'UE et la Russie ont atteint 45 milliards de dollars dans les deux cas, et ce, avec une répartition similaire – près de 17,5 milliards de dollars d'exportations et 27,5 milliards de dollars d'importations. Logiquement, l'Ukraine exporte davantage de véhicules et d'équipements en Russie qu'en Europe.

La complexité du choix de l'Ukraine s'explique également par sa situation budgétaire des dernières années. Selon le FMI, le déficit budgétaire de 2012 s'est élevé à 4,6% du PIB (auquel il faut ajouter 1,7% du PIB de pertes directes de Naftogaz Ukraine). Il sera de 4,5% du PIB cette année et augmentera l'année prochaine.

Le déficit de la balance des paiements, qui se traduit par un manque de fonds pour payer l'ensemble des importations et rembourser les crédits, dépassait 7% du PIB en 2011 et 2012 précédentes et avoisine les 8% cette année. Soit un déficit d'environ 12 milliards de dollars. Au printemps dernier les réserves de change de l'Ukraine s'étaient réduites de 20% en an pour atteindre 24 milliards de dollars, selon le FMI.

Il est difficile d'obtenir un crédit du FMI pour combler le manque de réserves de change car dans ce cas il serait nécessaire d'appliquer des exigences strictes de réduction budgétaire, d'augmenter les tarifs et de dévaluer partiellement la monnaie nationale. C’est politiquement difficile, bien qu’utile pour améliorer la balance des paiements, réduire le déficit budgétaire et relancer la croissance économique du pays. En cas de manque de monnaie l'Ukraine devra fortement dévaluer la hryvnia.

Du point de vue économique, l'intégration européenne de l'Ukraine se résume à un choix entre une détérioration économique éphémère, en adoptant des mesures impopulaires dans les 2-3 prochaines années, et une éventuelle amélioration du fonctionnement des institutions économiques et politiques sous la supervision de Bruxelles et du FMI sur le long terme. En conservant de bonnes relations et la prévalence du patronat russe, l'Ukraine pourrait compter sur un crédit élevé et une réduction des tarifs gaziers, ce qui reporterait la dévaluation - voire la réalisation des réformes, qui devront de toute façon être progressivement mises en œuvre après la présidentielle.

La proposition russe de négociations trilatérales est une bonne démarche car celles-ci permettraient de réconcilier les régimes de fonctionnement des trois zones commerciales et de trouver une solution optimale pour l'économie ukrainienne. Tôt ou tard l'Ukraine s'intégrera à l'Europe, mais il vaut mieux qu’elle le fasse progressivement.

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