Pourquoi les Russes ont si peur d'un ennemi extérieur

© RIA Novosti . Valeri Morev / Accéder à la base multimédiaVedomosti
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L'idéologie isolationniste est très en vogue au sein de la société russe, écrit jeudi le quotidien Vedomosti.

L'idéologie isolationniste est très en vogue au sein de la société russe, écrit jeudi le quotidien Vedomosti. La population est par ailleurs majoritairement passive, ce qui garantit à la structure existante une certaine stabilité mais empêche le progrès.

Deux raisons expliquent cet état de fait. La première est intérieure et tient aux mœurs et phobies sociales réelles. L’autre est extérieure : elle relève des mœurs et phobies venant "d'en-haut".

Selon les récents sondages du centre Levada, la part des Russes craignant un ennemi extérieur a retrouvé son niveau record de 2003 (78%). Ce pic faisait alors suite à une augmentation constante des peurs depuis 1989 (13%). Puis 2003 a marqué le début de la "stabilité poutinienne", dans le contexte de la révolution des roses en Géorgie et de l'invasion de l'Irak par les Américains.

Les économistes soulignent depuis longtemps que le niveau de confiance élevé de la population à l'égard de l'Etat - même si celui-ci s’avère clairement corrompu et répressif - était dû au manque du "capital social" et de confiance mutuelle. Il est parfaitement logique que dans un contexte d’instabilité sociale une telle société soit plus encline à s'unir autour du gouvernement en accusant divers éléments destructeurs extérieurs et intérieurs de tous les problèmes, qu’à attaquer l'Etat.

L'apparition, au sein de la société, du syndrome de la forteresse assiégée en vient même à profiter à l’Etat réticent à engager des réformes. Ce facteur contribue de manière importante au renforcement de telles mœurs.

Cette atmosphère se forme de manière progressive. D'une part par la rhétorique antioccidentale et la recherche d'ennemis extérieurs. Mais aussi par la désintégration de la société et la recherche d'ennemis intérieurs comme les activistes civils, les immigrés, les homosexuels, etc. L'un peut être facilement remplacé par l’autre – et les ennemis intérieurs sont présentés comme des agents extérieurs. En février 2012 Poutine avait cité Borodino de Lermontov lors d’un meeting de campagne au stade Loujniki. Il avait comparé les manifestations qui secouaient alors la Russie à l'invasion de Napoléon en 1812. Selon le centre Levada, ce message a été entendu : un an plus tard un grand nombre de Russes soutenait les lois répressives.

Ces mœurs de la société permettent au gouvernement d'être l'unique source des initiatives, de contrôler l'orientation politique et idéologique du pays et de se faire passer pour conservateur ou réformateur en fonction des circonstances.

Ce schéma est régressif. Il a quelques années, un groupe d'économistes dirigé par Philippe Aghion avait étudié le niveau de confiance sociale dans 50 pays. Il en avait conclu que les pays ayant un faible niveau de confiance horizontale et un haut niveau de contrôle gouvernemental étaient largement plus pauvres que les pays socialement intégrés. Le développement de l'économie, de la culture et des institutions publiques n'est possible que dans une société horizontalement intégrée, et non obsédée par une menace extérieure.

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