Téhéran défie Tel-Aviv

© Sputnik . Vladimir Trefilov / Accéder à la base multimédiaLe vice-ministre iranien des Affaires étrangères M. Hossein Amir-Abdollahian
Le vice-ministre iranien des Affaires étrangères M. Hossein Amir-Abdollahian - Sputnik Afrique
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Si le camp euratlantiste arrive à ses fins, inutile de préciser quel sera le sort de l'Iran, surtout que la politique profondément irrationnelle, voire paranoïaque de Tel-Aviv vis-à-vis de l'Iran et de la Syrie déterminera automatiquement la stratégie ultérieure de Washington.

Un entretien avec le vice-ministre iranien des Affaires étrangères M. Hossein Amir-Abdollahian, qui met en garde Israël ou plutôt les Etats-Unis, par son intermédiaire.

Si Assad est renversé, la riposte iranienne ne se ferait pas attendre. Une telle réaction suscite un certain nombre de questions. Ainsi, comment expliquer le revirement inespéré de Rohani dont la stratégie visait jusqu'ici à apaiser les tensions irano-américaines héritées de l'ère Ahmadinejad?

Comment expliquer que l'Iran menace aussi directement un Etat choyé par les USA? Aurait-il donc, si Assad finissait vraiment par être renversé, les moyens de ses ambitions? Si c'est la cas, l'engagement de l'Iran entraînerait un affrontement ultime, au sens propre, entre l'axe israélo-américain et, pour reprendre cette expression de Bassam Tahhan, le croissant chiite. Serait-ce le début de cette 3ème GM dont on entrevoit déjà les facteurs déclenchants?

L'issue des négociations secrètes sur le nucléaire iranien qui se sont tenues en novembre 2013 entre Téhéran, Washington et Bruxelles a bien montré que Rohani n'entendait pas persévérer dans la voie anti-américaine de son prédécesseur. D'un côté, il comptait faire rentrer son pays dans l'OCS, de l'autre, la nécessité d'une levée partielle des sanctions se faisant urgente, livrer du gaz iranien à l'UE en échange de quelques concessions sur le nucléaire. Au grand dam du camp Ahmadinejad et surtout au grand dam d'Ali Khamenei, le Guide suprême, Rohani avait mordu à l'hameçon étasunien. S'il est vrai que sa démarche était tout à fait explicable les sanctions étouffant l'économie iranienne, il est non moins vrai qu'elle portait atteinte aux intérêts russes et chinois invalidant le projet d'adhésion à l'OCS et livrant l'Iran aux caprices de ceux qui en font, quand bon leur semble, la bête noire à abattre. Au bout du compte, il fallait choisir.

Croyant reprendre le contrôle de la situation sur fond de crise irakienne, Téhéran propose son aide contre l'EI mais à condition que les sanctions soient totalement levées. Cette proposition avait tout ce qu'il y a de plus logique. Dans l'état actuel des choses, alors donc que les USA se disent choqués par l'avancée de l'EI et que la Vieux Continent ne sait plus que faire de "ses" djihadistes par ailleurs de plus en plus nombreux, il semblerait normal d'accepter cette aide ainsi que celle proposée par Damas en échange d'un petit effort diplomatique de la part de la France. Or, après quelques velléités euro-américaines, elle fut finalement rejetée par John Kerry au motif que la coalition s'acquitterait très bien de sa tâche. Précisons une fois de plus que le contraire aurait été pour le peu surprenant, l'EI étant entre les mains des puissances atlantistes le seul instrument de pression sur l'Irak, la Turquie et la Syrie. S'il faut un exemple parlant, Kobané en est un. Il suffit de constater que la Turquie a fermé sa frontière aux Kurdes de Syrie vouant de la sorte à une mort certaine plus de 300.000 personnes piégées par l'avancée de l'EI. En revanche, la Turquie se targue d'accueillir sur son territoire une opposition syrienne dite modérée qui apprend à être encore plus modérée dans deux camps d'entraînement situés comme par hasard dans des zones frontalières de la Syrie. N'oublions pas que la Turquie est membre de l'OTAN et ne fait par conséquent qu'appliquer la stratégie de l'Alliance.

Dans l'état actuel des choses, il n'est pas certain que l'armée syrienne puisse libérer Kobané des égorgeurs de l'EI avant qu'il ne soit trop tard. Qui plus est, les frappes de la coalition ont à peine, voire pas du tout touché les positions du Daesh. En revanche, elles ont fait obstacle à l'avancée des troupes syriennes qui à un moment donné ont été forcées de reculer. Enfin, comme par hasard, la coalition envisage la création d'une zone tampon doublée "pour plus d'efficacité" (voir l'analyse de Georges Malbrunot dans le Figaro) d'une zone d'exclusion aérienne où les "rebelles modérés devraient s'installer pour renforcer leurs positions contre Bachar el-Assad", donc, menons le raisonnement à son terme, où devrait s'installer l'OTAN pour épauler son supplétif. Sur ce point-là, on est en plein dans le scénario afghan avec en plus, dans le cas présent, un plan d'action conforme au vieux projet de démantèlement de l'Irak et de la Syrie. Si le camp euratlantiste arrive à ses fins, inutile de préciser quel sera le sort de l'Iran, surtout que la politique profondément irrationnelle, voire paranoïaque de Tel-Aviv vis-à-vis de l'Iran et de la Syrie déterminera automatiquement la stratégie ultérieure de Washington. Téhéran se retrouvera donc confronté et à l'EI, et à ceux qui le tiennent en laisse, désireux de mener à son terme la vaste opération de remodelage lancée en 2001.

Conscient de ces facteurs, l'Iran n'a plus l'embarras du choix. La balance a donc penché vers une alliance avec la Russie et un soutien inconditionnel à Bachar el-Assad. Au stade où nous en sommes, les politesses diplomatiques n'ont guère d'effet et l'Iran l'a bien compris lui qui d'ailleurs, le mainstream médiatique l'oublie trop souvent, n'a jamais attaqué Israël le premier. Seulement voilà: a-t-il véritablement les moyens de le faire? Quelle que soit la soit la réponse, il est clair que nous sommes au seuil d'une III GM puisque Washington ne reculera pas. L'éventuelle implication de l'Iran ne fera que hâter les évènements mais peut-être aussi le dénouement d'un cauchemar déjà long de treize ans. Nous le verrons sous peu.

Propos recueillis par Françoise Compoint, La Voix de la Russie

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