Afghanistan/présidentielle: cette démocratie tant vantée

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Les deux candidats à la présidentielle afghane ont remporté l'élection. Ils se partagent donc le pouvoir, rétablissant ainsi une unité relative dans le pays. L'un sera président, l'autre sera premier ministre ou sera chargé de nommer ce dernier.

Les deux candidats à la présidentielle afghane ont remporté l'élection. Ils se partagent donc le pouvoir, rétablissant ainsi une unité relative dans le pays. L'un sera président, l'autre sera premier ministre ou sera chargé de nommer ce dernier.

Banquier contre ophtalmologue

Dimanche dernier, l'actualité faisait la une aux Etats-Unis: un gouvernement allait enfin être formé en Afghanistan, d'où la majeure partie des troupes des USA et de l'Otan ont été retirées. Désormais, il sera possible de signer un accord pour le maintien de 9 800 soldats américains sur le territoire du pays. L'Afghanistan ne connaîtra pas d'exode et on assistera à une transition progressive de l'échec de l'occupation américaine vers un nouvel Afghanistan.

La Russie se retrouve dans une position favorable car les deux candidats - l'ex-ministre des Finances Ashraf Ghani et l'ex-ministre des Affaires étrangères Abdullah Abdullah - convenaient à Moscou.

Quand, rapidement après l'invasion américaine en Afghanistan, on avait littéralement parachuté un président pour le pays - Hamid Karzaï - il y avait beaucoup de mécontents: il était jusque-là derrière la caisse d'un restaurant dans une rue américaine… Mais il s'est avéré qu'en se brouillant avec Barack Obama, après des relations tendres avec George W. Bush, Karzaï était devenu un homme réussissant à établir des relations équitables avec tout le monde.

Avec les Etats-Unis, malgré les querelles et les humiliations permanentes. Avec la Chine, l'Inde, la Russie et l'Iran: l'Afghanistan a progressivement avancé vers la position de pays d'Asie centrale, sachant bien qu'il faudrait remplir le vide politique laissé après le départ des USA et de l'Otan par une amitié avec les voisins proches et lointains. Et cette situation perdurera visiblement avec le nouveau gouvernement.

Cette démocratie tant vantée

Analysons plus attentivement cette histoire de deux vainqueurs et quelles idées utiles elle suscite. Pour commencer, bien que le premier tour de la présidentielle afghane se soit tenu en avril, il reste impossible de savoir vraiment pour qui les électeurs ont voté. La commission électorale a tout simplement annoncé que Ghani était le vainqueur - le fait qu'il ait peut-être remporté 55% des voix n'est que le point de vue de son QG de campagne. Au final, selon le New York Times, les Afghans pourraient se demander quelle importance, au fond, leurs voix ont-elles eues.

Et tout de même, qui a inventé ce système étrange où les deux candidats gagnent et se partagent le pouvoir? Le secrétaire d'Etat américain John Kerry. C'est lui qui s'est rendu à Kaboul avec une équipe imposante pour convaincre les deux rivaux, tout en sachant que le budget de l'Etat dépend à 65% de l'aide américaine. Néanmoins, il a fallu de facto oublier l'élection et tout faire en mode manuel. Alors même que la procédure échouée du recomptage des bulletins a coûté aux USA et d'autres donateurs étrangers 147 millions de dollars. Pour rien.

Au lieu de rappeler les plaisanteries de l'époque soviétique sur les échecs de la "démocratie américaine tant vantée", souvenons-nous qu'un précédent de double-gouvernance existe déjà au Cambodge, où comme en Afghanistan une guerre a eu lieu et les vainqueurs du régime de Pol Pot n'étaient pas en très bons termes entre eux… Au final, de 1993 à 1998 le Cambodge a eu deux premiers ministres. Le prince Norodom Ranariddh (fils du roi du Cambodge) et Hun Sen. Après de longues manœuvres le second a réussi à se débarrasser du premier et dirige encore le pays aujourd'hui. Mais tout semble avoir réussi, le pays se porte bien mieux.

Arrivera-t-on à un telle situation en Afghanistan? Les passants, les commerçants, les chauffeurs de taxi interrogés par les journalistes et d'autres sources d'informations pensent que l'entente entre les deux dirigeants ne tiendra pas. Ghani est agressivement insistant, Abdullah est obstiné… Mais c'est toujours mieux qu'une suspension soudaine du commerce et d'autres activités. Selon certaines estimations, cette élection a fait chuter le PIB du pays de 30%. Qui a besoin d'une telle fête de la démocratie?

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