La population allemande, française et britannique conteste l'utilité de l'adhésion de la Géorgie, de la Moldavie et de l'Ukraine à l'UE, selon un sondage réalisé par l'agence ICM Research.
Les Allemands sont les plus hostiles à l'expansion de l'UE. A la question "Êtes-vous favorable à l'adhésion à l'UE de nouveaux membres, tels que la Géorgie, l'Ukraine et la Moldavie?", seulement 1% des personnes interrogées ont répondu "favorable", 21% "plutôt favorable" et 71% se sont prononcés contre.
Mais ce ne sont pas les résultats du sondage qui sont surprenants. Ce n'est pas un secret que les Allemands, les Français et les Britanniques ne se réjouissaient pas non plus en voyant arriver la Pologne, la République tchèque et la Hongrie, sans parler de la Bulgarie, de la Roumanie et des pays baltes. Ce qui est surprenant - et qui est resté hors cadre – c'est le soutien à l'idée d'élargir l'UE en intégrant l'Ukraine, la Moldavie et la Géorgie.
Certes, tous les pays ne sont pas non plus unanimes. Les Hongrois et les Slovaques sont plus que sceptiques. Les Tchèques sont partagés. Les Bulgares eux-mêmes ignorent comment fuir aujourd'hui le "paradis" européen et s'efforcent de persuader les autres de ne pas se rapprocher de l'UE. En revanche, la Pologne, les pays baltes et la Roumanie soutiennent activement l'expansion de l'Union européenne vers l'est.
A première vue, pourquoi les Allemands, les Français et les Britanniques ne voudraient-ils pas soutenir l'idée de l'expansion de l'UE? Après tout, les Ukrainiens, les Moldaves et les Géorgiens se battront peut-être avec les Polonais, les Roumains et les Lituaniens pour des places dans les maisons closes et les hospices, les récoltes de fruits, les chantiers de construction et les décharges, mais certainement pas avec les "Anglois, les Francs ou les Teutons". Mais les produits industriels de l'Ukraine, de la Géorgie et de la Moldavie ne pénètreront pas sur le marché de l'UE par manque de compétitivité. D'ailleurs, il ne reste pratiquement aucune industrie dans ces pays. Quant aux produits agricoles, l'UE a depuis longtemps conçu des mécanismes de règlementation des importations permettant d'acheter uniquement des produits en quantité nécessaire à des prix défiant toute concurrence. Enfin, pour l'industrie européenne (concentrée principalement sur le Vieux Continent), les nouveaux membres seraient un marché d'écoulement, même s'il est réduit.
Du point de vue de la charge pour le budget de l'UE, étant donné l'assistance hypothétique aux nouveaux membres, le sort de la Roumanie et de la Bulgarie montre bien qu'il n'est pas du tout obligatoire de le faire, et celui des pays baltes révèle que cette assistance peut être dosée et orientée de manière à en tirer un profit, en éliminant définitivement les concurrents - les producteurs locaux.
Hormis la concurrence sur le marché du travail de l'UE, il existe également des risques politiques. Par exemple, l'aspiration des politiciens moldaves pro-roumains à la réunification avec la Roumanie s'explique essentiellement par la volonté de rejoindre l'UE. Il serait bien plus facile de le faire en adhérant à la Roumanie, déjà membre, que d'attendre que l'Europe lance une nouvelle vague d'extension. Quant à l'Ukraine, les adeptes fascistes de Bandera haïssent les Russes et apprécient les "Polaks" tant qu'ils ne sont pas encore devenus "européens" et ont besoin du soutien polonais. Une fois intégrée à l'UE, l'Ukraine n'aurait pas de pire ennemi que la Pologne. Et il ne s'agit pas d'anciennes rancunes. Simplement, Kiev et Varsovie prétendent à la suprématie dans la même région. Ils sont également concurrents dans la lutte pour le droit d'être le principal allié (ou plutôt le féal) des Etats-Unis en Europe de l'Est.
L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction.
* président du Centre d'analyse et de prévision systémiques (Ukraine)
