Russie-États-Unis: la guerre du pétrole au début du 20e siècle

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La lutte pour le pétrole a toujours été d’une importance capitale, autant pour la Russie que pour d’autres grandes puissances. Ce n’est donc pas un hasard s'il y a un siècle, l’Empire russe, tout comme la Russie actuelle, occupait la première place en termes des volumes du pétrole produit, dépassant les Etats-Unis.

La lutte pour le pétrole a toujours été d’une importance capitale, autant pour la Russie que pour d’autres grandes puissances.

Ce n’est donc pas un hasard s'il y a un siècle, l’Empire russe, tout comme la Russie actuelle, occupait la première place en termes des volumes du pétrole produit, dépassant les Etats-Unis.

Les régions pétrolières de la Russie du début du 20e siècle se trouvaient dans le Sud de sa partie européenne, sur la péninsule d’Apchéron, avec la ville de Bakou comme centre. C’est ici que fut fondée en 1897 la société de production pétrolière des frères Nobel (Branobel), devenue peu à peu un véritable monopole de la production pétrolière.

Avant la fondation de cette société, la banque parisienne des Frères Rothschild a acheté la société du négoce du pétrole de Bakou, renommée en société commerciale et industrielle de la mer Caspienne et de la mer Noire. Les frères Rothschild se sont d’abord occupés de l’exportation du kérosène, s’imposant peu à peu à la première place dans ce secteur. Ainsi le pétrole de Bakou s’est retrouvé presque entièrement sous leur contrôle. En 1900 Bakou produisait plus de pétrole que les Etats-Unis. Et deux ans plus tard, environ la moitié du pétrole produit dans le monde était russe.

La concurrence de la part des exportateurs russes du pétrole a suscité une forte opposition de la part des sociétés américaines du secteur, notamment de la corporation Standard Oil, propriété des frères Rockefeller. Ces derniers adoptaient des mesures énergiques pour faire face au mastodonte énergétique russe, essayant notamment d’instaurer le contrôle sur la société des frères Nobel et la société commerciale et industrielle de la mer Caspienne et de la mer Noire des frères Rothschild.

Cependant l’accord passé entre cette dernière et les sociétés pétrolières russes a échoué. Le gouvernement tsariste était opposé à une telle association et a introduit une interdiction catégorique sur l’admission des capitaux, liés aux sociétés de Rockefeller dans le secteur pétrolier russe. La production pétrolière en Russie était sévèrement contrôlée par les autorités tsaristes et le développement de cette activité était sévèrement réglementé.

Au début de 1900, un accord a été conclu entre la société des frères Nobel et l'association des frères Rothschild travaillant dans le mazout, spécialisée dans l’exportation du kérosène russe à l’étranger. Cette société, baptisée Nobmazout tenait bien la concurrence face à Stantard Oil des Rockefeller qui employait tous les moyens pour essayer de pénétrer sur le marché du Caucase. À la fin de 1906, pour faire face à l’expansion américaine, les sociétés des Nobel et des Rothschild ont proposé de s’allier dans une Union des producteurs russes de pétrole. Cette union devait avoir pour objectif de contrôler les prix et les volumes de livraison du pétrole.

La lutte entre les monopoles était en train de s’étendre à de nouvelles régions, notamment à l’Extrême-Orient. Certains événements liés aux sociétés pétrolières ont d’ailleurs influé sur les relations russo-américaines et les décisions des deux gouvernements. Le gouvernement américain a ainsi apporté son soutien aux frères Rockefeller, essayant d’empêcher « la discrimination du commerce américain et des intérêts des Etats-Unis» dans la région. Pendant la guerre russo-japonaise de 1904-1905, les Etats-Unis, malgré leur neutralité formelle soutenu le Japon, en lui accordant un crédit conséquent. Cela a permis aux Japonais de mener la guerre plus longtemps que le commandement russe ne l’estimait au préalable. Dans le même temps, la Russie était privée de toute possibilité de demander des crédits aux pays étranges. Les exportations américaines du pétrole vers l’Extrême-Orient ont ainsi augmenté, et ce fut l’une des conséquences économiques directes de la situation qui s’est formée dans la région.

Les émeutes et la terreur dans les régions pétrolières de Bakou en août 1905, qui ont détruit plus de la moitié des puits, et les grèves des travailleurs du pétrole dans le Caucase ont réduit fortement la production pétrolière russe. Les sociétés pétrolières ont subi de fortes pertes à cause de ces mouvements sociaux. Voici comment le Centre de recherches sur l’entreprenariat et la société évaluait ces événements en 1995.

« En 1901 et 1902 Standard Oil se hâta de profiter de troubles en Russie. La société a rapidement et sans obstacles conquis les marchés de l’Asie orientale pour le kérosène américain. Ces marchés étaient perdus dans la lutte contre le pétrole russe. Quant à l'industrie russe, le résultat fut terrifiant pour elle : les deux tiers du nombre total des plates-formes pétrolières ont été détruites, tandis que les exportations se sont réduites à néant ».

L’Allemagne, qui aidait la Russie pendant la guerre russo-japonaise, s’est jointe à la lutte contre le monopole américain un peu plus tard. En 1906 sous l’égide de la Deutsche Bank fut créée l'Union pétrolière européenne et les frères Nobel en sont devenus les membres. Voici comment le ministre russe des finances de l’époque Vladimir Kokovtsov décrivait dans ses mémoires la rencontre entre le tsar russe Nikolaï II et l’empereur allemand Guillaume II en été 1912.

« L'empereur Guillaume II a abordé avec moi la question de la nécessité de la création d’un trust pétrolier européen pour faire face à la société américaine Standard Oil. Il faut réunir les pays producteurs du pétrole – la Russie, l’Autriche (la Galice) et la Roumanie en une grande organisation commune, pour éliminer la dépendance de l'Europe de l’Amérique, disait-il. J’ai su par hasard que ce sujet intéressait l’empereur Guillaume II, car il y a 6 mois il menait une discussion sur le même thème avec Emmanuel Nobel, qui m'en a transmis le contenu. Ce sujet faisait déjà partie des réflexions de l'empereur allemand, notamment l’idée de lutter contre l'Amérique et faire en sorte que l'Europe soit moins dépendante des Etats-Unis. La conversation était très intéressante, elle a duré beaucoup de temps et est sortie du cadre prévu par l'étiquette de la cour ».

Mais cette question du trust pétrolier européen a vite perdu tout son intérêt avec le déclenchement de la Première guerre mondiale…

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction.

La Voix de la Russie

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