Une drôle de guerre de sanctions

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Jean-Pierre Thomas, patron du Vendôme Investments Groupe, essaie dans son interview à La Voix de la Russie de décortiquer le contentieux entre la Russie et l’UE. Paradoxalement c’est la France qu’il met sur la sellette.

Jean-Pierre Thomas, patron du Vendôme Investments Groupe, essaie dans son interview à La Voix de la Russie de décortiquer le contentieux entre la Russie et l’UE. Paradoxalement c’est la France qu’il met sur la sellette.

Jean-Pierre Thomas. Tout d’abord j’aime beaucoup Moscou! C’est une ville absolument fantastique, pleine d’énergie, de dynamisme; en plus aujourd’hui il fait très beau! Je viens très souvent à Moscou – plusieurs fois par mois parce que je suis conseil des grands groupes européens, notamment français. Les conseils d’administration, la prise des décisions stratégiques comme fusions ou liquidations… — tout cela veut dire que je viens assez souvent.
Au quotidien j’observe – et c’est la raison de la visite – que beaucoup de grands groupes y compris français ont encore des projets (c’était dans la réunion de ce matin) d’investissements en Russie, la création des joint ventures, le développement de leur marché! Vous savez, aujourd’hui les grands groupes français doivent se développer sans présents… Il y va de la croissance et de l’emploi en France d’ailleurs! C’est un vrai sujet! Tout ça transcende et, à mon avis, dépasse les problèmes politiques du jour. C’est réel! Ils craignent une mauvaise ambiance parce que ça freine les choses. On a la semaine prochaine un forum économique à Saint-Pétersbourg… Il y aura certainement un peu mois de Français que d’habitude. Mais je connais certains de mes amis et je vois les présidents des grands groupes français: ils sont là – regardez la liste! Et même quelques parlementaires français. La réalité n’est pas toujours conforme à la fiction.

Sur les Mistrals j’ose penser que c’est une ligne raisonnable! La France a pris des engagements et la France dans le monde est une puissance très compétitive sur le plan d’armements – aéronaval, aéronautique, etc. Et quand on prend un engagement, on le tient. Si la France prenait le risque de ne pas livrer… La coopération dans le domaine de la défense est un signe de coopération et de confiance mutuelle avec les échanges de technologies! Cela allait vraiment dans le bon sens… Je ne pense pas une seconde qu’on puisse mettre ça à mal! Et quand je vois d’ailleurs que la France aujourd’hui est en compétition avec l’Inde sur « Rafale », imaginez l’effet que peut avoir une non-livraison de « Mistrals » sur les ventes de « Rafales » en Inde! Tout ça fait partie des pays en pleine transition parce que je n’aime pas le mot de « BRICS ». Et par conséquent, cela serait dévastateur. Et en bon Français, ici à Moscou, je n’oublie pas quand même que la principale préoccupation en France c’est l’emploi et la croissance. Que va-t-on dire à toutes ces braves gens des chantiers navals qui ont des familles, des enfants et qui se retrouveront au chômage parce qu’on ne livre pas? Et par contre, je prends la liberté de le dire, je trouve absolument déplacé que nos amis les Américains osent dire à la France; « Il ne faut pas livrer les « Mistrals »! De quoi se mêle-t-on? La France est un pays souverain! Nous, on ne pense pas à donner des leçons aux Etats-Unis et à savoir à qui ils livrent et à qui ils ne livrent pas! Je pense qu’il faut que l’Europe soit elle-même et qu’elle ait une position! Le Général De Gaulle l’avait montré à l’époque: il faut qu’elle soit indépendante et en bonnes relations avec ses partenaires et amis de longue date, à savoir la Russie! Et on peut dialoguer avec les alliés historiques que sont les Etats-Unis.

LVdlR. Et que pensez-vous des élections européennes?

Jean-Pierre Thomas. Je dirais qu’aujourd’hui les élections européennes risquent de changer la donne sur la nouvelle commission. Je pense en étant très Européen moi-même et en faveur de la construction européenne, que pas seulement les Français mais dans beaucoup de pays les populations ne sont pas contents de la façon dont ça fonctionne. Le côté administratif de la commission coupée de la réalité… Regardez, aujourd’hui les décisions prises par M. Barroso, notamment sur le problème de l’Ukraine, les sanctions économiques et l’idée de la zone de libre-échange avec les Etats-Unis… Si vous demandez à des agriculteurs français ce qu’ils pensent de la zone de libre-échange avec les Etats Unis, vous aurez une réponse rapide: c’est très dangereux pour l’agriculture! Tout ça paraît déconnecter sur le terrain…

Dans beaucoup de pays vous aurez cela: une montée des partis qui ne sont ni favorables ni défavorables à l’Europe, mais qui sont pour une Europe différente. Moi, en tant qu’un homme d’affaires sérieux, je souhaite que l’Europe continue à se construire mais néanmoins pas comme c’est le cas aujourd’hui.

Ce scrutin est intéressant. Vous aurez au moins une commission renouvelée. Vous aurez un nouveau patron de la commission européenne et j’ose espérer que c’est une commission qui ira dans le sens de la coopération non pas sur un traité de libre-échange avec les Etats-Unis ce qui sera une erreur du point de vue économique. Jean Arthuis, ancien sénateur et beaucoup d’autres disent; « Mais les Etats-Unis sont nos amis! C’est nos alliés! » Moi, je crois que la zone de libre-échange doit se faire avec la Russie, sur le continent! Cette zone de libre-échange qu’avait souhaitée le président Poutine (j’avais modestement fait mon rapport à l’époque à la demande des présidents russe et français sur la création d’une zone de libre-échange continental allant jusqu’à la Russie et intégrant l’UE), constitue la réponse même. »

Commentaire de l’Auteur. Il semble que Jean-Pierre Thomas soit, malheureusement, le chantre d’une cause perdue. Les grandes unions économiques et politiques se font et se défont au gré des contacts et des affinités et sans aucune justification rationnelle. Cette insoutenable légèreté de l’être implique l’existence d’une économie volatile basée sur des valeurs éphémères et alimentée par la planche à billets ou l’argent virtuel. Sans être une grenouille de bénitier et radoter sans discontinuer, on voit mal tout de même comment la France va-t-elle s’en sortir. Elle plonge de plus en plus dans le marécage des spéculations politico-économiques. Les gens n’obéissent jamais à la raison et l’Europe ne représente pas une exception à la règle. Le paradoxe est que cette fois-ci la Russie renvoie à l’Europe l’image d’elle-même des années 90: une idéologie obsolète, des dignitaires qui se moquent des gens qu’ils gouvernent jusqu’à leur faire gober les nazis de Kiev sous le label du politiquement correct et le sentiment d’être en équilibre au bord d’un précipice sans fond où le chômage peut conduire la défense à faire vendre les « Mistrals » au « démonique » Poutine. Bref, le monde européen ne peut se contenter d’un replâtrage de façade à coups d’élections bruxelloises – il faut le court-circuiter pour qu’il se réveille.

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