En Egypte, la popularité des islamistes poursuit sa chute

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Il ne reste que quelques jours avant l'expiration du délai permettant de déposer sa candidature à la présidentielle en Egypte. L'élection se tiendra fin mai, mais le favori de la campagne électorale est déjà connu. Il s'agit de l'ex-ministre de la Défense Abdel Fattah al-Sissi.

Il ne reste que quelques jours avant l'expiration du délai permettant de déposer sa candidature à la présidentielle en Egypte. L'élection se tiendra fin mai, mais le favori de la campagne électorale est déjà connu. Il s'agit de l'ex-ministre de la Défense Abdel Fattah al-Sissi.

La victoire d'Abdel Fattah al-Sissi est-elle prédéterminée? Qu'attend-on des militaires en Egypte? Enfin, pourquoi les Egyptiens sont-ils aussi bien disposés envers la politique de la Russie?

Diaa Rashwan, président du syndicat des journalistes d'Egypte et directeur général du Centre d'études politiques et stratégiques Al-Ahram, a accepté de répondre à ces questions dans une interview exclusive accordée à la correspondante de La Voix de la Russie Elena Souponina.

Abdel Fattah al-Sissi deviendra-t-il président de l'Egypte? Ses opposants politiques ont encore leurs chances?

Les sondages montrent qu'aujourd'hui plus de la moitié des électeurs égyptiens sont prêts à voter pour le maréchal Abdel Fattah al-Sissi. Cependant, rien ne garantit que la situation ne changera pas d'ici l'élection.

Mais il faut reconnaître que de nombreuses forces politiques en Egypte n'étaient pas prêtes à  participer à l'élection. Regardez, les libéraux n'ont avancé aucun candidat. Les islamistes, notamment les Frères musulmans, boycottent la présidentielle. Certains hommes politiques de premier plan, dont le candidat à la présidentielle précédente Amr Moussa, ont déjà appelé à voter pour Abdel Fattah al-Sissi. On dit même que l'ex-président Hosni Moubarak a également appelé à voter pour lui.

La gauche s'est rassemblée autour de Hamdin Sabbahi. D'ailleurs, à la présidentielle de 2012 ce candidat était troisième derrière l'islamiste Mohamed Morsi et Ahmed Chafik, soutenu par les militaires à l'époque. Donc malgré tout, le combat sera intense, c'est une véritable compétition.

Pourquoi les Egyptiens regardent aujourd'hui avec espoir le candidat des militaires? Espèrent-ils le rétablissement de l'ordre ou existe-t-il d'autres raisons?

Le soutien d'Abdel Fattah al-Sissi aujourd'hui traduit la reconnaissance des habitants pour le rôle qu'il a joué pendant la guerre civile et la révolution du 30 juin 2013. L'armée à l'époque sauvait les gens d'un fratricide en servant de tampon entre les islamistes au pouvoir et leurs opposants. L'effusion de sang aurait été bien plus importante en l'absence de l'armée. Et c'est avant tout le mérite d'al-Sissi. Les Egyptiens lui sont, entre autres, reconnaissants pour avoir sauvé de nombreuses vies.

Quels sont les problèmes prioritaires auxquels le prochain président égyptien devra faire face?

Le prochain président sera confronté à de très nombreux problèmes. Depuis un siècle aucun des dirigeants égyptiens n'avait probablement endossé une telle responsabilité. Jamais encore autant de problèmes n'étaient survenus en même temps. Ce sont des problèmes régionaux, internationaux, mais surtout intérieurs.
Le peuple veut que les tâches de la révolution soient remplies et que ses espoirs se réalisent. Il s'agit du rêve de stabilité, d'une vie décente et de justice sociale. Le problème du chômage sera l'une des priorités.

Abdel Fattah al-Sissi a-t-il le potentiel et les qualités requises pour surmonter toutes ces tâches s'il devenait président?

Abdel Fattah al-Sissi a une immense expérience administrative. Pendant de longues années, il a occupé des postes hauts placés dans diverses structures militaires, il a été chef du renseignement militaire. Il possède des informations et sait les analyser. Et sa récente visite à Moscou pour rencontrer Poutine indique qu'al-Sissi est capable de mener une politique équilibrée, bien qu'à une époque il ait suivi un stage militaire aux USA et qu'il connaisse donc bien les Américains également. Il a aussi de très bonnes relations avec certains pays du Golfe.

Est-il vrai que la popularité des islamistes, encore forte il y a seulement un an, continue à chuter?

Il convient de préciser tout de suite qu'aucun sondage n'a été réalisé en Egypte ces derniers mois. On peut donc juger uniquement sur des facteurs indirects tels que la participation active des gens aux manifestations et aux rassemblements, les particularités de formation des coalitions politiques et ainsi de suite. A en juger par la situation, en effet, les Frères musulmans ne bénéficient plus de leur soutien d'antan. La popularité des islamistes en Egypte continue à chuter.

Récemment, un tribunal provincial d'Egypte a condamné plus de 500 membres des Frères musulmans à la peine capitale. D'après vous, cette sentence peut-elle être appliquée, qui plus est à la veille de l'élection?

Bien sûr que non. Cette condamnation à mort ne sera pas appliquée. C'est impossible. Le verdict en soi est une violation des normes juridiques égyptiennes. On ne peut pas condamner à mort plus de 500 personnes d'un coup. Il faut comprendre ce dont on accuse ces individus au cas par cas. Chaque accusé a droit à une défense, dans ce sens la situation en Egypte est la même que dans d'autres pays.
D'autant qu'il existe la Cour d'appel. Et je suis convaincu que cette instance suprême annulera la condamnation à mort.

Vous avez mentionné la visite du maréchal Abdel Fattah al-Sissi à Moscou en février. Comment les Egyptiens perçoivent la politique de la Russie aujourd'hui dans l'ensemble?

Les Egyptiens considèrent la Russie comme un grand pays qui le reste depuis des siècles. L'Egypte cherche à développer les relations économiques bilatérales avec la Russie. Il est à noter que les deux pays adoptent des positions similaires sur nombre de problèmes régionaux, par exemple, sur la Syrie. En particulier, tout comme la Russie, l'Egypte s'est opposée au scénario militaire en Syrie.

Comment les Egyptiens voient-ils la situation actuelle en Ukraine?

Sans exagérer, les Egyptiens admirent la politique de Poutine, sa détermination à défendre les intérêts nationaux du pays. Les Egyptiens sont conscients du fait que les USA s'efforcent d'encercler la Russie, et l'intégration de la Crimée est la réponse à ces tentatives. Il est clair pour tout le monde que l'Otan mène une politique d'expansion vers l'est, de plus en plus près des frontières russes. Les actions de la Russie vis-à-vis de la Crimée ont été dictées par ses intérêts nationaux.

Propos recueillis par Elena Souponina, directrice du Centre de l'Asie et du Proche-Orient à l'Institut russe des recherches stratégiques.

La Voix de la Russie

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