Crimée: la colère des Russes ethniques alimente le sentiment séparatiste

© RIA Novosti . Taras Litvinenko / Accéder à la base multimédiaUn meeting pro-russe à Sébastopol
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"Un maire russe pour un peuple russe", scande la foule en colère au centre de Sébastopol, ville portuaire du bord de la mer Noire… en Ukraine.

"Un maire russe pour un peuple russe", scande la foule en colère au centre de Sébastopol, ville portuaire du bord de la mer Noire… en Ukraine.

Depuis que l'opposition - composée principalement de nationalistes ukrainiens - a pris le pouvoir dans le pays, la division de l'Ukraine est sur toutes les lèvres dans les régions russophones du sud et de l'est de ce grand pays.

Au sujet de l’autonomie les habitants de Sébastopol, sur la péninsule de Crimée, ont décidé de passer des paroles aux actes : lundi soir, plusieurs milliers de personnes se sont réunies devant la mairie.

Première revendication : réunir d'urgence le conseil municipal pour nommer au poste de maire Alexeï Tchaly, un homme d'affaires local étroitement lié à la Russie.

Certaines têtes brûlées exigeaient de prendre d'assaut la mairie, d'autres brandissaient le drapeau russe en ignorant les objections selon lesquelles Alexeï Tchaly ne pouvait pas occuper le poste de maire parce qu'il a la citoyenneté russe.

Il a été rapidement annoncé que Tchaly avait été élu président du nouveau conseil de coordination et quelques minutes plus tard, il est apparu à la fenêtre du premier étage sous les cris de ses partisans.

Pour tenter d'apaiser la situation, l'ex-maire Vladimir Iatsouba avait d’abord annoncé sa démission, les larmes aux yeux, ouvrant la voie à l'application du slogan des manifestants "un maire russe pour un peuple russe".

Deux manifestations similaires ont été organisées ces derniers jours au sud et à l'est de l'Ukraine mais nulle part la colère contre le nouveau régime n'était aussi prononcée qu'en Crimée, péninsule de la mer Noire abritant 2 millions d'habitants et unique région ukrainienne où les Russes ethniques vivent en majorité. La nomination d'Alexeï Tchaly, largement couverte par les médias pro-Kremlin en Russie, est sans précédent. Sébastopol n'avait encore jamais élu de maire par référendum national depuis la privation de ce droit par Kiev en 1992. Après cette prise de décision collective et la nomination de Tchaly au poste de maire, les manifestants de Sébastopol ont exigé des forces de l'ordre municipales qu’elles prêtent serment au nouveau maire, et ont bloqué les rues qui mènent vers la ville.

Des rumeurs paniquées ont été répandues, disant que des troupes armées étaient envoyées depuis l'Ukraine occidentale pour réprimer les émeutes en Crimée et leur imposer la volonté de Kiev.

Le chef de la police municipale Alexandre Gontcharov, répondant aux questions des manifestants, a déclaré que les quatre routes qui menaient vers la ville seraient bloquées par des policiers armés.

Fedor, un marin de Sébastopol qui travaille sur des navires commerciaux à travers le monde, participait à la manifestation. Il compte sur l'intervention de Moscou.

"Si les Russes de Crimée étaient victimes de répressions, la Russie serait contrainte de réagir", a-t-il déclaré.

Dans la foule Alexandra, qui ne souhaite pas dévoiler son nom complet, appelle le président russe Vladimir Poutine à agir immédiatement.

"Poutine et la flotte de la mer Noire doivent nous venir en aide. Nous ne craignons pas l'effusion de sang", a-t-elle déclaré.

La Crimée a une longue histoire commune avec la Russie. Officiellement la région faisait partie de la Russie jusqu'en 1954, avant que Nikita Khrouchtchev transmette ce territoire à la République socialiste soviétique d'Ukraine.

Début 2010, quand Ianoukovitch a été élu président, l'Ukraine avait prolongé la location de la base navale de Sébastopol jusqu'en 2042, renforçant ainsi les liens économiques déjà solides entre cette région et Moscou.

Les sentiments séparatistes se sont accrus après l'effondrement de l'Union soviétique en 1991. Depuis, on entend constamment des rumeurs selon lesquelles ces velléités seraient encouragées secrètement par le Kremlin.

Une vague de manifestations prorusses s'est déroulée dimanche en Crimée. Selon certaines estimations, plus de 10 000 personnes ont participé au mouvement à Sébastopol - bien plus qu'à la manifestation improvisée le lendemain. Les orateurs accusaient le nouveau gouvernement de Kiev d’être fasciste et appelaient ouvertement à la séparation.

Les manifestants brandissaient des drapeaux tricolores russes et scandaient "Russie! Russie!" comme des supporters de football. Ils ont soutenu les appels à constituer avec la police des unités d'autodéfense et à refuser de payer des impôts à Kiev.

Les actions de Moscou, prétendument planifiées depuis quelques années pour accorder des passeports russes aux Russes ethniques vivant en dehors de la Russie ont été fermement critiquées par Kiev, qui affirmait que ces actes n'étaient rien d'autre qu'un prétexte pour occuper de nouveaux territoires.

Depuis mardi le président russe Vladimir Poutine n'a fait aucun commentaire public sur l'évolution de la situation. Par contre, le ministère russe des Affaires étrangères a ouvertement déclaré que le gouvernement actuel cherchait à établir son pouvoir par des "méthodes dictatoriales, voire terroristes".

Il est également à craindre que les séparatistes du sud tentent de profiter de la crise actuelle pour provoquer la Russie à utiliser la force et arracher la Crimée à l'Ukraine.

Selon certains experts, un autre scénario reste également plausible, selon lequel la péninsule pourrait se retrouver en état de conflit bloqué et dépendre entièrement de la Russie, comme ce fut le cas avec les ex-républiques soviétiques telles que la Géorgie, qui a perdu le contrôle de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud suite à l'intervention de Moscou.

"On peut facilement imaginer l'organisation en Crimée d'un référendum pour recevoir un statut particulier dans le cadre de l'Ukraine", a déclaré Maria Lipman, analyste du Centre Carnegie de Moscou. "La prochaine étape logique serait la séparation…"

Cependant, tous les habitants de Crimée ne sont pas favorables à la séparation.

La communauté tatare locale, principalement composée de musulmans et comptant près de 250 000 personnes, soutient activement le nouveau gouvernement de Kiev. Ce qui renforce encore la tension dans cette région polyethnique.

Difficile de prédire comment agira le nouveau régime de Kiev envers la Crimée.

Le président par intérim Alexandre Tourtchinov a reconnu mardi que le séparatisme était une menace sérieuse et a déclaré qu'il coopérerait étroitement avec les forces de l'ordre pour trouver une solution à ce problème. Les dirigeants du parti d'extrême-droite Svoboda, qui a joué un rôle clé dans l’arrivée au pouvoir de l'opposition, auraient déclaré que la Russie envoyait des forces navales supplémentaires en Crimée. Ces déclarations ne visent qu'à alimenter la panique.

Le conseiller du ministre de l'Intérieur par intérim Viktor Neganov a déclaré aux journalistes de RIA Novosti que les actes de Tchaly à Sébastopol n'étaient rien d'autre d'un coup d'Etat local.

"S'il restait à son poste, il risquerait la prison pour haute trahison", a-t-il déclaré.

Les participants à la manifestation prorusse de Sébastopol portaient des pancartes avec l'inscription "Non au nazisme ukrainien!".

 

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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