La Suisse n’aime pas les immigrés, et elle le montre

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Après le choc, les menaces: l’Union européenne veut redéfinir ses relations avec la Suisse après que les citoyens du pays ont voté dimanche dernier pour l’instauration de quotas d’immigrés qui toucheraient les citoyens de l’UE.

Après le choc, les menaces: l’Union européenne veut redéfinir ses relations avec la Suisse après que les citoyens du pays ont voté dimanche dernier pour l’instauration de quotas d’immigrés qui toucheraient les citoyens de l’UE.

Ces quotas d'immigration n'ont pas encore été fixés en Suisse : le gouvernement et le parlement du pays ont encore trois ans pour les élaborer.

Si le résultat de ce référendum est un événement sans précédent en Europe, il n’est pourtant pas surprenant : les Suisses opposés à l'immigration se dirigeaient vers cette décision depuis longtemps. Ils y sont enfin arrivés.

Pourquoi l'une des plus anciennes démocraties européennes remet en question une valeur paneuropéenne : la liberté de circulation ? Pourquoi maintenant ? En quoi l'immigration incontrôlée déplaît aux Suisses ?

Le fil rompt où il est mince

Le référendum "Contre l'immigration de masse" a été initié par l'Union démocratique du centre (UDC), qualifiée de "populiste" et d’"extrême-droite" par certains médias.

Ce parti, lui, s'estime conservateur. Il est le plus représenté à la chambre basse du parlement suisse avec 54 sièges sur 200.

S'il est d'extrême-droite, alors la majorité des électeurs suisses l’est-elle aussi ? En fait ici, il ne s'agit pas du parti mais du principe de démocratie directe : la volonté de la majorité des votants doit être appliquée par le gouvernement et tous les partis du pays.

Dans d'autres pays démocratiques, ce vote est généralement filtré par les députés - et reste parfois coincé à ce stade. Ce mécanisme n'existe pas en Suisse et c’est pourquoi elle est devenue le maillon faible de la politique d'immigration européenne, confirmant l’adage populaire selon lequel le fil rompt où il est mince.

L'UE menace déjà de représailles

Même si elle n’est pas formellement membre de l'UE, la Suisse se distingue pourtant peu de ses voisins du moins du point de vue de l’immigration. Après l'adoption de l'accord sur la libre circulation par les Suisses, les frontières du pays sont devenues ouvertes à tout citoyen de l'UE.

Il s’agissait d’une sorte d'alternative au statut de membre à part entière.

"Il y aura forcément des conséquences pour la Suisse. On ne peut pas avoir un accès privilégié au marché européen intérieur et, d'autre part, empêcher la libre circulation", a déclaré le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères Jean Asselborn.

"Nous ne pouvons pas accepter ces restrictions. Il est clair que cela aura des conséquences pour d'autres accords que nous avons avec la Suisse", soutient également Pia Ahrenkilde, porte-parole de la Commission européenne.

Pas encore le Qatar, mais plus la France

Pour l'économie suisse, qui fait partie des plus développées du monde aujourd'hui avec le secteur bancaire ou des groupes comme Nestlé, Swatch Group, Roche et Novartis, la main d'œuvre bon marché a toujours été rentable – et le reste à l'heure actuelle.

En prévision du référendum de dimanche Etienne Piguet, professeur à l'université de Neuchâtel et vice-président de la Commission fédérale suisse pour les questions de migration, a souligné le paradoxe de la situation : "De plus en plus de gens ne comprennent pas la logique d'immigration. Elle consiste à alimenter l'industrie, qui recrute de plus en plus d'immigrés au fur et à mesure de son développement".

Traduction : une course sans limite à la main d'œuvre bon marché a entraîné une réaction en chaîne, et si cette réaction n'était pas empêchée par la force elle deviendrait incontrôlable.

Le nombre d'immigrés en Suisse approche les 25% de la population, c’est-à-dire qu’une personne sur quatre est étrangère dans le pays. En Allemagne et en France, qui condamnent aujourd'hui la Suisse, la proportion est de 13 et 11%.

Les limites de la démocratie

Le récent référendum n'a pas été organisé par hasard. Il couvait depuis quelques années. Ce ne sont pas les écologistes mais bien les politiciens qui ont réussi à l'initier. Peu importe qui a posé la question aux Suisses : "Peut-on inviter les étrangers à l'infini ?". Le fait est que les Suisses ont répondu : "Non, il faut une limite à tout même si cette limite transgresse les valeurs fondamentales de la démocratie".

Pour les Suisses la démocratie s’arrête donc à 25% d’étrangers. L'avenir nous dira si cette limite sera bénéfique à l'ensemble de la démocratie européenne.

 

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

 

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