Le groupe russe Kalachnikov veut investir le marché nord-américain. D'après le service de presse du groupe, des accords signés pour cinq ans prévoient d'exporter entre 80.000 et 200.000 armes par an aux Etats-Unis et au Canada. Et quelles armes les Américains projettent d'acheter ?
Il est question d'exporter majoritairement des armes civiles et seulement une infime partie à destination de la police. Jusqu'à présent les Etats-Unis importaient surtout, sous la marque Izhmash, des fusils sportifs, des carabines de chasse et des fusils à pompe dont le fameux Saïga. Ce dernier est très demandé aux USA car il est produit sur une base de fusil Kalachnikov - et à en juger par les avis des Américains cette référence de marque est déjà un argument d'achat.
Afin d'évaluer la situation et les perspectives des exportations d'armes russes aux Etats-Unis, il faut d'abord comprendre ce qu'est le marché américain des armes civiles et comment il se comporte ces dernières années.
Ces 200.000 armes prévues dans le contrat n'ont rien d'extraordinaire : cette quantité est une goutte d'eau dans la mer pour les USA. En 2002 en effet, les Américains ont acheté près de 7 millions d'armes à feu. En 2011, le nombre de demandes avait atteint 16,5 millions d'unités, pour passer à 19,5 millions en 2012 et dépasser 21 millions de requêtes en 2013 – un nouveau record.
L'Amérique s'arme et l'expansion du marché est incroyable. Les fusillades dans les lieux publics en 2011 et 2012 n'ont pas contribué à réduire les ventes mais, au contraire, ont suscité davantage d'intérêt pour les armes.
Le marché américain est primordial pour les armuriers d'Ijevsk. En 2013, ils comptaient produire près de 150. 000 armes à feu dont un peu plus de 100.000 armes pour le marché civil. Ces dernières années, les USA absorbaient 80-85% de la production "civile" de l'usine Izhmash. Ce constat est probablement à l'origine du chiffre de départ dans les contrats signés par le groupe Kalachnikov.
Le chiffre maximal – 200.000 armes à feu - reflète certainement les évaluations optimistes du marché nord-américain: c'est le rythme de la hausse de la demande et de la popularité montante des armes russes, qu'il ne fait pas non plus oublier.
Depuis quelques années les ventes d'armes d'Ijevsk aux Etats-Unis connaissent une hausse de 50 à 60% par an. Aujourd'hui, cette croissance a quelque peu ralenti (jusqu'à 15%) mais les armes russes poursuivent tout de même leur ascension. Les Etats-Unis représentent le marché dominant d'écoulement des armes à feu civiles avec presque 70% des ventes mondiales. Si un entrepreneur veut faire les choses sérieusement sur le marché civil et avancer sur l'arène mondiale, il lui faut vendre dans les mêmes proportions des armes aux Etats-Unis: au moins les deux tiers de la nomenclature.
La législation américaine sur les armes, en dépit de certaines restrictions adoptées par certains Etats, est extrêmement libérale. Et la demande croît. Par conséquent, ces 85% des fusils d'Ijevsk qui seront exportés aux USA n'ont rien d'effrayant. Les Américains continent à défendre corps et âme leur Second amendement ("Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, le droit qu'a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé"), tandis que la demande en armes à feu connaît une hausse fulgurante.
Les projets russes de vendre 200.000 armes d'Ijevsk aux Américains et Canadiens ne relèvent pas de l'impossible – c'est une question de marketing et d'aptitude à s'emparer de la part légitime de ce marché qui connaît une expansion de 10 à 20% par an.
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