USA-Iran: l’intrigue principale de 2014

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Sur la scène internationale, la plupart des thèmes lancés ou développés en 2013 occuperont encore l’année 2014. Avec une intrigue principale: les relations entre les Etats-Unis et l’Iran.

Sur la scène internationale, la plupart des thèmes lancés ou développés en 2013 occuperont encore l’année 2014. Avec une intrigue principale: les relations entre les Etats-Unis et l’Iran.

Si le rapprochement entamé l’année dernière entre les deux pays se confirmait, la situation au Moyen Orient pourrait radicalement changer car le bras de fer entre l’Amérique et l’Iran, qui dure depuis la Révolution islamique de 1979, influe énormément sur toute la géopolitique régionale.

Avant l’arrivée au pouvoir de l’ayatollah Khomeini, l’influence des Etats-Unis au Proche et au Moyen Orient était très étendue. Parmi leurs alliés et partenaires proches figuraient le Pakistan, l’Iran, la Turquie, Israël, l’Arabie saoudite et l’Egypte, qui avait tourné son dos à l’URSS pour s’orienter vers les USA au début des années 1970. En résumé : la plupart des acteurs principaux et un certain nombre de pays moins importants étaient dans la sphère d’influence américaine. Même si la question était moins sensible à l’époque qu’aujourd’hui, le plus important était que les Etats-Unis disposaient d’un réseau très large de contacts dans les pays où dominaient deux mouvements différents de l’islam : le sunnisme et le chiisme. 

La Révolution islamique a changé la donne. Le soutien de Washington au chah destitué, l’attitude antioccidentale de Khomeini ainsi que plusieurs erreurs de la diplomatie américaine ont poussé l’Iran et l’ensemble du monde chiite vers une confrontation politique et idéologique accrue avec les USA. Les choses se sont encore détériorées après la guerre Iran-Irak, au cours de laquelle presque tout l’Occident – si l’on consulte la liste des pays fournisseurs d’armes - ont pris le parti de Saddam Hussein.

Les Américains ne considéraient pas alors la perte de ce "pilier" chiite comme une erreur fatale. D’abord car le fanatisme révolutionnaire, caractéristique des nouvelles autorités iraniennes au cours des premières années suivant le coup d’Etat, s’est soldé par un isolement du pays. Ses voisins étaient visiblement effrayés par Khomeini et ce dernier maudissait l’Union soviétique autant que l’Amérique. 

En outre, relativement peu de temps après les événements iraniens, le monde a assisté à l’effondrement de l’ordre créé par la Guerre froide, ce qui était un avantage pour les USA. Comparé à l’échec du système socialiste en Europe et l’autodestruction de l’URSS, l’Iran représentait un inconvénient désagréable mais pas du tout critique. Car tout le Moyen Orient avait perdu son contrepoids et l’Amérique y était désormais l’unique force extérieure importante. 

Au fil du temps la politique de Téhéran s’est même transformée en outil très utile pour Washington : le programme nucléaire de la République islamique étant une source majeure de préoccupation pour tous ses voisins,  les Etats-Unis étaient en mesure de s’en servir comme prétexte pour de multiples déploiements stratégiques. Les autorités américaines sont allées jusqu’à relancer l’idée d’un bouclier antimissile global, formulée à l’époque de la Guerre froide mais qui avait perdu de sa légitimité après la disparition de la menace principale.

Plusieurs experts avaient alors tenté de souligner le danger que représentait un manque de relations avec le monde chiite, mais ce problème n’est devenu évident qu’après le Printemps arabe de 2010-2011.

Les bouleversements en Afrique du Nord et au Proche Orient ont détruit le système de relations qui avait servi de base à la politique américaine pendant des décennies. Plusieurs régimes loyaux se sont effondrés (Moubarak en Egypte, Ben Ali en Tunisie ou, partiellement, Saleh au Yémen), d’autres ont lancé leurs propres jeux (Arabie Saoudite, Qatar, Turquie), alors que les nouvelles autorités nationales installées après les mouvements révolutionnaires - notamment le pouvoir égyptien - masquaient une attitude antioccidentale et antiaméricaine malgré tout le soutien précédent de la part des Etats-Unis. Le mouvement révolutionnaire a également frappé le monde sunnite, sur lequel s’appuyaient les USA, et ce pilier s’est aussi ébranlé.

Pour sa part l’Iran a renforcé ses positions dans la région et ce, même avant le Printemps arabe. L’invasion américaine en Irak s’était soldée par l’élimination de Saddam Hussein, ennemi juré de l’Iran. Quant à la guerre civile en Syrie où la mouvance sunnite a butté contre la résistance de Téhéran et de ses coreligionnaires, elle n’a fait que souligner la solidité de l’Iran comme pôle de force régional.
Actuellement personne ne peut garantir le succès d’un rapprochement USA-Iran mais le contexte s’y prête pour la première fois depuis 35 ans. Car couper le cercle vicieux de confrontation est également dans l’intérêt de Téhéran. Ce dernier ne veut plus poursuivre le bras de fer avec l’Amérique mais se transformer en puissance régionale majeure, qui pourrait élargir sa puissance au-delà de ses frontières.

Tout cela exige la fin de l’isolement, l’affaiblissement des sanctions économiques internationales et l’élargissement des moyens politiques et diplomatiques par rapport à la position de rejet fier chère à l’ancien président Mahmoud Ahmadinejad.

L’arrivée au pouvoir d’Hassan Rohani est un indicateur de changement, même tout le monde comprend que Téhéran joue tout simplement au "bon flic, mauvais flic".

Qui plus est, les leaders iraniens se rendent compte que l’arme nucléaire pourrait élever leur statut mais ne les aiderait d’aucune façon à atteindre cet objectif principal : tous les voisins effrayés s’uniraient contre l’Iran, alors que l’utilisation de la bombe serait en tout cas impossible. Ainsi, la décision de "vendre" le programme nucléaire - qui n’a pourtant jamais existé, selon les Iraniens - est une démarche avantageuse et avisée.   
Et la Russie ? A-t-elle intérêt à aider l’Iran et les Etats-Unis dans leur jeu mutuel ? La fin de l’isolement de Téhéran pourrait en effet battre en brèche les avantages russes sur le marché iranien dans les secteurs de l’armement ou du nucléaire, car l’Iran serait en mesure de choisir.

Toutefois, la normalisation éventuelle des relations américano-iraniennes pourrait se solder par l’élargissement de l’influence régionale de Téhéran, ce qui serait avantageux pour la Russie. Car les relations entre Moscou et Téhéran, si elles n’ont jamais été faciles, se basent toujours sur la compréhension de l’importance d’une coopération malgré des tensions existantes. 

En outre la Syrie, où les intérêts des deux pays coïncident sans aucun doute, a considérablement renforcé le respect de la Russie en Iran : les Iraniens ont avoué que la position ferme et intransigeante de Moscou sur ce dossier avait constitué une véritable surprise. Car ces derniers temps, selon eux, la Russie s’obstinait mais en fin de compte, cédait toujours aux pressions. Le jeu américano-iranien sera donc probablement l’intrigue la plus fascinante de 2014.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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