L'Amérique a renoncé au suicide - mais ça ne change rien

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Les Américains et la communauté internationale savaient bien que la crise budgétaire ne mènerait pas à la fin du monde, que l’un des deux camps ferait marche arrière.

Les Américains et la communauté internationale savaient bien que la crise budgétaire ne mènerait pas à la fin du monde, que l’un des deux camps ferait marche arrière. C'est exactement ce qui s'est passé : démocrates et républicains ont trouvé un terrain d'entente, le président Obama a signé la loi de finances et une nouvelle augmentation du plafond de la dette publique.

Rendez-vous est donc pris en janvier pour un nouveau marchandage sur la dette… L’atmosphère aura changé : l'une des principales conséquences de la crise aux USA est que certaines personnes croient qu'une catastrophe globale, bête et insensée, est réelle et pourrait encore se produire.

Un avion tombé comme pierre

L'économie n'est pas une science exacte : beaucoup trop de choses reposent sur le "facteur humain", c'est-à-dire la certitude ou l’incertitude de millions de personnes, leur optimisme ou leur pessimisme, etc. Les voitures que l’on voit dans les rues des grandes villes russes illustrent bien le processus de choix irrationnel d'un produit. Une citadine compacte suffirait au quotidien mais le client choisit un immense 4x4…

Autre exemple : si tous les passagers d’un avion, les pilotes, les passagers  et les hôtesses de l'air pensaient d’un coup que cet énorme tas de ferraille ne peut pas voler, l'appareil tomberait comme une pierre. C'est ce qui a failli arriver à l'économie américaine - voire mondiale.

En réalité, cette économie arrive à tenir grâce au Trésor américain qui y injecte 85 milliards de dollars tous les mois. Tout le monde le sait, tout le monde est content. Dès le moment qu'on a évoqué l’arrêt de ces perfusions les économies de l'Inde, de la Russie et du Brésil ont commencé à rencontrer des problèmes et même en Chine la croissance a ralenti. Heureusement que nous avons le G20 ! On y parle de ce genre de choses en présence des plus grandes économies mondiales. On fait tout ensemble : la stabilité est garantie.

Lors du dernier sommet à Saint-Pétersbourg, tous les dirigeants du monde tenaient pour acquis qu'au final les républicains allaient s’entendre avec les démocrates, que les USA boucleraient leur budget et pourraient rembourser leurs dettes. Personne n'a sérieusement mentionné la réaction de l'économie mondiale si les Etats-Unis annonçaient un défaut de paiement.

En privé, les banquiers et les économistes reconnaissent qu'il n'y a rien à discuter : le monde entier s'effondrerait et reviendrait à l'économie naturelle. Il est impossible de trouver une solution de sauvetage dans cette situation.

Le système financier est devenu un immense kyste artificiel, accroché au corps de l'économie réelle. Mais même lorsque ce système a montré ses failles en 2008, personne n'a rien pu y faire. D'abord, il y a eu beaucoup de débats. La France a pris la tête du camp qui exigeait d'établir un contrôle sur Wall Street. C'est pour ça que le G20 avait été créé. Mais le système reste identique. On le surveille de près et on discute activement de la situation.

Le G20 est en fait incapable de raisonner quelques républicains moyens de province, qui ne pouvaient pas se taire dans la confrontation avec les démocrates et s'étaient donnés l'ordre de ne jamais battre en retraite – ou plutôt jusqu'au dernier moment : le 17 octobre.

Tout ça pour le plaisir d'une bonne bagarre ?

Au final voilà ce qui s’est passé aux Etats-Unis : l'aile conservatrice du parti républicain - même pas le parti entier - s'est dit qu'il "valait mieux la mort qu'Obama", et que l'électeur "comprendrait". Ils ont tenu héroïquement en prenant le risque de faire tomber toute l'économie du pays, et ensuite le monde. Même les républicains – la fraction raisonnable - cherchaient ces dernières semaines un moyen de contourner, tromper et vaincre par la supériorité numérique cette mouvance au sein de leur parti. L'arithmétique a montré que ce n'est pas si simple.

Tout s'est finalement arrangé hier soir.

Il est très difficile de s'y retrouver dans cette crise : il y a trop d'informations. Tous les jours depuis des semaines, des centaines de revues américaines ont publié des dizaines d'articles à ce sujet.

Un contributeur du Washington Post a notamment tenté d'expliquer pourquoi la crise actuelle ne se reproduirait pas à l'issue de l'accord budgétaire : parce que contrairement à l'histoire similaire de 1995-1996, même les républicains conservateurs ne croyaient pas aujourd’hui qu'ils arriveraient à quelque chose, écrit l'auteur. Quand ils verront la vague de colère sociale monter vers eux, ils se calmeront pour de bon.

Regardez, les enfants : comme il ne faut pas vivre

Récemment, une grande délégation de jeunes russes s'est rendue à Washington dans le cadre de l'un des nombreux programmes américains pour propager leur démocratie dans le monde entier. Cette délégation est donc venue voir un gouvernement sans budget et en congés… A une époque, on disait de l'URSS : c'est un pays utile pour le monde entier car nous pourrons le montrer à la génération qui grandit en disant "regardez, les enfants, comme il ne faut pas vivre"…

On ignore si cette fois le monde pourra en tirer d'autres conclusions. Au G20, depuis des années, les pays des Brics cherchent à établir leur contrôle sur le FMI et d'autres structures financières internationales – en vain. Au final, ils créeront leurs propres structures parallèles. Mais en cas de catastrophe, sera-t-il vraiment utile d'"isoler" l'économie mondiale de son acteur principal ?

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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