Russie-Occident: la sexualité, nouveau rideau de fer

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L'appel du célèbre comédien Stephen Fry au boycott des Jeux olympiques de Sotchi n'a pas été soutenu par les dirigeants des pays occidentaux. Mais il est trop tôt pour mettre un point final à cette histoire.

Le grand comédien Stephen Fry n'a finalement pas réussi à devenir l'initiateur d'une tragédie olympique. L'appel du célèbre défenseur des droits des homosexuels au boycott des Jeux olympiques de Sotchi n'a pas été soutenu par les dirigeants des pays occidentaux. Mais il est trop tôt pour mettre un point final à cette histoire.

Les appels à boycotter l'Olympiade ne sont que le sommet de l'iceberg. Une nouvelle rupture de valeurs se forme sous nos yeux entre l'Occident et la Russie. Une rupture qui persistera dans les prochaines années, voire décennies.

Début septembre 1999, j'étais très excité. Mon rêve de visiter la Nouvelle-Zélande était sur le point de se réaliser. Le nouveau premier ministre Vladimir Poutine partait dans ce pays pour assister au sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC). Et je faisais partie du groupe gouvernemental des journalistes.

Au final, on nous a laissés entrer en Nouvelle-Zélande sans visas dans les passeports. Le consulat néozélandais à Moscou, qui n'était pas habitué à un afflux de demandes, n'avait pas réussi à traiter les documents à temps.

A l'étape initiale de la préparation de la visite, nul ne pouvait deviner que cela arriverait. Et j'ai dû remplir un formulaire de visa. En général, j'ai horreur de la paperasse bureaucratique. Mais pendant des mois je racontais en riant à mes amis l'histoire du formulaire pour obtenir un visa néozélandais. Pourquoi? Dans les cases "situation familiale", il y avait les choix habituels "marié", "célibataire", "divorcé", "veuf", mais aussi pour les couples homosexuels.

A l'époque, j'avais trouvé ça curieux. Je n'aurais jamais imaginé que quatorze ans plus tard, le thème de l'égalité des homosexuels serait la cause d'un nouveau rideau de fer entre l'Occident et la Russie. Oui, un rideau de fer, j'insiste sur ce terme-là.

Evidemment, le rideau de fer d'aujourd'hui n'a rien à voir avec celui annoncé par Winston Churchill à Fulton en 1946. Il y a plus de six décennies, les gens pouvaient seulement essayer de deviner ce qui se passait réellement de l'autre côté du rideau. Aujourd'hui, il n'existe pratiquement aucun obstacle pour communiquer et satisfaire sa curiosité.

Cependant, l'absence de possibilités d'avoir des contacts normaux n'est que l'une des nombreuses facettes du rideau de fer. Un autre élément important à mes yeux, c'est la rupture en termes de valeurs. Et dans ce sens, l'année 1946 est tout à fait comparable à 2013. Seule la nature du conflit de valeurs a changé, mais pas son fond.

Le président américain et le premier ministre britannique croient que le mariage homosexuel est une chose bonne, logique et correcte. Le président russe et la majeure partie de la société russes croient tout aussi fermement que le mariage homosexuel est une chose mauvaise, illogique et incorrecte.

Chaque "camp" est convaincu d'avoir raison. Il n'y a pratiquement pas de place pour le compromis. La décennie à venir sera une époque de guerres culturelles féroces. D'ailleurs, les premiers "coups de canon" de ces "guerres" ont déjà retenti.

Moscou a essuyé une cuisante défaire dans le conflit idéologique précédent avec l'Occident. Aujourd'hui, l'élite russe est persuadée que le "capitalisme, c'est bien", tout autant que les dirigeants de Londres ou de Washington. Est-ce que la nouvelle guerre idéologique s'achèvera de la même manière? Je ne veux faire absolument aucun pronostic à ce sujet. L'avenir est imprévisible et plein de surprises.

Je voudrais parler d'autre chose. De la nécessité de garder son bon sens et une attitude respectueuse et correcte envers ceux qui sont "de l'autre côté des barricades".

Le grand orateur Cicéron avait dit un jour: "En temps de guerre, les lois se taisent". Les guerres culturelles ne font pas exception. Les guerres culturelles à cause du sexe, non plus. Cela concerne aussi bien l'Occident que la Russie. Par le passé, le thème des relations homosexuelles pouvait facilement briser la vie d'un homme en Occident. Voici un épisode de l'histoire politique britannique des années 1930 qui est devenu connu assez récemment.

Le duc de Westminster, l'un des hommes les plus riches du monde, haïssait son proche, le comte de Beauchamp, ancien ministre. En se fixant pour objectif de détruire sa vie, le duc avait réussi à obtenir des preuves de la bisexualité du comte et à les présenter au roi. Le monarque George V était horrifié et aurait déclaré: "Je pensais que ces gens là finissaient leur vie en se tiraient une balle dans la tête!".

Sous la menace d'être arrêté, le comte de Beauchamp a renoncé à ses nombreux postes a quitté le pays pour toujours. En profonde dépression, le comte songeait au suicide, mais il est décédé plus tard d'une mort naturelle. La femme de Beauchamp qui avait passé trente ans avec lui, Laetitia, ne voulait pas entendre parler du divorce. Mais on l'a forcée à le faire.

Deux autres personnes en ont également souffert. Le fils du roi George, le duc de Kent avait une relation avec la fille du comte de Beauchamp, Mary. Après le scandale, il a été ordonné aux jeunes gens d'oublier leur existence mutuelle.

Une tragédie, voire une cascade de tragédies? Certainement. Heureusement, en Occident moderne, ce genre de chose est aujourd'hui impossible. Mais que faire avec d'autres situations qui sont devenues possibles?

Par exemple: le maire d'une ville française refuse d'appliquer la nouvelle loi et d'enregistrer les mariages gays. Ce maire (ou plutôt les maires, ils sont plusieurs dans ce cas en France) risque une forte amende ou une peine de prison. De mon point de vue, c'est absolument abject.

Mais laissons un peu de côté l'Occident. Il y a aussi des choses à dire à ce sujet en Russie. Est-ce normal de démasquer par la ruse des homosexuels mineurs sur internet pour les déshonorer ensuite devant tout le monde entier? Cela n'a rien de normal, de mon point de vue. Et dommage que les forces de l'ordre russes n'aient pas encore évalué une telle pratique à sa juste valeur.

On dit qu'on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs. Appeler à ne pas faire d'omelette est un acte inutile par défaut. Les guerres culturelles ne peuvent être stoppées, aussi bienveillants que soient les appels. Mais les zélateurs de la morale en Russie et en Occident devraient se rappeler d'une chose: dans le cas présent les "œufs", ce sont les destins d'êtres humains.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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