L'UE et la Russie n'arrivent pas à s'entendre sur les visas

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La mise en place d'un régime sans visas avec l'Union européenne est un processus "mutuellement bénéfique et utile", selon les diplomates russes.

La mise en place d'un régime sans visas avec l'Union européenne est un processus "mutuellement bénéfique et utile", selon les diplomates russes. Mais Moscou affirme que Bruxelles n'a pas suffisamment de volonté politique pour franchir ce pas.

Les Européens sont convaincus que le nombre d'immigrants venus de Russie augmenterait avec la levée des visas, engendrant un risque d'affluence de la criminalité russe en Europe. La Russie pense le contraire.

Simplifier ou supprimer ?

Le travail pour la simplification du régime de visas et la suppression intégrale, à terme, des visas entre l'UE et la Russie dure depuis longtemps. D’autant que les experts russes et européens affirment que les problèmes qui font obstacle à cette démarche sont des questions techniques faciles à régler.

Selon Moscou, l'Union européenne manque de volonté politique. Apparemment, les Européens craignent davantage les Russes que les ressortissants d'Asie, d'Amérique latine et d'Afrique.

Pour l'instant, Bruxelles accepte seulement de simplifier le régime de visas pour certaines catégories des citoyens russes tels que les diplomates, les fonctionnaires, les journalistes, les scientifiques, les étudiants ou les représentants de la société civile. Cependant, comme l'a reconnu mardi l'envoyé spécial du ministère russe des affaires étrangères (MAE) Anvar Azimov, médiateur principal auprès de l’UE sur le sujet des visas, il ne faut pas s'attendre à une annulation des visas pour tous les Russes au moins avant fin 2014. Voire plus tard.

"L'instauration d'un régime sans visas est notre tâche prioritaire. Cette priorité est inconditionnelle mais pas absolue. Si besoin, nous attendrons avec l'UE pour mûrir", souligne-t-il. Le diplomate souligne que l'UE et la Russie ne pouvaient pas considérer "leur partenariat stratégique comme réel tant que la barrière des visas n'était pas levée".

Anvar Azimov est persuadé que personne ne s'oppose à l'adoption d'un régime sans visas avec l'UE. "Une bonne moitié des pays européens seraient prêts à accélérer ce processus. L'autre moitié estime qu'il faut remplir à la lettre la liste des mesures conjointes afin que les pays membres de l'UE soient convaincus que la Russie est prête à supprimer le régime des visas sur tous les paramètres techniques", a-t-il déclaré.

Quoi qu'il en soit, dans le cas présent, l'adoption d'un régime sans visas est un processus "mutuellement bénéfique et utile".

Lenteur du processus

Les déclarations officielles expliquant la lenteur de ce processus ont été faites depuis longtemps : il s’agit avant tout du doute des dirigeants européens quant à la capacité des autorités russes à maîtriser un éventuel afflux d'immigrants aussi bien légaux que clandestins en provenance de Russie, inévitable selon Bruxelles.

La vitesse de progression vers un régime sans visas entre l'UE et la Russie est également associée, par l'Occident, à la corruption et aux violations des droits de l'homme en Russie. L'Union européenne n'est pas non plus convaincue que la Russie soit capable de mettre une barrière à la criminalité qui n'attendrait prétendument que l'annulation des visas pour s'installer en Europe.

Mais l'augmentation de la diaspora russophone dans les pays de l'UE, sans l'annulation des visas, ne semble pas déranger les dirigeants européens. Les gens se rendent de manière parfaitement légale dans les pays européens puis ils demandent l’asile.

Ceux qui voulaient quitter la Russie, y compris les personnes originaires des républiques du Caucase, l'ont pratiquement tous fait dans les années 1980-1990 ou plus tard, affirme Azimov. Selon lui, à Vienne, la diaspora tchétchène augmente d'année en année. Elle comptait 20 000 personnes il y a quelques années et aujourd'hui les autorités autrichiennes affirment qu'elle s'élève déjà à 40 000 personnes.

D'après la Commission européenne près de 7 500 Russes ont demandé l'asile dans les pays de l'Union européenne en 2012. Moscou conteste ces statistiques, remarque Azimov, car la Russie ne peut pas déterminer si ces personnes sont effectivement des citoyens russes. "Selon nos informations, ces personnes sont 3,5 fois moins nombreuses", a-t-il déclaré.

Le diplomate argumente en disant qu'en règle générale, il s'agit d'anciens citoyens soviétiques qui se font passer pour des Russes. Ils se rendent dans les points d'accueil pour réfugiés européens sans passeport, donnent leur nom et affirment qu'ils vivent à Moscou, donnent une adresse et les Européens leur croient sur parole.

"Les représentants des pays de l'UE ne s'adressent pas à la Russie pour vérifier ces informations", déclare Anvar Azimov.

De plus, une grande majorité d’entre eux sont automatiquement considérés comme des réfugiés politiques car les Européens croient volontiers qu’ils sont opprimés en Russie pour leur appartenance raciale, leur orientation sexuelle, etc.

Au final, pendant qu'on décide de leur sort, ils sont pris en charge par le pays où ils se trouvent, touchent des allocations sociales et reçoivent une aide pour leur recherche d’emploi.

Azimov rappelle qu'il existe un accord de réadmission entre les pays de l'espace Schengen et la Russie. D'après ce document, la Russie doit accepter le retour des personnes que les Européens ne veulent pas voir sur leur territoire.

Quoi qu'il en soit, selon Moscou, le flux migratoire vers l’Europe n'augmenterait pas en cas de suppression du régime de visas.

Les passeports privilégiés et leurs détenteurs

La polémique autour des passeports diplomatiques et de service, privilégiés, a récemment éclaté sur la blogosphère russe. Le blogueur Anton Nossik accuse notamment le MAE russe de ne pas se battre pour le droit de tous les Russes à se rendre en Europe mais pour la possibilité des hauts fonctionnaires russes de "rendre visite" à leurs biens immobiliers et vérifier leurs comptes bancaires à l'étranger.

Selon lui, c'est pourquoi les diplomates russes cherchent à faire annuler les visas pour les voyages en Europe des passeports de service "bleus". Les utilisateurs d’internet ont immédiatement repris le relai de Nossik et ont développé le sujet.

Conformément à la législation russe, tout est très prosaïque. Les passeports "privilégiés" ne sont rien d'autre qu'un bien public, qui affiche le statut du détenteur, comme les conventions internationales l’imposent dans les pays d'accueil.

En se frayant un chemin à travers la jungle de la casuistique diplomatique - chose pour laquelle personne n'aurait assez de patience - il s'avère que les détenteurs de passeports diplomatiques verts ont le droit d'immunité dans un autre pays et d'autres avantages. Hormis les diplomates, ce type de passeport est également attribué au président, au premier ministre, aux députés de la Douma et aux ministres fédéraux.

Les passeports de service bleus sont détenus par un plus grand nombre de Russes, y compris les fonctionnaires fédéraux et régionaux, les militaires qui effectuent leur service militaire sous contrat à l'étranger, le personnel du ministère des Situations d'urgence, les techniciens du MAE envoyés dans les établissements russes à l'étranger et certains journalistes.

Toutefois, selon la législation russe, les passeports diplomatiques et de service doivent être conservés à la direction des ressources humaines et délivrés à leurs détenteurs pour la durée de leur séjour. Par exemple, le personnel du ministère des Situations d'urgence reçoit ses passeports juste avant un départ en mission.

Même chose pour les passeports verts et bleus au ministère des Affaires étrangères.

"Comme tous nos compatriotes, nous partons à l'étranger en vacances avec nos passeports normaux, rouges", déclare un représentant du MAE.

Le blogueur Anton Nossik a d'ailleurs été invité à une réunion du ministère où il pouvait obtenir toutes les informations sur les passeports "privilégiés", expliquées directement par leurs détenteurs, mais il ne s'y est pas présenté.

Quoi qu'il en soit, Moscou poursuivra les négociations avec l'Union européenne sur la suppression du régime de visas. Le processus avance difficilement mais selon les deux camps, il va "dans le bon sens".

Il ne faut pas non plus oublier qu'hormis la Russie, les Européens devront trouver un terrain d'entente non seulement avec Moscou mais également entre eux, ce qui est encore plus difficile si l’on prend en compte l'attitude spécifique des pays Baltes envers la Russie.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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