L’avenir des navires Mistral en Russie

© RIA Novosti Alexei DanitchevL’avenir des Mistrals en Russie
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Selon le journal Vedomosti, le ministère russe de la Défense voudrait renoncer à deux navires de guerre Mistral sur les quatre prévus dans son accord avec la France.

Selon le journal Vedomosti, le ministère russe de la Défense voudrait renoncer à deux navires de guerre Mistral sur les quatre prévus dans son accord avec la France.

Les sources du ministère de la Défense se refusent pour le moment à tout commentaire et les représentants des chantiers navals déclarent ne rien savoir de l’annulation des accords signés car d’après eux, le contrat court toujours.Quel est donc le problème de ces malheureux Mistrals?

De quels contrats s’agit-il?

L’accord pour la construction de Mistrals à destination de la marine russe a été signé en juin 2011. En vertu de ce contrat de 1,2 milliard d’euros, deux navires de classe Mistral (Vladivostok et Sevastopol) seront construits en France. Le contrat prévoit également la construction optionnelle de deux autres porte-hélicoptères en Russie, sur le chantier naval de Sevmach avec un haut degré d’intégration locale, soit jusqu’à 80% de matériaux russes. A titre de comparaison, Vladivostok ne comportera que 20% de pièces russes. C’est à cette option que, selon le journal Vedomosti, le ministère russe de la Défense souhaite renoncer.

Qu’est ce qu’un Mistral?

Selon la terminologie de la marine russe, le Mistral est un Bâtiment Polyvalent de Projection, parfois désigné à tort comme Transport de Chalands et de Débarquement. En Occident, cette terminologie n’a pas cours et selon la classification française, ces navires sont des Bâtiments de Projection et de Commandement (BPC).

Le bâtiment, de grande taille et à la ligne peu élégante, est doté d’un pont d'envol continu et peut embarquer des hélicoptères d’assaut et de transport - pour les Mistrals russes, le schéma choisi prévoit 8 hélicoptère Ka-52K + 8 Ka-29, ainsi qu’une force opérationnelle amphibie correspondant à un bataillon renforcé d’infanterie de marine (entre 450 et 900 hommes, en fonction de la durée de la projection).

Polyvalents, les Mistrals peuvent transporter et débarquer des unités amphibies, évacuer les civils, soutenir la mission des hélicoptères d’assaut loin des bases et servir de bâtiments improvisés pour l’approvisionnement de formations de la marine. Les bâtiments sont dotés de systèmes puissants de communication comme de commandement et offrent également beaucoup d’espace, permettant d’y déployer un état-major.

Chaque Mistral héberge par ailleurs un hôpital de 69 lits avec deux salles d’opération pourvues de tous les équipements nécessaires, ce qui confère une fonction de plus au navire: celle d’hôpital flottant. Sans parler d’un potentiel supplémentaire permettant de l’utiliser pour des opérations humanitaires et d’évacuation.

Pourquoi acheter des Mistrals en France?

Abstraction faite du désir de doter rapidement la marine de nouveaux navires, la partie russe souligne que la France transmet ainsi à la Russie des solutions technologiques modernes dans le domaine des constructions navales. Le pays pensait également développer son expérience dans la coopération internationale militaire et technique: ce modèle qui s’écarte des exportations pures et d’un assemblage d’armes sous licence est précisément le schéma progressivement adopté par la Russie dans ses relations avec l’Inde, l’un de ses partenaires clés.

Hormis les produits de dernière génération des chantiers navals, la Russie était particulièrement intéressée par l’acquisition de deux éléments, à savoir le système d’information et de gestion de combat SENIT 9 et le système de communication SIC 21. L’intérêt de ce dernier réside avant tout dans son architecture fédératrice, apte à intégrer tous les systèmes de transmission dans la zone de déploiement du bâtiment - y compris les systèmes de communication des autorités civiles. Le désir de mettre la main sur ces systèmes avec tous les documents et les technologies qui s’y rattachent expliquait en grande partie les dépenses considérables liées à l’acquisition des quatre navires.

Ces arguments tiennent-ils debout?

Selon plusieurs experts, l’achat des Mistrals sous prétexte de transfert de technologies ne semble pas entièrement justifié. Certaines questions se posent. Ainsi, le rapport "La Russie comme importatrice d’armes: défis et opportunités", récemment soumis au conseil public auprès du président de la Commission militaro-industrielle russe, indique que l’acquisition des technologies des unités de propulsion et/ou de direction des navires de type Alstom Mermaid ne pouvait pas constituer l’objectif de l’achat. Ces techniques sont couramment usitées dans les constructions navales civiles et leur acquisition aurait pu se faire à un coût moins élevé.

Quant au "plat de résistance", à savoir les systèmes SENIT 9 et SIC 21, les experts font remarquer qu’il n’existe aucune information fiable sur le transfert de ces systèmes. S’agit-il de les livrer dans leur version complète ou réduite et dans ce dernier cas, de quelle réduction est-il question? Les équipements seront-ils remis comme des "boîtes noires" ou révèlera-t-on leur algorithme, transférant ainsi réellement les technologies?

La marine russe n’a-t-elle pas besoin de ce navire?

La marine russe a besoin du Mistral… mais sans qu’il s’appelle nécessairement Mistral. Rien n’empêche la Russie de lancer la construction de navires similaires, d’autant qu’une certaine expérience a déjà été accumulée à partir de l’époque soviétique. Un grand porte-hélicoptère polyvalent, capable de jouer le rôle de bâtiment de projection, d’évacuation et de commandement ainsi que d’hôpital flottant serait utile à la marine russe. La possibilité d’utiliser ces navires comme casernes flottantes et de déployer des bases avancées pour la marine sera également très appréciée.

Si l’on se rappelle la faiblesse du réseau des bases de la marine russe - dont le pays souffre depuis la création de ses forces navales - l’idée de se doter d’un bâtiment de ce niveau paraît très attrayante. Tout particulièrement en Extrême-Orient russe, dans la zone opérationnelle de la marine du Pacifique où l’insuffisance des bases se joint à la longueur considérable du littoral défendu. Les deux premiers Mistrals sont justement destinés à l’Extrême-Orient.

Seront-ils donc achetés ou non?

Pour le moment, les porte-paroles de la Compagnie unifiée de constructions navales (OSK) russe ont confirmé à l’agence RIA Novosti que le contrat pour la construction des deux premiers Mistrals courait toujours et ont déclaré qu’ils ignoraient tout de l’intention du ministère russe de la Défense de renoncer à l’option de construire les troisième et quatrième bâtiments.

Ainsi, on peut toujours affirmer que la marine russe sera dotée de deux Mistrals, probablement suivis de bâtiments polyvalents de projection russes du même type et disposant du même potentiel. Quant aux technologies que la Russie parviendra à soutirer aux Français – qui deviendront peu accommodants si le contrat était réduit de moitié - il est beaucoup trop tôt pour y songer.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction.

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