Le monde est fatigué de l'inconnue palestinienne

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"Fatigue" : le terme a été prononcé après le vote sur le nouveau statut de la Palestine et il résume bien l’atmosphère générale.

"Fatigue" : le terme a été prononcé après le vote sur le nouveau statut de la Palestine et il résume bien l’atmosphère générale.

"La communauté internationale est fatiguée de l'interminable conflit israélo-palestinien", a notamment déclaré Vitali Tchourkine, ambassadeur russe à l'Onu. Non pas que le conflit du Proche-Orient soit réglé, pas du tout, mais tout le monde a constaté qu'il n'était plus possible de maintenir la situation en suspens avec les anciennes méthodes.

Il ne sert à rien de s'opposer "jusqu'au bout"

Selon les points de vue, cette histoire dure déjà depuis 45 ans – à partir de la guerre des Six jours en 1967 - ou 65 ans – après la création des Etats juif et arabe sous mandat britannique, sur le territoire de la Palestine en 1967.

Aujourd’hui Israël proteste contre la transformation de la Palestine en Etat : le pays veut des garanties de sécurité de la part des Palestiniens. Ces derniers refusent d’en donner… et la discussion semblait éternelle. Voilà un exemple de conflit qu'il est pratiquement impossible de régler.

Rien d'important ne s'est non plus produit à l'Onu, jeudi, lors du vote de l'Assemblée générale. Certes, la Palestine est désormais appelée "Etat" – 138 des 192 membres des Nations unies ont voté pour qu'un "observateur permanent" devienne un "Etat observateur". Mais rien de plus.

Désormais la Palestine a un statut proche de celui du Vatican. Quand on se promène dans les rues de Rome, on ne remarque pas avoir "atterri" dans un autre Etat mais juridiquement, le Vatican n'est pas l'Italie. Entre autres, la Palestine peut aujourd’hui s'adresser à la Cour pénale internationale (CPI) pour qu’Israël réponde de ses actes. C’est ce qui était en jeu à l'Onu.

Si cette histoire de diplomatie s’était déroulée il y a 20 ans, ses conséquences pour Israël et son allié américain ne seraient pas aussi sérieuses. Mais aujourd'hui, on a parfaitement conscience que ni les pays ni les peuples n'ont besoin de défendre leurs positions "jusqu'au bout". Il vaut mieux prendre les devants et trouver quelque chose de nouveau, au lieu de se retrouver dans la situation actuelle de Tel-Aviv et de Washington.

Qui d'autre, hormis Israël et les Etats-Unis, a voté contre le nouveau statut de la Palestine ? Sept autres pays – le Canada, la République tchèque, le Panama, le Nauru, les îles Marshall, la Micronésie et le Palau.

Ce ne sera plus "comme avant" ?

La situation paraissait tout aussi critique lorsqu'Israël et les USA avaient                                                                                                                                                              menacé les Palestiniens, exigeant qu’ils retirent leur requête déposée à l'Onu. Puis au dernier moment, ils ont commencé à faire semblant que rien de grave ne se produisait. Or les menaces n'étaient pas dérisoires. Les subventions israélo-américaines qui permettent à beaucoup de Palestiniens de vivre – et que l’on promettait de suspendre – s’élèvent à 192 millions de dollars par an.

La menace n’a pas eu d’effet. Israël annonçait également qu'il pourrait refuser la reconnaissance de l'Autorité palestinienne (les accords d'Oslo de 1994 définissent ses frontières actuelles). Mais cela n'a effrayé personne non plus.

Aujourd'hui, un autre refrain se fait entendre – voyons, on n'a jamais vraiment été contre, le statut d'"Etat observateur" est une broutille. Mais si les Palestiniens s'adressaient à la CPI, la ligne rouge serait franchie. L'Unesco ? Rien de bien grave, 20% de son budget proviennent de fonds américains : on suspendra le financement, ça vous fera les pieds.

Aucune grande puissance - même les Etats-Unis - n'est toute-puissante. Depuis plusieurs années, on évoque l'affaiblissement des USA et recevoir la confirmation de cet état de fait, à ce moment précis, est une mauvaise nouvelle pour les Américains.

D’autant que le coup a été porté par leurs alliés européens. L'Europe, à l'exception des Tchèques, a voté contre les USA et Israël : les Américains se sont battus uniquement pour qu’un pays comme l'Allemagne s'abstienne.

Quoi qu'il en soit même le Royaume-Uni, le principal de ses alliés, n'a pas voté avec eux et le Palau ! C’est logique : l'isolement européen semble aux Britanniques plus dangereux qu'une querelle avec les Etats-Unis. Une fois de plus, on constate qu'il n'existe plus un Occident monolithique : les USA et l'Europe se trouvent des deux côtés de l'océan…

Une restructuration longue et complexe de toute la diplomatie internationale - voire pire - autour du Moyen-Orient est à venir. Cela a commencé par le printemps arabe, c'est-à-dire avec l'apparition de régimes très fondamentalistes dans la région, dont l'Egypte qui jouait auparavant un rôle crucial pour maintenir la neutralité entre Israël et la Palestine.

Aujourd'hui, l'alliance israélo-américaine - dont beaucoup sont franchement fatigués - n'a plus le même effet. En fin de compte, elle a duré plus d'un demi-siècle mais seuls les diamants sont éternels. Désormais, on ignore quoi faire et quelles coalitions former.

Dans tous les cas l'Onu, "l'usine du droit international", n'est que l'une des tribunes depuis laquelle on peut suivre ces évolutions.

De toute façon, le "statut de Vatican" de la Palestine n'a pas grand-chose à voir avec la situation financière ou politique sur ses deux territoires, très différents, qu'on appelle toujours Autorité palestinienne : la Cisjordanie et la bande de Gaza. Il se pourrait, pourquoi pas, que dans une cinquantaine d'années on retrouve à l'Onu deux Palestines.

La superficie de l'Etat et ses revenus n'ont aucune importance. Prenons l'exemple d'un membre de l'Onu depuis 1999, Nauru, qui a voté "contre la Palestine": une superficie de 21,3 km², 11 300 habitants, sans même avoir de capitale. Mais son vote à l'Assemblée générale vaut autant que celui de Washington.

Par contre, Nauru n'a aucun problème de territoire ou de voisin – c'est une île en plein océan.


L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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