Cette nouvelle a peu de chances de sortir du milieu médiatique chinois: selon les sondages, les consommateurs en Chine ne sont pas satisfaits de la qualité du Coca-Cola. A première vue, rien à voir avec la politique. Mais en réalité, c'est une question tout à fait politique: comment la société de consommation, qui a vu le jour au cours des dernières années dans le pays, influera sur les changements politiques qui surviendront en automne et en hiver, à savoir le remplacement de l'élite dirigeante?
Ce changement a lieu une fois tous les dix ans. Comment les Chinois ont changé en dix ans, quels sont leurs griefs, hormis le coca, quel impact tout cela aura sur la politique des nouvelles autorités?
Ils se mondialisent
Il existe deux approches pour déceler des changements dans les sociétés – la statistique générale et les observations subtiles de la vie. La seconde approche est plus intéressante. Revenons à la qualité des boissons. Un sondage sur la satisfaction liée à la consommation est organisé dans le pays deux fois par an. Antérieurement, ladite boisson était à la 6e place sur 12, et aujourd'hui elle se retrouve en dernière position. Les Chinois ne sont pas satisfaits par le taux de chlore et d'autres substances contenues dans la boisson, et plusieurs scandales médiatiques avaient déjà éclaté à ce sujet. Les Américains, propriétaires de la marque, ont tenté d'expliquer que la boisson chinoise était exactement la même qu'aux Etats-Unis. Et voici le résultat.
Les Chinois ne sont pas non plus satisfaits par les Mercedes. 50 propriétaires des véhicules de la marque écrivent des pétitions et engagent des avocats, parce que le constructeur ne rappelle pas leurs voitures, dont les moteurs ont des fuites d'huile.
En effet, les Chinois ne sont pas pauvres. Dans un article récent j'avais mentionné le chiffre de 960.000 Chinois millionnaires en dollars. Cette information est tirée du magazine Russian Asia publié en Chine qui, malheureusement, ne met en ligne que certains de ses articles. Ce chiffre est tiré de l'article intitulé "Le boom de la consommation". Ce magazine est lu avant tout par la nombreuse communauté russe en Chine, qui travaille, entre autre, plus ou moins pour le marché chinois.
Il y a beaucoup de choses intéressantes. Par exemple, lorsqu'une célèbre maison de mode a décidé de sortir une gamme spéciale de vêtement chinois (top-down), c'était une erreur – en Chine, personne n'en a voulu. Il a alors été décidé d'ouvrir une boutique ornée d'hiéroglyphes identiques à Paris… Là où le style asiatique est à la mode.
Ou ceci: les Chinois investissent dans l'art contemporain, tout en sachant que les prix dans le monde augmentent le plus rapidement pour les œuvres des peintres chinois modernes. Mais ils préfèrent les acheter dans les galeries appartenant aux étrangers. C'est plus sûr. Ils se mondialisent…
Quant au million de millionnaires, il y a des gens encore plus riches en Chine. Le People's Daily Online a publié un article très bien illustré sur le bal des milliardaires qui se prépare en Chine (mais en yuans, par conséquent il faut diviser par 6,3) et le grand concours de jeunes femmes voulant être présentes à ce bal.
Tout cela est important pour l'économie mondiale. La Chine a minimisé l'impact de la crise mondiale lors du dernier pic, mais aujourd'hui le rythme de sa propre croissance ralentit – alors que faire? Tout l'espoir repose sur la demande intérieure qui déborde des frontières du pays.
La communauté russe n'est pas la seule à s'intéresser au consommateur chinois et à ses goûts. C'est également le thème préféré de l'Europe, où les touristes chinois aisés ont fait de l'ombre aux touristes arabes et russes (qui ont eux-mêmes fait de l'ombre aux Japonais), ainsi qu'aux Etats-Unis. Il était intéressant de lire dans le New York Times un article sur les jeunes femmes chinoises de la classe moyenne urbaine qui rentrent à la maison avec l'immense version chinoise du magazine Elle, qui atteint 700 pages – les publicitaires font la queue devant le marché chinois.
Mais tout de même, dans quelle mesure cela influe sur la politique nationale? On ignore la réponse à cette question, mais beaucoup la recherchent.
Plus d'argent – plus de particularités
La fait que le pays conserve un système pratiquement monopartite (des partis insignifiants y existaient même à l'époque de Mao Zedong, mais ils n'ont jamais joué un rôle important), et que le parti au pouvoir s'appelle communiste n'a pas d'importance. L'une des plus intéressantes particularités de la civilisation chinoise est le fait que ces gens adorent conserver les formes extérieures, qui plus est les appellations, pendant des siècles, en leur apportant un nouveau contenu.
En revanche, le changement tous les dix ans, non seulement du chef de l'Etat, mais de toute une génération de dirigeants, est une chose importante. Le 18e congrès du parti communiste chinois, qui lance la partie clé de ce processus, se tiendra "durant le second trimestre 2012" (la date exacte est inconnue). On peut dès à présent consulter la liste de 2270 délégués qui ont été sélectionnés, comme il a été annoncé, dans un contexte de concurrence acharnée.
En particulier, parmi les délégués on cette fois trouve 169 ouvriers. La dernière fois ils étaient 51. Et les fonctionnaires du PC (69,5% de délégués) sont loin de toujours faire partie de l'élite administrative – les Chinois ont depuis longtemps appris à séparer ces fonctions, un peu comme les Américains.
Est-ce que cela signifie que le parti communiste et sa politique seront plus axés sur l'aspect social, c'est-à-dire le fait de penser plus aux démunis qu'aux riches? C'était déjà évident. Telle était la politique officielle sous l'administration du chef de l'Etat sortant Hu Jintao.
Est-ce que la société de consommation (c'est-à-dire les habitants des grandes villes riches) devenue plus "mondialisée" signifie qu'une opposition idéologique (libérale) apparaîtra en Chine, en s'approchant d'un système bipartite? Pas forcément.
La haine actuelle de toutes les couches de la population pour la corruption est évidente, et c'est un problème clé ouvertement discuté et ouvertement traité. Mais pour tout le reste… la Chine est un pays qu'il est très difficile de mettre aux normes des autres.
Peut-on dire qu'aujourd'hui la Chine vit la même situation que la Russie il y a cinq ans, et qu'ensuite la société commencera à bouillonner? Mais alors qu'en est-il du fait que les réformes en Chine ont commencé près de dix ans avant la Russie et que leur société est toujours en ébullition?
Les représentants de la pensée politique européenne ont la dangereuse habitude de mesurer tout le monde selon leurs standards en disant qu'actuellement ils sont au même stade que "nous" il y a un siècle, et que par la suite ils deviendront comme nous, sur tous les plans. Des Européens et des libéraux. Cela rassure d'une certaine manière, parce que cela fait automatiquement penser que l'Europe est en avance sur tout le monde.
Mais qu'en est-il du Moyen-Orient où les régimes militaires ont tenté d'"occidentaliser" partiellement leurs sociétés au début (ou au milieu) du XXe siècle? Pourquoi aujourd'hui tout va dans le sens inverse dans cette région? Ou prenons le Japon qui vit depuis plus d'un demi-siècle selon la constitution écrite par le chef du régime d'occupation Douglas MacArthur, mais qui est devenu presque plus "japonais" qu'avant?
En fait, en observant certaines nations, on constate que lorsque l'argent apparaît dans le pays, les gens le dépensent pour devenir davantage eux-mêmes. En d'autres termes, leurs particularités culturelles et autres deviennent plus voyantes.
Il y aura donc forcément des changements d'orientation politique de la Chine, y compris pendant le congrès, mais on ignore lesquels exactement.
L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction
