Crise: l'Espagne pourrait échapper au sort de la Grèce

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Des décisions radicales, appelées à contribuer à la sortie de l'Europe de la crise, sont attendues du sommet de l'UE qui commence à Bruxelles le 28 juin et se déroulera sur deux jours.

Des décisions radicales, appelées à contribuer à la sortie de l'Europe de la crise, sont attendues du sommet de l'UE qui commence à Bruxelles le 28 juin et se déroulera sur deux jours. Les économies en difficulté de la Grèce et de l'Espagne tirent la zone euro vers le bas. Toutefois, les experts estiment que l'Espagne a toutes les chances d'inverser la situation et de relancer la croissance économique.

Les dirigeants des pays de l'UE pourraient devoir transmettre une partie de la souveraineté budgétaire et fiscale aux organismes paneuropéens. Cela permettrait à Bruxelles de modifier les budgets des pays en réduisant les dépenses et en contrôlant le déficit budgétaire. De plus, à ce sommet il est possible que les pays créent une union bancaire et discutent les conditions de la mise en place d'un système de retraite commun.

Merkel:"moi vivante, il n'y aura pas d'euro-obligations"

La situation dans la zone euro ne cesse de se détériorer. Par exemple, a la veille du sommet, l'agence de notation Moody's a abaissé la note de crédit de 28 banques espagnoles, et ce de 1-4 crans d'un coup.

C'est une décision logique qui suit l'abaissement de la note de crédit de l'Espagne elle-même, qui éprouve de graves problèmes financiers. Sa note de crédit avait été revue à la baisse de trois crans en passant de A3 à Baa3. Cela a été fait après que le pays avait décidé de demander à l'Union européenne une aide de 100 milliards d'euros.

L'argent sera exclusivement destiné à la recapitalisation des banques. L'ex-ministre espagnol de l'Economie, Luis de Guindos, a déclaré auparavant que cette aide pourrait être obtenue sous la forme de prêts sur 15 ans avec des taux d'intérêt de 3-4%.

De cette manière l'Espagne, quatrième économie de la zone euro derrière l'Allemagne, la France et l'Italie, est le quatrième pays, après la Grèce, le Portugal et l'Irlande, contraint de demander l'aide de l'UE.

Cependant, l'Allemagne, la plus forte économie européenne, refuse de payer les dettes des pays en difficultés. La chancelière allemande Angela Merkel a déclaré au parlement allemand le 27 juin qu'elle ne laisserait pas son pays payer les dettes d'autres pays de la zone euro, tels que l'Italie et l'Espagne. "Il n'y aura pas d'eurobonds de mon vivant!", a-t-elle déclaré.

Les banques, le talon d'Achille de l'Espagne

Est-ce que l'Espagne connaîtra le sort de la Grèce? Les experts espèrent tout de même que non.

L'aide de 100 milliards d'euros demandée par le pays sera utilisée exclusivement pour la recapitalisation des banques. "L'Espagne est devenue l'otage de ses banques", a déclaré le professeur Pablo Triana de l'ESADE (École supérieure d'administration et de direction d'entreprises) de Barcelone.

Aujourd'hui, les banques espagnoles ont énormément d'actifs surestimés et elles risquent de ne pas récupérer les crédits délivrés auparavant. La part des actifs toxiques dans les banques espagnoles se situe aux alentours de 40-60%, déclare le professeur Sandalio Gomez de l'Ecole de Management IESE (Institut d'études supérieures de commerce) de Madrid.

Le fait est que des taux d'intérêt bas dans les banques et le problème résolu de l'inflation dans la zone euro ont joué un mauvais tour à l'Espagne, déclare Olga Boutorina, titulaire de la chaire d'intégration européenne du MGIMO (Institut d'Etat des Relations Internationales de Moscou) pour expliquer le fond du problème bancaire dans la péninsule ibérique. L'inflation en Espagne était à peine supérieure à la moyenne de la zone euro, et en raison des taux d'intérêt bas, les particuliers et le secteur public ont emprunté trop activement.

L'économie était en croissance, mais cette croissance dopée (grâce à l'argent bon marché) a été perçue comme normale, fait remarquer Olga Boutorina. Finalement, lorsqu'en 2007 la bulle a éclaté sur le marché de l'immobilier, et à l'arrivée de la crise mondiale un an plus tard, une partie de ceux qui vivaient avec des crédits bon marché étaient simplement devenus incapables de les rembourser. "Les crédits toxiques ont entraîné des pertes pour les banques", déclare Pablo Triana.

Toutefois, les experts qualifient la situation macroéconomique du pays de stable. Selon Irina Prokhorenko, du département des problèmes politiques internationaux de l'Institut de l'économie mondiale et des relations internationales (IMEMO) de l'Académie des sciences de Russie, actuellement la dette publique de l'Espagne s'élève à 68,5% du PIB, elle est donc plus basse par rapport à l'Allemagne ou la France.

"Toutefois, après l'obtention de l'aide de l'UE, la dette publique de l'Espagne dépassera 100% du PIB", déclare l'experte. Mais les banques pourront rembourser les intérêts des obligations.

Le déficit budgétaire en 2011 n'était pas critique: 8,9%. "Les Espagnols prévoient de réduire cet indice jusqu'à 0% d'ici 2020", déclare Irina Prokhorenko.

Le prix fort à payer pour la modernisation

L'économie de l'Espagne se porte mieux que celle de la Grèce. L'Espagne a conservé son potentiel industriel.

Dans les années 1980, le pays a connu une modernisation accélérée et réussie. Les Espagnols ont développé l'industrie alimentaire, l'aciérie et la pétrochimie. Le secteur agricole était traditionnellement fort.

"De plus, dans les années 1980 a été adopté avec succès un plan grandiose de développement scientifique et technique du pays, a déclaré Olga Boutorina. Les Espagnols ne cherchaient pas à rattraper les Etats-Unis et l'Europe occidentale, ils ont choisi certains secteurs et ont prouvé leur compétitive dans ces domaines."

Par exemple, le développement des biotechnologies a permis à l'Espagne de devenir l'un des principaux fournisseurs d'aliments modernes pour animaux. Des technoparcs ont été créés, et le pays est devenu l'un des leaders mondiaux de la production de puces électroniques.

La modernisation ponctuelle a donné les résultats attendus. "De par la structure économique, l'Espagne se rapprochait de la France, fait remarquer Olga Boutorina. Mais la modernisation n'est jamais gratuite."

Le chômage élevé et en augmentation progressive était le prix à payer pour la modernisation de l'Espagne, a expliqué Olga Boutorina. Selon les statistiques, aujourd'hui un Espagnol sur quatre est sans emploi. Un jeune sur deux n'a pas de travail.

L'industrialisation rapide et l'urbanisation ont provoqué une affluence de plus en plus forte de la population vers les villes. Le mode de vie traditionnel des familles changeait. Les femmes qui ne travaillaient pas dans les régions rurales trouvaient un emploi en arrivant en ville. La dénatalité a contribué également à l'augmentation du nombre des travailleurs: en moyenne cet indice est passé de 3 à 1 enfant par femme.

De plus, beaucoup de personnes en Espagne avaient un CDD. En période de crise leurs contrats de travail n'ont simplement pas été prolongés.

Le "scénario irlandais" reste possible

A l'heure actuelle, les Espagnols, de mêmes que les autres Européens, sont confrontés à plusieurs problèmes: réduire le déficit budgétaire, stimuler la croissance économique et lutter contre le chômage.

Certains secteurs en Espagne pourraient stimuler la croissance économique, devenir une sorte de locomotive qui sortirait l'économie de la crise, déclarent les experts.

"Il est avant tout question du secteur industriel qui, toutefois, a besoin d'une modernisation technique", a expliqué à RIA Novosti Sandalio Gomez. En outre, il est nécessaire de développer les branches dans lesquelles le pays n'aura pas à concurrencer les producteurs asiatiques. Il faut également miser sur la sphère des services, dont la part du PIB du pays atteint 60%, a-t-il ajouté.

Selon Pablo Triana, il faut mettre l'accent sur les hautes technologies et l'enseignement. "L'Espagne peut se vanter du niveau de ses écoles de commerce", a-t-il déclaré.

La part de l'industrie de transformation de l'Espagne s'élève à 12-14%, et cette part diminue en raison de la concurrence accrue avec les producteurs chinois, souligne Irina Prokhorenko. Néanmoins, le raffinage, l'exploitation pétrolière et l'industrie chimique pourraient jouer le rôle de locomotive dans l'économie espagnole, selon l'experte.

Il faut également soutenir les petites entreprises, ce qui nécessite la stimulation de la demande de marchandises et de services.

Selon les experts, la somme de tous les facteurs donne une chance à l'économie espagnole d'évoluer selon le scénario irlandais, et non pas grec. Après l'obtention de l'aide de l'Union européenne, l'augmentation des impôts et la réduction des dépenses, l'économie irlandaise ne suscite pas de craintes auprès des autorités européennes.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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