Washington et Pékin placent leur homme à la tête de la BM

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Lundi soir le nom du nouveau président de la Banque mondiale a été annoncé. Il s'agit de Jim Yong Kim, un Américain d'origine coréenne, qui prendra ses fonctions le 1er juillet et dirigera la BM pendant cinq ans.

Lundi soir le nom du nouveau président de la Banque mondiale a été annoncé. Il s'agit de Jim Yong Kim, un Américain d'origine coréenne, qui prendra ses fonctions le 1er juillet et dirigera la BM pendant cinq ans.

On est en présence d'au moins deux phénomènes. Le premier, c'est un nouvel exemple de l'élégante griffe d'Obama pour avancer une candidature sortant de l'ordinaire, contre laquelle personne n'avait finalement rien à redire. Le second, c'est la marque évidente du changement de politique au sein de la Banque mondiale qui s'inscrit dans le cadre de la réforme du système de gestion du monde.

Beaucoup de Coréens

Jim Yong Kim est le second Coréen à la tête d'une organisation internationale importante et puissante. Le premier est évidemment Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations Unies.

L'histoire de son élection à ce poste en 2007 ressemble, dans une certaine mesure, à ce qui s'est passé aujourd'hui avec le président de la Banque mondiale. Après l'africain Kofi Annan, selon la rotation officieuse, on avait besoin à l'ONU d'un asiatique, mais en 2007 la Chine était déjà trop puissante au goût des Américains. Or les Etats-Unis ont le droit de veto sur la candidature du secrétaire général – mais la Chine et d'autres grandes puissances disposent également de ce droit. Un compromis a été trouvé avec le Coréen Ban.

Bien sûr, il n'est pas parfait avec ses airs du dictateur de bureau très enclin à se trouver par reflexe du côté des Etats-Unis et de l'Union européenne et seulement après à chercher à comprendre ce qui se passe. Bref, un occidentaliste, bien que ce soit un asiatique. Mais finalement Ban Ki-moon a tiré des leçons de cette expérience difficile et a pris conscience qu'il n'était pas l'empereur du monde, mais un fonctionnaire international aux ordres obéissant à la Charte des Nations Unies et contraint de manœuvrer entre les intérêts de pratiquement 200 pays. Et dans l'ensemble, aujourd'hui tout va bien en ce qui le concerne.

Et voici de nouveau un Coréen, bien qu'il soit américain. Quelle est cette tendance? Certes, les Coréens sont un peuple particulier pour l'Asie. Par exemple, peu de gens savent que les Philippines ne sont pas la seule nation chrétienne d'Asie, il y a également la Corée du Sud. Officiellement le quart de la population du pays (mais bien plus dans les villes) est de confession chrétienne, comprenant non seulement des catholiques, mais principalement des protestants américains et locaux.

D'ailleurs, la situation en Chine aurait pu être similaire. On sait peu que la révolution de 1911 s'est déroulée sous la forte influence des chrétiens américains, dont faisait personnellement partie Chiang Kaï-chek. Puis Mao est arrivé, et on connaît la suite.

Pour revenir aux Coréens: cette nation est connue en Asie pour son caractère explosif et opiniâtre, et cela concerne également la Corée du Nord. Mais si Ban Ki-moon est un représentant typique de sa nation, ce n'est pas vraiment le cas de Jim Yong Kim. A bien des égards.

C'est un Américain

Commençons par le nom. En Asie orientale, le nom est généralement placé en premier, autrement dit le nom de famille de Ban Ki-moon c'est Ban. Mais l'histoire se complique avec le nouveau président de la BM. Jim est son prénom américain. Son nom est Kim. Cela donne – Jim Kim. S'il vivait dans son pays d'origine, il s'appellerait Kim Yong. Mais il est pratiquement né aux Etats-Unis (arrivé à l'âge de 5 ans), il a appris le coréen à l'école comme langue étrangère, et d'après son passeport il est américain depuis son enfance. En fait, jusqu'à présent le président de la Banque mondiale a toujours été américain (ancien banquier, membre de l'administration, etc.), et le directeur du Fonds monétaire international (FMI) est un Européen.

Mais Jim Yong Kim est un président de la BM qui sort de l'ordinaire pas seulement en raison de ses origines, mais également vu son remarquable CV. Fils de médecin, médecin lui-même, le docteur Kim âgé de 52 ans est connu pour avoir apporté une grande contribution à la lutte contre le SIDA en Afrique lorsqu'il travaillait au sein de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Puis il a dirigé le prestigieux collège de Dartmoor.

Ainsi, lorsque Barack Obama a proposé sa candidature au poste du président de la BM, personne ne l'a contestée.

Et ce, après de longues discussions disant que les économies émergentes (avant tout la Chine, l'Inde, la Russie et d'autres) cherchent progressivement à prendre le pouvoir dans toutes les structures, notamment financières. Du moins ils jouent des muscles dans de telles situations (en réalité, ils s'échauffent pour l'instant). Et tout le monde s'était déjà préparé à une bagarre modérée. Par exemple, lors du sommet du BRICS en avril à New Dehli.

Ceux qui n'étaient pas encore au parfum des courants sous-jacents supposaient que le somment pouvait proposer son candidat, puis voir combien de voix il recueillerait au conseil d'administration de la banque – et peut-être mettre fin au monopole américain. Du moins, c'était le cas lors des récentes élections au poste de directeur du FMI. On s'observe, on se jauge, on s'évalue.

Mais la lettre "C" du BRICS revenue de New Dehli (c'est-à-dire la Chine) a déclaré que Kim était un parfait candidat. Et tout s'est calmé. Pourquoi? Parce que le candidat d'Obama reste un homme "d'Obama" dans de nombreux sens du terme, un homme entre deux nations, un homme du changement, mais de manière à ce que les Américains restent en selle. La Chine et les Etats-Unis ne sont pas toujours et sur tous les sujets en conflit, et ici leurs points de vue ont convergé parce que la Banque mondiale a précisément besoin de changements, et non pas d'une "invasion" ou d'une "révolution de palais."

La lente dérive vers l'ONU

La BM et le FMI ont commencé leur travail en 1944 (de facto en 1945) par la reconstruction de l'Europe dévastée par la Seconde guerre mondiale.

Puis, dans les années 1960, sur la carte mondiale est apparu le monde émergent, et la Banque (en réalité c'est un groupe bancaire) a commencé à aider les nouveaux pays. Et, à l'instar du FMI, à les intégrer au système occidental (l'URSS finançait ses alliés à titre d'alternative; d'ailleurs après 1991, la BM a également aidé la Russie en lui accordant 12 milliards de dollars).

Grâce à une telle "idéologie du développement", la BM a évité les nombreux scandales qui se sont abattus sur le FMI. Ce dernier est chargé d'aider les Etats et leurs budgets, en exigeant en échange la discipline financière, sans parler des conditions politiques, ce qui ne plaît à personne. C'est la raison pour laquelle les pays émergents cherchent à accroître leur rôle au sein du FMI. Et la BM est un peu à l'écart dans ce sens.

Mais le monde a aujourd'hui abandonné ce modèle d'aide. Sur le site de la BM on peut voir l'intervention d'un représentant haut placé de la banque émettant les idées suivantes: le modèle "le Nord riche aide le Sud pauvre" n'existe plus. Le principal moteur du développement économique mondial sont les pays émergents (encore une fois la Chine, l'Inde, la Russie et d'autres). Pour cette raison la Banque doit changer.

D'ailleurs, c'est ce qu'elle fait déjà, en se rattachant progressivement à l'ONU. Le fait est qu'il existe les Objectifs du millénaire pour le développement adoptés en 2008 à l'ONU par toutes les nations du monde. Et la banque finance avant tout le progrès mondial précisément selon ce programme. Autrement dit, il abandonne peu à peu le rôle d'"arme de l'Occident."

Jim Yong Kim incarne la réforme de la Banque mondiale, le passage à un nouveau modèle de travail acceptable et convenable pour les pays émergents, mais également pour les anciens maîtres du monde.

 

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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