L'OTSC: une structure sécuritaire régionale, pas une "Otan eurasienne"

© RIA Novosti . Vladimir Rodionov / Accéder à la base multimédiaDmitri Medvedev
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L'intégration militaro-politique en Eurasie fera encore quelques pas assurés lorsque les députés russes auront approuvé le Protocole de la formation et du fonctionnement des forces et des moyens de sécurité collective de l'OTSC (Organisation du traité de sécurité collective) soumis à la ratification par le président Dmitri Medvedev à la chambre basse de l'Assemblée fédérale.

L'intégration militaro-politique en Eurasie fera encore quelques pas assurés lorsque les députés russes auront approuvé le Protocole de la formation et du fonctionnement des forces et des moyens de sécurité collective de l'OTSC (Organisation du traité de sécurité collective) soumis à la ratification par le président Dmitri Medvedev à la chambre basse de l'Assemblée fédérale.

Le mois de mai prochain marquera le 20e anniversaire de la signature du Traité de sécurité collective, et le 10e anniversaire de l'Organisation elle-même, dont font partie l'Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Russie, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan. A l'heure actuelle, on prépare la signature du Mémorandum entre le Secrétariat de l'OTSC et le Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, ce qui apportera à cette structure postsoviétique une légitimité internationale.

Mais peut-on dire que l'OTSC est une alternative à l'Otan, son contrepoids eurasiatique?

Le pôle d'attraction moscovite

Et ce n'est pas la seule question soulevée. Peut-on parler de la formation d'un autre "pôle géopolitique" dans le monde contemporain? Notamment en prenant en compte le retrait des troupes américaines et de leurs alliés d'Afghanistan. Et existe-t-il aujourd'hui des raisons de supposer que le monde unipolaire si critiqué par la diplomatie russe tend vers son déclin?

En réalité, l'OTSC a des chances de se transformer en structure d'intégration efficace en matière de sécurité. Mais les conclusions sur l'apparition d'une véritable alternative à l'Otan, qui plus est au monde occidental en général, sont prématurées.

Premièrement, quantitativement les ressources de l'Organisation sont incomparables par rapport à celles de l'Otan. Mais en fin de compte, comme le disait le général Alexandre Souvorov, on ne combat pas avec le nombre mais avec les compétences. Bien que ce soit sur l'évaluation des "compétences" en question que les points de vue des experts divergent.

Le potentiel d'intégration des pays membres de l'OTSC est primordial. Cependant, un simple coup d'œil suffit pour comprendre que la Russie joue à nouveau le rôle du principal "sponsor" du projet.

Contrairement à l'Otan, qui est une "affaire vitale" non seulement pour les Etats-Unis, mais également pour leurs alliés (qui apportent également leur contribution à l'Alliance), l'OTSC est avant tout une structure dont l'entretien est financé par Moscou. La motivation des autres membres est bien plus faible.

Les imbrications régionales

Pour la première fois la thèse de la nécessité d'accroître la composante militaire de l'Organisation a été évoquée par Dmitri Medvedev au sommet de Moscou qui s'est tenu le 5 septembre 2008. Ce sommet de l'OTSC était principalement consacré à la guerre russo-géorgienne d'août 2008.

Il avait pratiquement déterminé la volonté des alliés de Moscou de soutenir les actions de la Russie en Ossétie du Sud et en Abkhazie pendant ces événements.

En même temps, six membres de l'OTSC (l'Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan) ont refusé sous divers prétextes de reconnaître formellement et juridiquement l'indépendance des deux anciennes autonomies géorgiennes.

Depuis septembre 2008, beaucoup de choses ont changé dans l'ordre du jour, aussi bien international qu'eurasien. Néanmoins, les membres de l'OTSC n'ont pas avancé sur la reconnaissance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud. Plus encore, après août 2008, certains voisins de la Russie ont réellement eu peur.

Pathologies de jeunes Etats indépendants? Certes. Phobies artificielles et craintes exagérées?

Ce facteur est également présent. Sans parler de l'aspiration des élites nationales des pays postsoviétiques à louvoyer entre Moscou et Washington.

Il reste également des squelettes dans les placards des pays d'Asie centrale où, par exemple, il existe de sérieux problèmes frontaliers entre les membres de l'OTSC. Par exemple, les relations entre le Kazakhstan et l'Ouzbékistan, ainsi que les différends entre le Tadjikistan et l'Ouzbékistan.

Mais la question centrale est l'aptitude des membres de l'Organisation à concevoir des approches politiques de la sécurité en Eurasie, même sans l'ambitieuse Ukraine, l'Azerbaïdjan qui pose problème, la Moldavie avec ses griefs contre le Kremlin sur la Transnistrie, ou la Géorgie.

Imaginons une nouvelle escalade de la violence dans le Caucase du Sud. Prenons par exemple le Haut-Karabakh, en tenant compte du fait que l'Arménie est membre de l'OTSC, et par conséquent est en droit d'un point de vue juridique de compter sur l'aide des alliés. Après tout, Bakou n'a jamais écarté la possibilité d'une solution militaire du problème du Haut-Karabakh.

Dans quelle mesure le Kazakhstan ou le Tadjikistan, dont les contacts économiques avec Bakou se resserrent d'année en année, seront-ils prêts à soutenir à part entière l'Arménie. Il est à supposer que dans le cas d'un scénario négatif dans le Haut-Karabakh Erevan ne sera pas soutenu par tous les membres de l'Organisation.

Ajoutons à cela le fait que les pays d'Asie centrale sont réticents à s'impliquer dans les problèmes qui ne concernent pas leur région directement. Rappelons à quel point les voisins du Tadjikistan ont été actifs au début des années 90, et comparons avec la passivité des membres de la CEI pendant l'opération de maintient de la Pais en Abkhazie en 1994-2008, formellement sous le mandat de la CEI, et non pas de la seule Russie.

Le Traité de sécurité collective a été signé le 15 mai 1992 principalement en raison de l'escalade de la tension à la frontière tadjiko-afghane. Initialement, il avait un fort "accent" régional

centre-asiatique. Et au cours des vingt dernières années, cette dominante géopolitique s'est dans l'ensemble maintenue.

Deux tuyaux valent mieux qu'un?

Les alliés du Kremlin de la "Proche-CEI" (c'est ainsi qu'on pourrait appeler l'OTSC) ne sont pas prêts à entrer en confrontation avec l'Occident.

Comme a déclaré un haut fonctionnaire influent kazakh, "deux tuyaux valent toujours mieux qu'un seul". Et pour cela la philosophie, répandue dans certains milieux en Russie, du "choix entre la Russie et l'Оccident" n'est pas applicable à la réalité.

Tous les membres de la CEI, y compris la Biélorussie et l'Arménie, ont leurs propres intérêts en Occident et leurs propres attentes de l'Union européenne et des Etats-Unis (notamment Erevan qui a conscience de la force du lobby arménien à Washington et à Paris). Par conséquent, directement ou indirectement les membres de l'OTSC chercheront par tous les moyens d'éviter de jouer le rôle d'"alternative à l'Otan", en optant pour la diversification de la politique étrangère et de défense. Même l'Abkhazie semi-reconnue ne ferme pas la "porte turque", en prenant en compte la nombreuse diaspora turque dans ce pays (et sachant que la Turquie possède la deuxième armée de l'Otan).

En Arménie cette approche est appelée "politique du complémentarisme". Le Kazakhstan, le Tadjikistan, l'Ouzbékistan et même le Kirghizstan suivent plus ou moins cette ligne politique.

Il ne sera pas facile de trouver un compromis entre Washington et Moscou sur plusieurs questions sécuritaires, aussi bien en Eurasie, qu'en dehors. Et il sera très certainement impossible de le faire à court terme. Mais beaucoup de questions stratégiques, telles que la sécurité nucléaire, la prolifération des armes de destruction massive, l'Iran, la Corée du Nord, le Moyen-Orient et l'Afghanistan, nécessitent des efforts conjoints.

L'OTSC ne deviendra pas une "Otan eurasienne" à court terme. Mais elle doit tenter de jouer le rôle d'un outil efficace pour assurer la sécurité en Asie centrale.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

 

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