La Russie à DEFEXPO INDIA: l'éternel cinéma indien

© RIA Novosti . Valeriy YarmolenkoSalon international Defexpo India 2012 en Inde
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Le salon international Defexpo India 2012 a ouvert ses portes en Inde. A première vue, la visite des marchands d'armes russes sur le Sous-continent indien est cette année jalonnée d'échecs dans le contexte des progrès des producteurs occidentaux. Mais quelle est la position russe sur le marché indien du matériel militaire?

Le salon international Defexpo India 2012 a ouvert ses portes en Inde. A première vue, la visite des marchands d'armes russes sur le Sous-continent indien est cette année jalonnée d'échecs dans le contexte des progrès des producteurs occidentaux. Mais quelle est la position russe sur le marché indien du matériel militaire?

Les collectionneurs indiens

Le marché de l'armement indien est une histoire tellement à part, que même les marchés épiques des monarchies pétrolières du Golfe ne sont rien à côté. Si dans le Golfe on achète des armes à droite et à gauche pourvu que tout soit joli et cher, l'Inde fait la même chose avec une intention qui va très loin. Cette intention conduit lors d'une prise de décision d'achat à une pièce de théâtre avec une multitude d'acteurs, de la même manière que dans le cinéma indien.

Le dieu suprême dans le panthéon des militaires indiens est la diversification. En pratique, cela signifie que si les forces armées indiennes ne disposent pas à la fois de deux exemplaires relativement similaires de matériel militaire venant de pays différents, c'est une regrettable omission qu'il est nécessaire de combler de toute urgence. (Et les équipements qui seront installés à bord de ce matériel sont une autre question. Parfois la concertation de la composition de ce puzzle ressemble à une véritable conférence internationale.)

Un tel comportement n'est pas provoqué par l'avidité exotique orientale des successeurs des radjas ou la volonté typique pour cette région de "se pavaner devant les copains pour ne pas avoir honte." Progressivement, depuis des décennies, New Delhi met en œuvre une politique stratégique clairement formulée: acheter les modèles qui conviennent chez tous ceux qui peuvent les fournir, et en tirer les technologies. En revanche, contrairement à la Chine qui ne se gêne pas pour faire des copies pirates du matériel acheté, l'Inde respecte strictement les règles d'assemblage sous licence.

Toutefois, les conditions d'intégration locale de la production des composantes, la transmission des technologies et le réinvestissement des recettes du prestataire dans l'économie indienne entourant les contrats sont si nombreuses, qu'on aurait déjà envoyé tout autre client aller voir ailleurs et réfléchir à la place qu'il occupe dans le monde.

Mais le marché indien est si immense et si savoureux, que les entreprises d'armement mondiales se l'arrachent. Tout cela parce que le montant d'un contrat concret peut facilement atteindre plusieurs milliards, voire des dizaines de milliards de dollars.

Les échecs russes: une apparence

Ces derniers temps, il est difficile de qualifier de sereine l'atmosphère de la coopération militaro-technique russo-indienne. Les réclamations permanentes concernant la maintenance du matériel ne sont pas le pire: les Indiens sont des gens extrêmement exigeants. Mais il y a des retards sur toute une série de contrats.

Parmi ces derniers, il y a surtout des retards dans le domaine naval: la modernisation du porte-avions Admiral Gorchkov (destiné à devenir le porte-avions indien Vikramaditya) et la longue histoire de la location pour dix ans du sous-marin nucléaire Nerpa du projet 971 (qui s'est plus ou moins bien réglée quelques semaines auparavant).

L'année dernière, les constructeurs russes ont connu deux échecs douloureux dans les appels d'offres de l'Inde. L'hélicoptère russe Mi-28N s'est incliné face à l'américain AH-64D dans un appel d'offres pour 22 hélicoptères d'attaque. Et dans la compétition Medium Multi-Role Combat Aircraft (MRCA), un appel d'offres sur 126 chasseurs polyvalents destinés à remplacer au sein de l'armée de l'air indienne l'ancien MiG-21 soviétique, le MiG-35 russe n'a même pas tenu jusqu'à la finale en s'effaçant devant l'Eurofighter Typhoon et le Rafale français (ce dernier a finalement décroché le gros lot de plus de 10 milliards de dollars).

Les Américains sont devenus particulièrement actifs sur le marché indien ces deux dernières années. Le contrat sur les hélicoptères n'est qu'un épisode, sachant qu'il y a eu les fournitures d'avions P-8 Poseidon de patrouille maritime et de lutte anti-sous-marine, et les accords sur la production sous licence de turboréacteurs.

Chacun sa route, chacun son chemin

Cependant, ces faits ne cachent rien de plus que le penchant des Indiens pour la diversification des sources du matériel militaire, mentionnée précédemment. Le succès des Européens et le progrès des Américains contribuent effectivement à l'intensification de la concurrence en Inde, mais il serait prématuré d'y voir un problème pour les exportations d'armement russes.

Cette pratique n'a rien de nouveau. Pour son armée de l'air, New Delhi a acheté à la fois le chasseur-bombardier européen SEPECAT Jaguar et le MiG-27 soviétique. A la fin des années 1980, l'Inde (la première au monde après l'URSS) a reçu les MiG-29, et s'est parallèlement familiarisée avec les Mirages 2000 français.

New Delhi s'est toujours tenu et s'en tient strictement au cadre stratégique: l'équilibre des principaux acteurs se maintient. Le tableau est devenu un peu flou en raison de l'invasion agressive des marchands d'armes américains, qui ont décidé qu'ils étaient désormais les plus attendus ici, mais l'Inde les a rapidement remis à leur place.

Les tentatives de Lockheed Martin pour refourguer (il n'y a pas d'autre mot) une nouvelle version Super Viper de ses éternels F-16 ont été tuées dans l'œuf, ce qui est d'autant plus offensant que le Rafale français lui a été finalement préféré.

Même chose quand il s'est agit de prendre en marche le dernier train avec le chasseur de cinquième génération F-35: l'Inde a répondu à la proposition américaine qu'elle essaierait pour l'instant de développer elle-même un chasseur léger, et en ce qui concerne le chasseur lourd, elle a déjà signé un contrat pour le FGFA, la version d'exportation du T-50 russe.

D'ailleurs, les plans d'achat annoncés du FGFA (250 appareils) représentent actuellement plus du double des prévisions publiquement exposées par l'armée de l'air russe pour l'acquisition du T-50. Et en parallèle, la réalisation du contrat pour l'assemblage en Inde des chasseurs biplaces lourds Su-30MKI se poursuit. Rappelons qu'il s'agit du plus grand contrat de l'industrie aéronautique russe depuis l'effondrement de l'URSS. D'autant plus que l'histoire ne s'arrête pas là: hormis l'éventuelle fourniture d'appareils supplémentaires, la Russie est prête à proposer à l'Inde le Sukhoi Super-30 – version radicalement modernisée des nombreux Su-30MKI.

Et tout cela ne concerne que les avions. Dans le domaine du matériel blindé, les positions russes demeurent fortes: la tentative des Indiens de réaliser le "projet national" de char Ardjun n'apporte pas encore les résultats escomptés. Les T-72M1 soviétiques et les T-90S russes construits (et en construction) en Inde sous licence constituent la base des forces blindées indiennes.

D'ailleurs, au salon Defexpo India 2012 la délégation russe a présenté une nouvelle version modernisée du T-90, en la qualifiant de char "complètement nouveau." On sait que les généraux russes sont sceptiques quant à la nouveauté de ce char, leur attitude étant exprimée par le verdict formel ("dix-septième modernisation du T-72") et le refus d'augmenter ses achats pour moderniser le parc blindé des forces russes.

Mais, premièrement, ces arguments concernaient l'ancienne version des équipements et, deuxièmement, cela pourrait tout à fait intéresser l'Inde, qui construit après tout des T-90 d'une génération encore plus ancienne.

Sur le plan naval, la présence russe est également importante. Hormis les projets mentionnés de la modernisation du porte-avions Admiral Gorchkov et la location du sous-marin Nerpa, New Delhi commande en Russie des frégates de classe Talwar (projet 1135.6) et des chasseurs embarqués MiG-29K. Il convient également de mentionner le missile de croisière supersonique BrahMos conçu conjointement, qui sera en service non seulement dans la marine, mais également dans les unités de missiles de l'armée de terre.

La prochaine série est en approche

Les longues années productives du travail dans le cadre de la coopération militaro-technique avec l'Union soviétique, puis avec la Russie, ont formé parmi les militaires indiens un lobby relativement puissant et orienté sur l'approfondissement de cette coopération. Ce potentiel s'ouvre assez largement, et qui plus est, il est mutuellement avantageux.

En fait, La Russie fournit déjà à l'Inde tout ce qu'elle peut lui offrir de fiable et ce dont l'Inde a besoin. Les rares exceptions sont liées soit au lobby militaro-industriel indien, soit aux relations privilégiées avec d'autres pays.

Le marché des systèmes de défense antiaérienne de longue portée sera un bon exemple. L'Inde a volontiers acheté les systèmes sol-air soviétiques S-75 et S-125. Cependant, elle refuse aujourd'hui d'acheter les S-300PMU, conformes aux standards mondiaux de la défense antiaérienne de longue portée. Cela s'explique par deux facteurs: les "projets nationaux" dans les armes sol-air, et la coopération étroite avec Israël en matière de défense antiaérienne et antimissile.

Ainsi, le cinéma indien se poursuivra: New Delhi laisse entrer sur son marché tous ceux qu'elle juge dignes, mais les laisse partir avec beaucoup de réticence, et également veille jalousement à ce que personne ne forme de monopole.

Dans ce sens, on peut difficilement surestimer les capacités de la lutte concurrentielle avec les principaux fournisseurs mondiaux, que les armuriers russes pourraient assimiler sur ce marché oriental.

 

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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