Les USA en Afghanistan, le facteur humain contre la stratégie

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Les autorités américaines prennent l’affaire du meurtre de 16 civils en Afghanistan "aussi sérieusement que s'il s'agissait de leurs propres ressortissants et enfants", a déclaré le président Barack Obama. Cependant, il a affirmé que sa politique ne changerait pas. Cette politique implique que les Etats-Unis poursuivront le retrait progressif des troupes du pays. Ce processus a commencé l’été dernier et devrait se terminer en 2014.

Les autorités américaines prennent l’affaire du meurtre de 16 civils en Afghanistan "aussi sérieusement que s'il s'agissait de leurs propres ressortissants et enfants", a déclaré le président Barack Obama. Cependant, il a affirmé que sa politique ne changerait pas. Cette politique implique que les Etats-Unis poursuivront le retrait progressif des troupes du pays. Ce processus a commencé l’été dernier et devrait se terminer en 2014.

A l'issue de cette période, l’armée et les services de sécurité afghans devraient être capables d’assurer la stabilité du pays par leurs propres moyens. Selon la déclaration d’Obama, le retrait des troupes ne sera pas accéléré, et tout doit suivre le planning établi.

Les derniers événements, et avant le meurtre de civils afghans par un soldat américain, l’autodafé d'exemplaires du Coran sur la base militaire de Bagram avait déjà soulevé une vague d’indignation, risquent de faire capoter toute la stratégie de conduite difficilement élaborée des Etats-Unis en Afghanistan.

Initialement, depuis la campagne électorale, Obama faisait la différence entre les deux conflits, dont il avait hérité. L’Irak, auquel le futur président s’opposait déjà lorsqu’il était sénateur, était considéré comme une aventure de George W. Bush, une guerre inutile (ou "guerre de choix", une formulation à la mode), et l’Afghanistan, au contraire, une "guerre de nécessité." Tacitement, cela signifiait que la fin du séjour en Irak serait le succès du premier mandat de Barack Obama, et la fin de la campagne afghane symboliserait son second mandat.

Objectif numéro 1 a été atteint. Fin 2011 les troupes américaines ont quitté l’Irak. Le second objectif est prévu pour 2014, selon la tactique irakienne. Pour commencer, le contingent a été élargi - en 2009 il a été décidé d’envoyer 30.000 soldats supplémentaires. Puis il est réduit progressivement depuis 2011.

Cette approche, qui a commencé à être mise en œuvre en Irak à l’époque de Bush en 2007, a fonctionné: la violence a pu être maîtrisée, le processus politique dans ces conditions est devenu plus efficace, et en 2010, lorsque les principales unités américaines ont quitté l’Irak, une structure stable qui ne s’effondrera pas immédiatement a été mise en place.

En ce qui concerne l’Afghanistan, l’application de cette tactique dans ce pays a été remise en question depuis le début. Avant tout, parce qu’en dépit des différends intérieurs importants et du chaos qui ont régné en Irak pendant longtemps après l’effondrement du régime de Saddam Hussein, ce pays était une société bien mieux organisée et structurée que l’Afghanistan. Et il était possible de s’appuyer sur quelqu’un, au moins de manière conjoncturelle.

La situation sociopolitique afghane rappelle plutôt un marais – le sol se dérobe sous les pieds à chaque tentative de prendre appui. Si en Irak il était possible de compter au moins sur la loyauté temporaire et la tenue des engagements, ce n’est pas le cas en Afghanistan.

Néanmoins, une certaine amélioration de la situation opérationnelle grâce à l’augmentation du contingent a été constatée, du moins à en juger par les rapports des militaires. Mais la situation est bien pire en ce qui concerne la composante politique – le gouvernement afghan n’est pas considéré comme légitime et n'a pas le sentiment de l'être.

Et on ne voit aucune coalition solide avec laquelle il serait possible de négocier sur la future structure politique. Même les talibans sont une force qui est loin d’être monolithique, avec laquelle on pourrait un jour trouver un terrain d’entente et compter sur le respect des engagements pris.

Toutefois, l’expérience irakienne est également controversée. La stabilité ne s'est pas effondrée, mais la redistribution intérieure du pouvoir au profit des chiites et, par conséquent, la hausse de l’influence iranienne sont évidentes. D’ailleurs, Bagdad est pratiquement l’une des seules capitales arabes à adopter une position réticente sur la question syrienne.

Dans l’ensemble, la stratégie américaine est confrontée à de sérieuses difficultés, mais le mal est venu d’ailleurs, ce qui, en principe, est assez logique. Même le meilleur plan peut échouer à cause du facteur humain, et c’est bien ce qui semble se produire en Afghanistan.

L’autodafé d'exemplaires du Coran est une preuve purement technologique et non pas symbolique de l’incompréhension totale de la spécificité de la situation, à la différence du cas du pasteur fou de Floride. Et l’assassinat de civils est le résultat d'une dépression nerveuse, dont la répétition est inévitable plus les troupes restent sur le territoire.

Les Etats-Unis mènent une guerre d’apparence coloniale très loin de leurs frontières sans pour autant être un empire. On comprend de moins en moins la raison de leur présence en Afghanistan, car la mission de cette guerre, visant à détruire l’infrastructure d’Al-Qaïda, a été remplie fin 2001. On ignore si l'édification d'un Etat-nation est possible en Afghanistan, et même si elle est possible, alors durant la majeure partie de la décennie on a employé des méthodes inefficaces pour y parvenir.

L’idée du début du siècle selon laquelle les Etats-Unis sont capables de façonner des régimes démocratiques stables là où le contrôle est nécessaire est obsolète depuis longtemps et reconnue comme erronée. Cependant, l’administration américaine ne voit pas comment surmonter son héritage sans aggraver la position des Etats-Unis dans le Grand Moyen-Orient déjà déstabilisé par les événements de l’année dernière.



L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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