L'URSS enterrée par des fossoyeurs aux intentions douteuses

© RIA Novosti . Yuri Ivanov / Accéder à la base multimédiaLa rencontre dans la forêt de Belovejskaïa en Biélorussie
La rencontre dans la forêt de Belovejskaïa en Biélorussie  - Sputnik Afrique
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Il y a 20 ans, le 8 décembre 1991, s’est tenue la rencontre entre le Russe Boris Eltsine, l’Ukrainien Leonid Kravtchouk et le Biélorusse Stanislav Chouchkevitch qui a mis un terme à l’existence de l’Union soviétique. Etant donné que le géant soviétique a connu une morte lente et douloureuse, les gens datent la fin de l’URSS différemment.

Il y a 20 ans, le 8 décembre 1991, s’est tenue la rencontre entre le Russe Boris Eltsine, l’Ukrainien Leonid Kravtchouk et le Biélorusse Stanislav Chouchkevitch qui a mis un terme à l’existence de l’Union soviétique. Etant donné que le géant soviétique a connu une morte lente et douloureuse, les gens datent la fin de l’URSS différemment. Certains se souviennent de la perestroïka et de Mikhaïl Gorbatchev: il a brisé la colonne vertébrale du PCUS qui soutenait l’Etat soviétique. D’autres parlent de la "parade des souverainetés", lorsque les républiques soviétiques proclamaient l’une derrière l’autre leur indépendance par rapport au centre. D’autres encore parlent du putsch du Comité d'Etat pour l'état d'urgence en août 1991.

Je n’ai l’intention de contester aucune des versions mentionnées, car je suis convaincu que chacun de ces événements a réellement contribué à l’effondrement de l’Union soviétique.

Tout comme avant cela l’Etat socialiste était progressivement tué par les gérontocrates du Kremlin, la malheureuse campagne afghane ou, en regardant plus loin dans le passé, le fait que la première frappe fatale a été infligé au pays des Soviets par Lénine en vidant de son sens l'essence même de la structure de l’Etat – les Soviets. Les Soviets d'ouvriers et de paysans ont été d’abord subordonnés à la volonté d’une seule classe, le prolétariat, puis à la volonté du seul parti des bolcheviks, puis au Comité central de l’unique parti du pays, et plus tard aux décisions du Politburo, et à l’époque de Staline carrément à la volonté d’un seul homme et de la nomenklatura dans l’ensemble.

Tout cela est juste, mais revenons à l’année 1991 fatidique pour l’URSS. Gorbatchev, et il n’est pas le seul, est toujours convaincu que malgré tout l’Union pouvait être réanimée en signant un nouveau traité de l’Union. Cependant, la rencontre dans la forêt de Belovejskaïa en Biélorussie où se sont réunis les trois dirigeants a empêché de le faire. L’Etat, comme un être humain, peut perdre sa vie goutte par goutte, mais la dernière de ces gouttes est la plus importante pour l’histoire, et c’est la raison pour laquelle il ne faut pas rejeter la version de Mikhaïl Gorbatchev. Il faut également l’étudier.

Pour commencer, écoutons Sergueï Chakhraï, l’un des conseillers juridiques de Boris Eltsine à l’époque: "La question de la conservation de l’Union n’était plus pertinente… Le 8 décembre a été signé son certificat de décès. Les leaders des trois républiques soviétiques qui se sont réunis dans la forêt de Belovejskaïa ont accompli le rôle du médecin qui signe le certificat de décès pour le délivrer aux proches d’un défunt… Et il est absurde d’accuser le médecin qui constate le décès d’avoir tué le patient."

Absurde? Peut-être. Mais seulement à condition qu’au moment de la délivrance du certificat de décès le patient soit réellement mort, et que la pureté des intentions des médecins de Belovejskaïa (Eltsine, Kravtchouk et Chouchkevitch) ne fasse pas l’ombre d’un doute. Mais c’est là que les problèmes commencent. Tous les "médecins légistes" venus dans la forêt de Belovejskaïa étaient trop intéressés par le décès rapide du patient, ainsi il serait naïf de les croire aveuglement. Rappelons que Boris Eltsine cherchait à réaliser son rêve de longue date, c’est-à-dire évincer Gorbatchev, car à partir de ce moment il pourrait faire avec la Russie ce qu’il voudrait. Leonid Kravtchouk a reçu l’Ukraine indépendante et surtout très riche, et la part du gâteau de Stanislav Chouchkevitch n’était pas négligeable non plus.

D’autant plus que plusieurs points de l’accord de Belovejskaïa sont sujets à caution. Premièrement, la confidentialité de la réunion rappelait singulièrement un complot. Evidemment, il fallait tromper la vigilance du président de l’URSS. Mais pas seulement. Il est à noter que le "trio" voulait également inviter le Kazakh Noursoultan Nazarbaïev à sa réunion, cependant, selon Guennadi Bourboulis (à l’époque secrétaire d’Etat de Russie), il ne l’a pas fait, craignant qu’il prévienne Gorbatchev.

Il est primordial de noter l’époque lorsque la préparation de l’effondrement de l’Union a commencé. Voici un extrait de l’interview de Guennadi Bourboulis accordée au journaliste canadien Max Roiz en 1991.

Max Roiz: "J’avais constamment le sentiment que Bourboulis ne partageait pas l’euphorie générale et que la Russie était réticente à signer le traité de l’Union: les négociations de Novo-Ogarevo étaient une manœuvre tactique afin de gagner du temps… Un an plus tard à Arkhangelsk nous avons à nouveau soulevé cette question. Bourboulis m’a dit qu’il était encore trop tôt pour révéler tous les détails qui avaient précédé l’effondrement de l’URSS, mais j’ai tout de même décidé de publier l’enregistrement de notre conversation qui présente, selon moi, un intérêt aujourd’hui même.

Moi: Quand les premiers contacts ont-ils commencé [avec les dirigeants des autres républiques soviétiques]?

Bourboulis: En novembre 1990. A Moscou, indépendamment [du gouvernement] de l’Union, a été signé le premier accord bilatéral entre la Russie et le Kazakhstan. Je considère cet événement comme remarquable, car c'est à cette époque que la première brèche a été percée. Puis en février 1991 […] le premier essai de rencontre quadrilatérale a eu lieu: Russie-Ukraine-Biélorussie-Kazakhstan… Et nous avons décelé une graine stimulante dans cette assemblée que nous avons commencé à cultiver… Or, à l’époque il s’est avéré que l’idée [de l’effondrement de l’URSS] était réalisable uniquement pour le groupe limité à trois républiques (Russie, Biélorussie, Ukraine - ndlr)… Nazarbaïev constituait un problème." Et nous avons déjà dit ci-dessus quel était ce problème: il risquait de tout dévoiler à Gorbatchev.

Ainsi il est clair que nos médecins légistes se préparaient en secret à signer le certificat de décès de l’URSS bien avant de se réunir dans la forêt de Belovejskaïa. Alors si ce n’est pas un complot, qu’est-ce que c’est?

Et le dernier extrait de la même interview de l’ancien secrétaire d’Etat russe est un aveu: "L’opération brillante et surtout sans effusion de sang de destruction de l’empire n’a pas provoqué la joie des patriotes bornés mais une haine animale à l’égard de celui qui l’a mise en œuvre. Pour ceux qui ne connaissent pas le nom de cet homme, il s'agit de Guennadi Bourboulis."

Je ne me considère pas comme un patriote borné, et pour cette raison je n’éprouve pas de haine animale à l’égard de Bourboulis. D’autant plus que je rejoins son évaluation historique: l’Union soviétique vieillissante était incapable de survivre. En revanche, l’URSS n’avait demandé à être euthanasiée à aucun des participants à l’enterrement de Belovejskaïa. Je suis convaincu que l’URSS serait morte sans l’aide de personne, mais de manière plus civilisée. D’ailleurs, Gorbatchev ou le peuple soviétique n’ont pas été les premiers à apprendre le décès de l’URSS. Le premier à qui Boris Eltsine s’est empressé d’annoncer la nouvelle était George Bush. Et cette action, comme le reconnaît le président américain lui-même, l’a mis dans une situation très inconfortable.

Quant à la vantardise douteuse de Bourboulis, elle n’améliore guère son image. Et il est loin d’être le premier parmi les prétendants au rôle de fossoyeur de l’URSS. Il fait partie des cent premiers.

Bref, impatients de s’asseoir chacun sur son trône, Eltsine, Kravtchouk et Chouchkevitch ont seulement précipité la mort de l’Union soviétique. Sachant qu’elle serait décédée de sa belle mort de toute façon.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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