Le putsch d'août 1991 pouvait-il réussir?

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Le vingtième anniversaire de la tentative de coup d’Etat, entreprise par le Comité d’Etat pour l’état d’urgence autoproclamé, est l'occasion de se poser une nouvelle fois la question suivante: la tentative aurait-elle pu réussir?

Le vingtième anniversaire de la tentative de coup d’Etat, entreprise par le Comité d’Etat pour l’état d’urgence autoproclamé, est l'occasion de se poser une nouvelle fois la question suivante: la tentative aurait-elle pu réussir? Et quelle serait l’histoire de l’Union soviétique dans ce cas? Bien qu’on dise qu'en histoire le conditionnel passé soit banni, le retour périodique de la société aux mêmes questions montre que ces dernières sont loin d'être oiseuses.

Les structures gouvernementales héritées après 28 ans de règne de Staline (1925-1953), ont si peu changé jusqu’à la fin des années 1980 qu’elles sont devenues un fait établi immuable pour plusieurs générations. Beaucoup ressentent toujours l’absence de ces structures comme un vide, quelque chose d’anormal.

Le Comité pour l’état d’urgence a précisément tenté d’exploiter ces structures (KGB, PCUS, ministères de l’Union). Mais il s’est avéré qu’elles s’étaient dégradées et ne fonctionnaient plus. Les années de Staline et de Brejnev ont développé un type particulier de fonctionnaire soviétique : sans initiative, sans idées, incapable de prendre seul une décision, même pour sauver la structure qui le nourrissait. Au final, il s’avère aujourd’hui que le Comité pour l’état d’urgence avait échoué avant même le début de la bataille.

Un nouveau remède dangereux

Les membres du Comité pour l’état d’urgence n’étaient pas des imbéciles ou des dogmatiques fanatiques. Le message adressé au peuple soviétique, énonçant les principaux objectifs du Comité, était dépourvu des mots "communiste", "socialiste" ou même "socialisme". Le cerveau de la conspiration, le président du KGB de l’époque Vladimir Krioutchkov a participé à la répression de la révolte contre les communiste en Hongrie en 1956. Il était conscient que le peuple hongrois en 1956 et le peuple soviétique en 1991 rejetaient le communisme au profit de la stabilité qui aurait permis de réduire progressivement l’écart de niveau de vie avec les pays occidentaux.

Un habitant moyen de l’ex-URSS pourrait tomber d’accord avec certaines idées du Comité, aussi bien à l’époque qu’aujourd’hui (" la spéculation cynique sur les sentiments nationaux n’est qu’un voile pour satisfaire ses ambitions", " les préfectures et les mairies remplacent les Soviets et d’autres organismes du gouvernement élus par le peuple", etc.). Les qualificatifs peu flatteurs concernant la politique de Gorbatchev employés par les auteurs du message coïncident dans l’ensemble avec les impressions restées dans la mémoire de la population : "La politique réformiste lancée sur l’initiative de Mikhaïl Gorbatchev… a été un échec pour de nombreuses raisons… L'abondance de mots, les montagnes de déclarations et de promesses ne font que souligner l’état déplorable des affaires dans la pratique".

De tels passages ont certainement déplu à Gorbatchev. La version de son implication secrète dans le complot (activement soutenue pendant l’enquête par les membres du Comité pour l’état d’urgence, ainsi que par Boris Eltsine pendant les premières journées du putsch) a probablement le droit de citée, mais avec beaucoup de réserves.

"Faites ce que vous voulez, allez-y! ", qui serait l'instruction de Gorbatchev donnée aux membres du Comité pour l’état d’urgence qui sont venus le voir le 18 août 1991 à Foros (Crimée), ne ressemble pas à un mot d’ordre. Mais plutôt au consentement d’un malade condamné acceptant d'essayer un nouveau médicament dangereux, mais sans réelle conviction, juste pour tenter de garder le pouvoir.

En réalité, à l’époque il ne fallait pas préserver le pouvoir mais le restituer aux structures de l’Union.

Un modèle fiscal calqué sur le moyen âge

7 sur les 15 républiques soviétiques n’ont pas participé au référendum pour le maintien de l’URSS, auquel se référaient les membres du Comité pour l’état d’urgence.

Le Traité de Nouvelle Union, dont la signature était prévue pour le 20 août 1991 (empêchée par le Comité), devait également être signé par les 8 républiques, qui avaient participé au référendum du 17 mars 1991. D’ailleurs, quatre républiques promettaient de le faire plus tard, en automne.

De nombreuses républiques, y compris la Russie, ont commencé à instaurer leurs propres lois établissant la suprématie des lois républicaines sur celles de l’Union. Pour cette raison, l’entité gouvernementale qui devait voir le jour le 20 août 1991 devait s’appeler Union des républiques souveraines.

Autre point important : la Russie, dirigée par le président nouvellement élu Boris Eltsine, qui avait accepté de signer le Traité, exigeait l’inclusion à ce document d'une disposition portant sur le système à un canal de perception des impôts. Conformément à ce système, tous les impôts sur leur territoire les républiques collectaient elles-mêmes, puis une partie des fonds était transmise au centre fédéral. Pendant les négociations de Novo-Ogarevo début 1991, Gorbatchev n’est pas parvenu à séparer dans le nouveau traité les impôts en locaux et fédéraux – ce système est actuellement en vigueur en Russie.

"Un tel système à un seul canal de perception des impôts n'existait qu'au Moyen Âge dans le Saint-Empire romain germanique. Et cet empire n’a pas vécu longtemps avec un tel système. C’était la mort de l’Etat fédéral", a déclaré le défunt Evgueni Sabourov, ancien directeur scientifique de l'Institut fédéral de développement de l'enseignement, qui occupait en août-novembre 1991 le poste de vice-président du Conseil des ministres de la Fédération de Russie. Par la suite les structures de l’Union se sont atrophiées avant même la signature du Traité de Minsk en décembre 1991 (qui a donné naissance à la Communauté des Etats indépendants) – les républiques n’avaient tout simplement pas transféré d’argent pour leur entretien…

Ainsi, il s’avère que le putsch de 1991 était en réalité la dernière tentative désespérée des structures soviétiques pour récupérer leur pouvoir perdu.

Les plans et leur mise en œuvre

En fait, le Comité pour l’état d’urgence représentait une partie de l’élite soviétique de l’époque – la partie qui n’avait pas encore réussi à échanger les sièges de l’Union contre des sièges républicains, les sièges du parti au profit de sièges d’Etat. Toutefois, certains représentants de cette élite ont plus tard trouvé leur place dans les nouvelles structures gouvernementales.

Vassili Starodoubtsev, membre du Comité, a été nommé dans les années 90 gouverneur de la région de Toula. Le général Boris Gromov, qui a signé à quelques jours de la tentative de coup d’Etat un appel empreint d'un esprit très putschiste, publié dans Sovetskaïa Rossia,  occupe actuellement le poste de gouverneur de la région de Moscou.

Evidemment, ces personnes n’ont pas instauré le communisme dans les entités fédérales – la vie les a contraints à suivre les règles de la nouvelle économie. Ainsi, au niveau régional la nature utopique du projet du Comité visant à "restaurer la dignité du peuple soviétique" a été prouvée une nouvelle fois.

Toutefois, les plans des adversaires du Comité pour l’état d’urgence (former au lieu de l’URSS des confédérations des Etats démocratiques avec des économies de marché modernes) n'ont pas non plus vu le jour. Il est aussi stupide d’ignorer l’histoire que d’espérer revenir complètement au mode de vie habituel d’antan.

Certains plans du Comité ont même été mis en œuvre, bien que ce soit sous une autre forme et plusieurs années plus tard. Ainsi, les documents internes du Comité pour l’état d’urgence montraient que ces dirigeants accordaient beaucoup d’attention à la "refonte" de la télévision.

Par ailleurs, il n’était pas prévu d’inviter à la télévision de nouveaux journalistes. On misait plutôt sur des présentateurs populaires. Ils devaient adhérer à la "nouvelle politique" après la levée de la censure totale, instaurée le 19 août 1991. Les membres du Comité ne doutaient pas de la loyauté des récents "concepteurs de la perestroïka", en pensant qu’après s’être lamentés un certain temps ils y arriveraient. L’expérience a montré que ce plan était tout à fait réalisable.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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