Syrie: ramadan sous haute tension

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"Le début du mois du ramadan coïncidera avec l’intensification des protestations en Syrie. Ces journées seront décisives", a déclaré aujourd’hui le célèbre membre de l’opposition syrienne Radwan Ziadeh à l’auteur de ces lignes.

"Le début du mois du ramadan coïncidera avec l’intensification des protestations en Syrie. Ces journées seront décisives", a déclaré aujourd’hui le célèbre membre de l’opposition syrienne Radwan Ziadeh à l’auteur de ces lignes. M. Ziadeh était à la tête de la délégation de l’opposition syrienne venue pour la première fois à Moscou fin juin. Il vit à Washington mais entretient des contacts permanents avec ses compagnons d'idées en Syrie, ses affirmations étant donc dignes de crédit. Le militant syrien des droits de l’homme Ammar al-Kurbi rejoint son avis : "Pendant le ramadan, beaucoup de personnes viennent prier le soir. Ensuite, les gens manifesteront, et ce tous les jours".

Les manifestations en Syrie se dérouleront le soir

Cette année, le mois de ramadan commence lundi 1er août. Ainsi, à partir de la semaine prochaine, il fera très chaud dans tous les sens du terme dans beaucoup de pays arabes et en particulier en Syrie, en raison de la tension croissante entre les autorités et l’opposition. Les mosquées sont depuis longtemps devenues les bastions des humeurs protestataires. Ce n’est pas par hasard  dans le monde arabe, les affrontements les plus violents ont lieu le vendredi. En ce jour de repos, les arabes vont à la mosquée, prient, écoutent le sermon, discutent des problèmes et vont manifester.

Bien sûr, ce n’est pas toujours le cas. En temps de paix, les croyants prient calmement et rentrent chez eux. Le mois du ramadan est généralement le plus calme de l’année. Pendant le ramadan les arabes jeûnent : ils ne mangent pas, ne boivent pas, même de l’eau, ne fument pas et n’ont pas de relations sexuelles. L’interdiction est en vigueur pendant la journée. Pour cette raison les gens sont léthargiques et somnolents. Mais lorsque le Soleil se couche, après la prière, ils rompent le jeûne, généralement dans une ambiance festive: par exemple en dînant à la maison ou au restaurant où ils invitent leurs amis et les proches. Ce scénario se répète chaque jour pendant un mois.

Et bien que personne ne soit dispensé de travailler, il s’avère que le ramadan est un jeûne, ou une fête ou un jour férié durant 30 jours. En fait, comme l’a expliqué hier Mohamed vivant à Damas, "pendant le ramadan, c’est vendredi tous les jours. Je voudrais que ces vendredis durent jusqu’à ce qu’on obtienne ce que l’on veut".

Il a raconté que chaque vendredi, il participe aux manifestations visant à obtenir la démission du président al-Assad. Et à partir de la semaine prochaine, Mohamed y participera tous les jours : "pendant la journée nous allons probablement organiser des protestations, mais ce sera des actions de faible ampleur. Les principaux événements auront lieu le soir".

Guerres et exécutions malgré le jeûne

Cette année est révolutionnaire dans la région. Le ramadan pourrait également être inhabituel : ce ne serait plus le mois le plus calme de l’année, mais le plus tumultueux, bien que cela semble difficile après les événements survenus depuis le début de l’année. Les discussions affirmant que le mois du ramadan est une période de réconciliation et de prière se transforment en contes de fées. L’idée que pendant cette période, les arabes hibernent comme les ours s’avère fausse. Et bien qu’on m’ait appris que pendant le jeûne les musulmans cessent les affrontements et font preuve de miséricorde envers autrui, en réalité ce n’est pas toujours le cas. Le monde arabe a foncièrement changé et tout se passe différemment.

Ainsi, le commandement de l’OTAN a déjà déclaré qu’il poursuivrait et même activerait les opérations militaires en Libye, malgré le ramadan. Parmi les membres de l’Alliance qui participent au conflit libyen, seule la Norvège a décidé de se retirer du théâtre d’opérations à partir du 1er août. Toutefois, cette décision n’est liée au ramadan, ni aux récents attentats à Oslo. Cette décision a été prise dès juin, car l’armée norvégienne n’avait pas prévu de participer aux opérations pendant une période aussi longue. Les chasseurs norvégiens bombardent la Libye depuis fin mars.

Le ramadan sera également mouvementé en Egypte. Le procès du président Hosni Moubarak, renversé et gravement malade, de ses deux fils et de l’ancien ministre de l’Intérieur, est prévu au Caire le 3 août. Quel que soit le scénario (que le procès ait lieu ou qu’il soit reporté), on s’attend à de nouvelles manifestations. Et en Irak, l’exécution de six proches de Saddam Hussein est également prévue en août. Parmi les condamnés à la peine capitale, l’ancien vice-premier ministre Tarek Aziz et l’ex-ministre de la Défense Sultan Hashim Ahmad al-Tai. Cela ne ressemble pas à un mois de réconciliation.

Comment les pilotes arabes ont enfreint le jeûne

Inutile d’énumérer tous les foyers possibles de tension. L’instabilité a envahi l'ensemble du monde arabe. Toutefois, il serait exagéré de dire qu’il s’agit du premier ramadan de ce genre dans l’histoire contemporaine du Moyen-Orient. Par exemple, une grande guerre entre les arabes et les Israéliens a éclaté pendant le ramadan. L’Egypte et la Syrie ont lancé les opérations militaires le 6 octobre 1973 afin de récupérer les territoires occupés par Israël. Ils avaient sciemment choisi le mois du ramadan.

Les Israéliens ne s’attendaient pas à une guerre. Leur renseignement n’a pas pris au sérieux les préparatifs militaires. L’Etat juif estimait que les arabes ne voudraient pas faire la guerre pendant le ramadan. Voici ce qu’a déclaré le général défunt Vadim Kirpitchenko qui a en 1973 travaillait pour le renseignement soviétique au Caire : "Le stratagème a fonctionné. C’était le mois du ramadan pour les arabes, et le Yom Kippour en Israël". Selon le récit du général, "concernant le jeûne, les arabes ont même eu des conflits avec des conseillers militaires soviétiques, qui affirmaient que le pilote d’un avion supersonique ne pouvait voler à jeun.
Ils insistaient pour que les pilotes arabes se nourrissent normalement".

Le ramadan de 1973 a également été marqué par la guerre violente, l’augmentation considérable des prix de pétrole et les longues files d’attente aux stations service en Occident. Le ramadan 2011 pourrait s'avérer tout aussi inoubliable.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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