Le Conseil Russie-OTAN vaut-il les déplacements à Bruxelles

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Les signes de l’échec de la dernière réunion du Conseil Russie-OTAN au niveau ministériel étaient visibles bien avant la session du 8 juin. La Russie voulait obtenir des assurances sur une question qui ne dépend pas tellement de l’OTAN: le système de défense antimissile (ABM) européen.

Les signes de l’échec de la dernière réunion du Conseil Russie-OTAN au niveau ministériel étaient visibles bien avant la session du 8 juin. La Russie voulait obtenir des assurances sur une question qui ne dépend pas tellement de l’OTAN: le système de défense antimissile (ABM) européen. Etant donné que l’idée appartient exclusivement aux Etats-Unis, il conviendrait de discuter du nouveau bouclier antimissile de l’Europe avec Washington. Au sommet de Deauville, les présidents Dmitri Medvedev et Barack Obama ont soulevé cette question en marge du forum. Mais sans aucun résultat. Ainsi, il était naïf de s’attendre à un progrès à Bruxelles.

Il est de toute façon préférable de discuter avec la Maison blanche de tout changement radical dans la position de l’OTAN ou dans ses relations avec qui que ce soit. Toute la futilité de ce genre de négociations dans le format regroupant tous les membres de l'OTAN a suscité l’irritation non dissimulée du ministre russe de la Défense Anatoli Serdioukov lors de sa rencontre avec les journalistes. M. Serdioukov avait peu de nouvelles choses à dire par rapport à ce qu’avait déclaré le président Medvedev à Deauville. Par contre, l’irritation était plus forte. C’est normal: l’étiquette ministérielle permet ce que le statut présidentiel empêche de faire.

M. Serdioukov a déclaré qu’aucun différend fondamental n’avait été réglé, et qu’on ne parvenait ni à formuler "l’objectif final de la coopération", ni à "déterminer la forme et l’architecture de la création de l’ABM." Par ailleurs, les Etats-Unis et l’OTAN refusent de garantir que l’ABM européen ne sera pas dirigé contre la Russie en signant un document juridique contraignant. D’où la conclusion suivante: si cela continue, il faudra se préparer à une nouvelle course aux armements.

A Deauville, Dmitri Medvedev a fixé le "jour J" pour 2020. A cette période la construction de l’ABM européen échelonné conçu par les américains sera terminée. Les missiles américains seront en mesure d’atteindre l’Oural. Et personne n’a encore pris la peine d’expliquer, pourquoi le lien entre les armes défensives et offensives dans l'équilibre stratégique se rompt aussi facilement. Ou pourquoi l’OTAN rejette la proposition tout à fait raisonnable de la Russie de créer un système conjoint. Après tout, la Russie fait également partie de l’Europe.

Bruxelles: l'occasion pour Moscou de critiquer la position des USA

Dans l’ensemble, le ministre russe a utilisé le Conseil comme une plateforme pour s’adresser à l’OTAN, notamment aux pays de l'Alliance qui ne sont pas convaincus de l’intérêt d’un ABM européen isolé, sans la participation de la Russie.

Même au sein de l’OTAN, certains membres ne veulent pas contrarier la Russie et l'amener à mettre à exécution sa menace en déployant des antimissiles à Kaliningrad ou quelque part sur sa frontière Ouest.

Le ministre russe ne l’a pas vraiment dissimulé. "Il s’agit de la position des Etats-Unis, il existe plusieurs pays (de l’OTAN) qui expriment leur préoccupation. Nous pourrions bénéficier de leur soutien", a déclaré Serdioukov.

La Russie devrait être la première à craindre une nouvelle course aux armements. Car elle devra y participer seule, et non pas avec un groupe de 28 pays. Ce qui est plus difficile et dispendieux.
Ce qui se passe au sein du Conseil Russie-OTAN soulève la question suivante: ce Conseil vaut-il les déplacements des fonctionnaires russes à Bruxelles? En prenant les devants, il faut dire que dans l’ensemble, il les vaut. Mais il faut le remodeler et travailler sur un pied d’égalité, et non pas comme un perdant avec un gagnant, comme c’est actuellement le cas.

Il conviendrait de se rappeler que lorsque la Russie et l’OTAN créaient ce Conseil, il semblait que le monde avait basculé, et qu’elles étaient devenues pratiquement des alliés. Tout le monde ne croyaient pas à ce genre de miracles, mais tout de même.

Difficile de fraterniser lorsqu’on flirte derrière ton dos

Lorsque le président russe de l’époque Vladimir Poutine s’est rendu au sommet de l’OTAN à Rome en mai 2002, où a été approuvé ledit Conseil, beaucoup de bonnes choses ont été dites: la Russie est un partenaire privilégié, nous avons des objectifs communs, nous serons des amis stratégiques. L’objectif principal du Conseil (tiré du site officiel) est d’être un "forum de consultations et un mécanisme permettant de parvenir à un consensus, de coopérer, d'élaborer des décisions et des actions conjointes sur toute une série de problèmes de la sécurité dans la région euro-atlantique." Tout cela est très sérieux.

Mais tout le problème réside dans le fait que depuis la création du Conseil Russie-OTAN, il n’a pas réussi à briser les stéréotypes stratégiques persistant depuis l’époque de la guerre froide. Aucune évaluation stratégique commune des menaces et des moyens de lutte contre ces menaces n’a été faite. On ne peut pas mettre dans ce panier l’évaluation du terrorisme, l’échange du savoir dans le domaine de la logistique, les séminaires sur les thèmes "le lien entre le crime organisé et le terrorisme", "l’intégration dans la vie civile des officiers à la retraite." Le Conseil Russie-OTAN n’est pas vraiment nécessaire pour ce genre de chose.

Il était difficile de fraterniser lorsque derrière le dos de la Russie l’OTAN flirtait sans cesse avec les membres potentiels de l’alliance recrutés parmi les anciennes républiques soviétiques: la Géorgie et l’Ukraine. D’ailleurs, ce flirt est loin d’être terminé.

Il s’est simplement calmé pendant la période de l’utilisation de la Russie en tant que "couloir afghan": en tant que pays de transit pour fournir les chargements de l’OTAN.
Parallèlement, l’OTAN s’adapte activement aux réalités contemporaines, se transforme d'organisation militaire en organisation militaro-politique, modifie ses fonctions en s’appropriant une partie des prérogatives de l’ONU, etc. En principe, tout est fait pour qu'elle garde sa raison d'être après la guerre froide et l’effondrement de l’URSS (l’Union soviétique était la principale raison de la création de l’OTAN).

Les responsabilités de l’Alliance ne se réduisent pas. Au contraire, elles ne cessent de se renforcer et s’étendent à de nouvelles régions. La Libye en est un bon exemple. Par sa disposition d’accepter de tels changements de responsabilités, la Russie contribue à renforcer la légitimation politique de l’Alliance militaire, une pure engeance de la guerre froide.

Le partenariat Russie-OTAN concerne de plus en plus de domaines. Dont, désormais, même la sécurité dans le métro. Il est étrange de constater qu’au lieu de fixer clairement le cadre de ce partenariat, la Russie et l’OTAN ne cessent de les élargir, pratiquement au-delà des limites du raisonnable.

 

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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