Le Japon porte un coup dur à l'énergie nucléaire mondiale

© Photo DigitalGlobeLa centrale nucléaire de Fukushima-1
La centrale nucléaire de Fukushima-1 - Sputnik Afrique
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La tragédie du tremblement de terre et du tsunami au Japon a atteint l’Europe et a porté un grand préjudice à la politique, aux politiciens, à leur avenir et à l’avenir de l’énergie nucléaire.

La tragédie du tremblement de terre et du tsunami au Japon a atteint l’Europe et a porté un grand préjudice à la politique, aux politiciens, à leur avenir et à l’avenir de l’énergie nucléaire. Disons-le tout de suite, cet avenir n’est pas remis en question. L’Europe ne possède aucune alternative énergétique. Mais désormais, après les événements au Japon, la nucléarisation de la grille énergétique du Vieux Continent sera plus difficile et plus onéreuse. Aussi bien financièrement que politiquement.

La Japon a tellement ébranlé les plans du nucléaire mondial, que son axe de développement se déplacera également (comme s’est déplacé l’axe de la Terre), sa rotation se ralentira, et beaucoup de projets échoueront, ou seront revus et reportés. Les destructions subies par trois centrales nucléaires japonaises (sur les 55) sont une sorte de nouvelle "ombre" de Tchernobyl planant au-dessus de l’Europe.

Certains premiers ministres et gouvernements européens sont déjà dans une situation inconfortable. Il s’agit de la chancelière allemande Angela Merkel, dans une moindre mesure de Nicolas Sarkozy et de la coalition conservatrice libérale en Grande-Bretagne. Même Silvio Berlusconi n’en mène pas large en Italie, où l’énergie nucléaire n’existait pas auparavant en tant que telle. Et désormais, cela pourrait être le cas pendant encore longtemps.

L’ombre de Tchernobyl

Il est difficile de s’imaginer une période plus "inappropriée" pour un cataclysme. L’Europe a seulement commencé à réaliser les plans d’augmentation de ses capacités en termes d’énergie nucléaire. Notamment pour diminuer sa dépendance vis-à-vis du gaz russe (ainsi sont formulés les plans énergétiques de la Commission européenne).

Or l’accident japonais a remis en question les fondements du nucléaire dans le monde. Et cela à environ un mois du le 25e anniversaire de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl (26 avril 1986): le principal repère et argument de toutes les protestations mondiales des écologistes, des verts, des partisans de l’énergie propre, etc. Les incidents dans les centrales japonaises de Fukushima-1 et Fukushima-2; les rejets de gaz radioactifs; l’anniversaire lugubre de Tchernobyl: curieuse coïncidence…

Dans le Sud de l’Allemagne, dès le lendemain du séisme japonais du 12 mars, les organisateurs de la manifestation antinucléaire près de la centrale de Neckarwestheim ont été agréablement surpris de voir que le nombre de participants était le double des prévisions et dépassait 50.000 personnes. Angela Merkel a convoqué lundi une réunion d’urgence du cabinet. Les élections se tiendront en mars dans trois Länder, puis dans cinq autres. Avant l’incident au Japon, la position d’Angela Merkel était déjà hésitante. Maintenant les adversaires de la chancelière exploitent l’incident nucléaire sur l’île de Honshu pour rappeler que cela pourrait arriver si Angela Merkel restait au pouvoir. Les arguments sont plus que convaincants: si les Japonais diligents, minutieux et respectueux des normes sécuritaires drastiques ne sont pas en mesure de s’assurer la sécurité, que dire de l’Europe?

En Grande-Bretagne, l’opposition antinucléaire avance des arguments similaires. En ajoutant des hypothèses concernant la probabilité de séismes dans leurs îles. Et de tsunami. Elle n’est pas grande, mais tout de même.

Il est difficile de fonder un avenir politique sur une terre antinucléaire aussi fertile, ainsi que de réaliser sans correction des plans énergétiques nucléaires.

"Combien d’autres avertissement faut-il avant qu’on comprenne que les réacteurs nucléaires sont dangereux de par leur nature?, demande le chef du service nucléaire de Greenpeace Jan Beranek. L’industrie nucléaire nous assure que rien de similaire à Tchernobyl ne peut se produire avec les réacteurs modernes, or le Japon se trouve précisément dans une situation nucléaire potentiellement catastrophique." Tous les experts nucléaires ne sont pourtant pas de cet avis.

Les Japonais devront effectivement répondre de beaucoup de choses et à de nombreuses questions. Le réacteur de la centrale Fukushima-1 est fiable et rien de comparable à Tchernobyl ne peut y arriver. Et les ingénieurs japonais ont effectivement tout fait pour empêcher un rejet important de radiations. Les événements survenus jusqu’à présent ne sont pas une catastrophe.

Mais il n’existe pas de réponse à la plus simple des questions. Comment se fait-il que les groupes électrogènes alimentant les pompes de secours de refroidissement de protection des réacteurs soient tombés en panne? Selon les premières estimations, ils ont été inondés par le tsunami. Mais le Japon est un pays cible chronique des séismes et des tsunamis.

De telles failles sont à l'origine des grandes catastrophes.

Pas d’avenir radieux pour le nucléaire

Le programme de développement du secteur énergétique nucléaire sera certainement enrayé au Japon. Avant le tremblement de terre, près de 30% de toute l’électricité du pays étaient d'origine nucléaire. Les plans de la modernisation énergétique nucléaire sont déjà lancés afin de porter ce taux à 50% d’ici 2020. Désormais, ils seront suspendus.

Pour certains pays européens, le ralentissement des modifications dans l'énergétique nucléaires pourrait conduire à une véritable pénurie d'énergie. Avec toutes les conséquences économiques majeures que cela implique.

La Grande-Bretagne en est déjà menacée. Elle se préparait à la construction de 10 centrales nucléaires supplémentaires, en plus des 19 existantes, pour lesquelles les sites ont déjà été choisis. Après les événements au Japon, ces plans seront repoussés, car les habitants des régions situées aux alentours des futurs sites exigent la révision de ces projets. Or les experts énergétiques déclarent qu’il faut soit construire les centrales tout de suite, soit se préparer à "souffler les bougies" pour 2015-2018.

La plus ancienne puissance nucléaire d’Europe (le premier réacteur au monde de 50 MW est apparu en Cumbria en Grande-Bretagne en 1956, bien que la première centrale nucléaire de 5 MW ait été érigée à Obninsk en Russie) et la France ont même lancé une "renaissance nucléaire." Paris et Londres ont convenu de développer conjointement de nouveaux types de réacteurs nucléaires pour les exportations. Autrement dit, pour conquérir le marché des réacteurs. En Allemagne, la coalition d’Angela Merkel a décidé seulement à la fin de 2010 de prolonger au moins de 10 ans la "vie" des 17 centrales nucléaires allemandes.

Les affaires ne sont pas meilleures en Italie. Le président russe Dmitri Medvedev, lors d’une récente réunion à la centrale hydroélectrique de Saïano-Chouchensk, n’a pas cité par hasard l’exemple de l’Italie en tant que pays souffrant du plus grand déficit énergétique et des prix les plus élevés. C’est effectivement le cas. Le cabinet de Berlusconi a prévu de construire 10 centrales nucléaires (rappelons qu’il n’y en avait aucune). Il est difficile de croire que ce sera désormais possible.

A l’heure actuelle, l’Europe est le leader de la "production nucléaire" d’énergie. En France, les centrales nucléaires fournissent 79% de l'électricité nationale. Les centrales lituaniennes satisfaisaient 76% des besoins du pays. En Suède, en Belgique, en Suisse, en Slovaquie, en République tchèque, en Allemagne et en Hongrie entre 22 et 51% de l’électricité sont d'origine nucléaire. D’ailleurs, la Russie, produisant en chiffres absolus plus d’électricité grâce au nucléaire que les autres pays, se trouve au niveau de l’Espagne avec 17,8% en termes de proportion de l’électricité nucléaire dans son mix énergétique.

Ce texte n’engage pas la responsabilité de RIA Novosti.

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