Que penserait de Gaulle de la France de Sarkozy?

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Le 22 novembre, les Français commémorent le 120ème anniversaire du général Charles de Gaulle.

Le 22 novembre, les Français commémorent le 120ème anniversaire du général Charles de Gaulle. Ce n’est pas le 14 juillet, et de telles événements se déroulent sans tambours ni trompettes. Mais tout le monde sait que Charles de Gaulle projetait  une ombre si grande qu'elle devait recouvrir le pays à jamais. Il a sauvé la France, son honneur et sa dignité à deux reprises, en 1940 de la catastrophe de la capitulation, en assumant le rôle du chef non pas de ‘’la France combattante ‘’ mais de ‘’ la France en exil ‘’, et de la guerre civile imminente en 1958. On n'oublie pas ce genre de choses.

De Gaulle a rendu à la France sa réputation, sa grandeur, son indépendance et le respect de l’Europe, perdus au début de la Seconde guerre mondiale, il l’a transformée en une puissance nucléaire, lui a donné une nouvelle constitution, une présidence semi-monarchique et a créé la V République. Le Français ‘’ arrogant et prétentieux ‘’, ‘’ Jeanne d’Arc avec une moustache ‘’, irritait tellement Winston Churchill, ‘’ surprenait ‘’ Roosevelt, et par la suite exaspérait tous les présidents américains par son anti-atlantisme et le ‘’ demi-divorce ‘’ avec l’OTAN, que personne ne doutait de son activité exclusivement pour le bien-être de sa France bien-aimée.

La France continue toujours à vivre sur les fondations étatiques du général de Gaulle. Et cela relativement bien, quoique de Gaulle ait dit un jour: ‘’ Comment peut-on diriger un pays qui produit 246 variétés de fromage? ‘’

Les héritiers du gaullisme

Le général a également offert à sa Patrie le ‘’ gaullisme ‘’, idéologie régulièrement tirée pratiquement à l’opposé par les successeurs du général, y compris par le président actuel Nicolas Sarkozy, mais qui demeure tout de même l’une des bases du conservatisme français modéré jusqu’à ce jour. Bien que les interprétations du ‘’ gaullisme ‘’ diffèrent avec chaque nouveau président (cette idéologie est considérée comme étant de droite, mais même la gauche, le centre et le président socialiste François Mitterrand empruntaient certains de ses postulats), son essence est le credo du général de Gaulle : l’indépendance totale, la non subordination aux intérêts de toutes les puissances, que ce soient les Etats-Unis ou l’URSS, la grandeur de la France, son rôle particulier au sein de l’Europe, un gouvernement fort, la gestion habile de l’économie. Sous Charles de Gaulle, le terme de ‘’ dirigisme économique ‘’ a même été créé, et la France s’est dotée de son propre système de planification économique à long terme.

Le général de Gaulle était un européen convaincu, avec un seul ‘’ mais. ‘’ En outre, Charles de Gaulle s’est toujours prononcé en faveur de ‘’ l’Europe des Etats ‘’, et non pas du fédéralisme européen avec une superstructure européenne commune, à l’instar de l’Union Européenne actuelle. Et il aspirait à l’union avec l’Allemagne surtout pour contrôler la ‘’ bête allemande ‘’, faire pression grâce à la dominante française dans les domaines diplomatique et économique.

Tous les derniers remous au sein de l’UE, les litiges et les bagarres autour du traité de Lisbonne sur la réforme, les crises dans la zone euro, les chamailleries  pour choisir celui qui sera le sauveur et les discussions au sujet du ‘’ crash multiculturel ‘’ montrent que de Gaulle ne s’était pas complètement trompé dans sa vision de l’avenir de l’Ancien Monde.

Que dirait de Gaulle au président Sarkozy

Si le général ressuscitait aujourd’hui et regardait la France et l’Europe, beaucoup passeraient probablement un mauvais quart d’heure. Même certains de ses ‘’ héritiers. ‘’ Bien que cela dépende de quel côté on se place. Charles de Gaulle est considéré comme têtu, revêche, inflexible et autoritaire. Ce n’est pas complètement faux. Mais il agissait conformément aux exigences de l’époque, de la nécessité politique. Quand il ne restait rien d’autre à faire. Le général estimait qu’il était indigne de s’abaisser devant les Etats-Unis, comme ce fut le cas avec l’Allemagne, puis la Grande-Bretagne. Pour cette raison il a ‘’ rompu ‘’ avec l’OTAN (il a quitté le commandement militaire intégré, mais n’a jamais quitté l’OTAN), a expulsé le siège de l’Alliance de Fontainebleau et les troupes américaines du pays.

Nicolas Sarkozy a déjà réintégré Paris dans la structure militaire unifiée de l’OTAN, à condition que la France ait un rôle important dans le commandement des opérations du bloc. Malgré toute son aversion à l’égard de l’OTAN et des Etats-Unis, de Gaulle ne s’y opposerait probablement pas. Il disait lui-même, plus près de son ‘’ déclin ‘’, que ‘’ la politique, quand c’est un art et une servitude, et non pas une exploitation, c'est un mouvement vers l’idéal via la réalité. ‘’

Le général n’aurait certainement pas apprécié les ‘’ jeux ‘’ de Nicolas Sarkozy avec sa constitution adoptée en 1958. Sarkozy y a changé, modifié et réécrit 47 des 89 articles, c’est-à-dire plus de la moitié. Cela fait beaucoup. Mais les discussions sur la nécessité des amendements existaient depuis longtemps, pour la bonne et simple raison que ‘’ la loi fondamentale ‘’ avait été écrite pour un homme bien précis, Charles de Gaulle. Malheureusement, la France n’a plus jamais revu d’hommes politiques d'une telle envergure. Le demi-président demi-monarque de Gaulle qui a sauvé la France des crises gravissimes des années d’après guerre, c’était une chose. Et une autre personne détenant le même pouvoir, c’est autre chose.

Mais ce n’est pas un péché mortel. En plus de 200 ans depuis la Révolution de 1789, le pays de la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité a connu quatre république (actuellement c’est la V République), deux empires, est passé des monarchies aux monarchies constitutionnelles, puis de nouveau aux républiques, a eu des gouvernements de transition et a élaboré en parallèle de nouvelles constitutions. En plus de deux siècles, les Gaulois frivoles ont eu le temps d’essayer plus de vingt constitutions, chartes et actes constitutionnels. Comme l’a dit un jour l’un des juristes les plus influents, le professeur Marcel Prélot, la France est un laboratoire de constitutions, il en existe tellement qu’il y en a pour tous les goûts. Le mal n'est pas grand.

Les sympathies à l’égard de la Russie

Mais Charles de Gaulle aurait également pu féliciter son petit héritier Sarkozy pour certaines choses. Le général a toujours éprouvé de la sympathie à l’égard de la Russie et la considérait comme un contrepoids aux Etats-Unis et aux Anglo-Saxons. Au risque de paraître étrange, il respectait plus l'autoritaire Joseph Staline, et ne considérait pas Nikita Khrouchtchev, avec son ‘’ dégel ‘’, comme un homme politique sérieux. Quant à Léonid Brejnev, le général préférait ne pas en parler. Aux yeux de Charles de Gaulle, la France était un pont entre la Russie et l’Occident en tant que tel. Il estimait que Paris pouvait être un partenaire de l’URSS et l’intermédiaire principal entre l’Union Soviétique et le monde lors de la régularisation de litiges ou de problèmes. Et le fait que ce soit Sarkozy, et pas l’UE, qui propose de régulariser les relations Russie-Géorgie après la ‘’ guerre dans le Caucase ‘’, aurait certainement joué en faveur du président en exercice aux yeux du général.

Il n’était pas du tout ‘’ prosoviétique. ‘’ Par exemple, lorsque la France testait sa bombe nucléaire, de Gaulle a déclaré : ‘’ Dans dix ans, nous aurons de quoi tuer 80 millions de Russes. Eh bien je crois qu'on n'attaque pas volontiers des gens qui ont de quoi tuer 80 millions de Russes, même si on a soi-même de quoi tuer 800 millions de Français, à supposer qu'il y eût 800 millions de Français. ‘’

Celui qu’on appelait ‘’ le dernier grand Français ‘’ est décédé en 1970, à 13 jours seulement de son 80ème anniversaire.

Ce texte n’engage pas la responsabilité de RIA Novosti

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