Qui doit avoir peur de la nouvelle doctrine militaire russe?

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Par Ilia Kramnik, RIA Novosti

Par Ilia Kramnik, RIA Novosti

La nouvelle doctrine militaire russe qui doit entrer en vigueur en 2010 a suscité de nombreux débats, avant tout sur les éventuelles frappes nucléaires préventives et sur la possibilité d'employer les armes nucléaires, entre autres, dans un conflit local. Le critère majeur en est une menace sérieuse pour la sécurité nationale de la Russie. Cette formule a immédiatement suscité des spéculations prétendant que la Russie peut employer des armes nucléaires dans des conflits avec ses plus proches voisins: les républiques de l'ex-URSS.

Quels conflits peuvent représenter une menace sérieuse pour la sécurité nationale de la Russie? Ils peuvent être différents: aussi bien une guerre de grande envergure contre un important bloc d'Etats étrangers et, disons, un conflit hypothétique avec un ou plusieurs Etats développés sur le plan militaire, éclatant à cause de litiges territoriaux.

Compte tenu de l'état des forces armées des républiques de l'ex-URSS, seul un conflit hypothétique avec les pays baltes qui sont membres de l'OTAN peut représenter une veritable menace pour la sécurité nationale. Mais la probabilité d'un conflit armé avec les pays baltes est actuellement pratiquement nulle, du fait que dans ce cas, il cessera instantanément d'être local et les cibles des armes nucléaires russes ne se trouveront certainement pas sur le territoire des pays baltes.

Une menace critique pour la sécurité nationale de la Russie peut se créer, par exemple, par une tentative d'un des Etats les plus développés, voisins de la Russie, ne faisant pas partie d'une alliance de type de l'OTAN, de régler les différends territoriaux par des moyens militaires. Théoriquement, un tel conflit est possible, par exemple, avec le Japon, si ceux qui viendront un jour au pouvoir dans ce pays tentent de régler le problème des Kouriles par la force.

Néanmoins, cette menace pour la Russie est plus probable dans des conflits d'une plus grande envergure. Il est à noter que la Russie a parlé depuis longtemps de la possibilité de porter une frappe nucléaire préventive en cas d'un tel conflit. Le renoncement à l'engagement soviétique de "ne pas employer les armes nucléaires en premier" qui excluait une frappe préventive a été annoncé dès la fin des années 90, après le conflit yougoslave et les manoeuvres des forces armées russes Zapad-99 qui l'ont suivi et qui avaient pour objectif de mettre au point des actions à entreprendre en cas de conflit avec le bloc de l'OTAN, similaire à celui en Yougoslavie.

Les résultats des manoeuvres ont montré que la Russie ne pouvait résister à une éventuelle agression de l'Occident qu'en employant des armes nucléaires, ce qui a nécessité d'apporter des changements substantiels dans les schémas d'emploi de ces armes, surtout tactiques.

La nouvelle thèse a été consacrée dans la doctrine militaire et la "Conception de la sécurité nationale de la Fédération de Russie" adoptées en 2000. Ces deux documents sont fondamentaux pour le pays dans le domaine de la sécurité nationale et ils restent en vigueur jusqu'à présent. Ils stipulent que l'emploi des armes nucléaires devient légitime et nécessaire pour repousser une agression armée, et si toutes les autres mesures prises en vue de régler une situation de crise se sont épuisées ou si elles se sont avérées inefficaces".

Cela paraissait parfaitement logique dans les conditions de la supériorité considérable des forces de l'OTAN, et cette situation n'a pas beaucoup changé en dix ans. D'autre part, à présent, compte tenu de la nouvelle étape du dialogue Russie-OTAN, la probabilité d'un conflit, d'autant plus armé, a considérablement diminué, mais l'essence de la doctrine militaire réside justement dans ses thèses fondamentales qui restent en vigueur indépendamment de la situation tactique courante.

Il convient de souligner qu'en plus de la Russie, d'autres pays, y compris les Etats-Unis, considèrent également une frappe nucléaire préventive comme l'ultime argument convaincant dans un conflit non nucléaire dangereux. Par conséquent, on peut dire qu'en l'occurrence la Russie ne fait que rejoindre les thèses communes des autres membres du club nucléaire.

En plus de l'emploi éventuel des armes nucléaires dans des guerres locales, la nouvelle doctrine contient également d'autres nouvelles thèses. Ainsi, un point de la doctrine prévoit le recours à la force pour défendre la vie et les intérêts des citoyens russes à l'étranger, si une menace pèse sur eux. Auparavant, cette thèse était absente au niveau de la doctrine. En été 2009, il a été décidé d'apporter des amendements appropriés à la loi "Sur la défense" qui seront maintenant confirmés également au niveau de la doctrine militaire.

Dans l'ensemble, la nouvelle doctrine militaire reflète un penchant graduellement manifesté par la Russie pour les critères occidentaux sur le plan de l'emploi des forces armées. Les principes idéologiques de la doctrine soviétique n'existent plus, à l'exception du maintien du terme d'"adversaire probable". Pour le reste, l'utilisation des forces armées russes sera conditionnée par la nécessité pratique, en fonction de la situation dans un endroit concret et à un moment concret. Qui aura la chance de ne pas être adversaire, la question relève d'un autre dossier.

Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

 

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