Crise: le libre-échange trahi par les siens

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Par Vlad Grinkevitch, RIA Novosti
Par Vlad Grinkevitch, RIA Novosti

La crise économique a durement frappé la mondialisation et sa composante la plus importante: le commerce international. Même d'après les prévisions optimistes, ce dernier connaîtra cette année un recul de 9%. La multitude de barrières douanières et administratives surgies comme par enchantement lorsque la crise économique est entrée dans sa phase aigüe en sont l'une des causes principales.

Réunis en sommet en novembre dernier, les leaders du G20 s'étaient entendus pour faire de leur mieux en vue de soutenir le libre-échange. Toutefois, au milieu du printemps 2009, 17 des 20 pays ont érigé de nouvelles barrières commerciales et pris des mesures en vue de soutenir leurs producteurs et commerçants. Fin avril 2009, les ministres de l'Agriculture du G20 se sont engagés au cours d'une rencontre à "maintenir le processus de mondialisation et d'ouverture du marché, en évitant le protectionnisme et les spéculations". Dès le mois de mai, le vice-premier ministre russe Viktor Zoubkov a toutefois fermement promis que l'Etat russe protégerait son agriculture par des mesures protectionnistes. "La majorité des pays prennent des mesures protectionnistes afin de protéger leur agriculture. Nous ne pouvons pas admettre que la notre soit lésée", a-t-il expliqué. Les mesures à prendre en vue de protéger l'agriculture nationale seront un des sujets du Forum céréalier mondial qui se tiendra les 6 et 7 juin prochain à Saint-Pétersbourg.

D'ailleurs, la Russie n'est pas la seule à faire grand cas de l'agriculture et les mesures prises par le gouvernement russe pour soutenir les paysans sont infimes en comparaison de l'aide apportée aux fermiers par les autorités de l'Europe, des Etats-Unis et du Canada. Ainsi, aux Etats-Unis, pour un rouble de produits l'assistance apportée par l'Etat constitue environ 16 kopecks, dans l'UE, 32 kopecks, en Russie, seulement 6 kopecks. Seuls les pays au climat particulièrement propice à l'agriculture, par exemple, l'Australie et le Brésil, enregistrent des indices plus bas.

Il ne s'agit pas seulement d'un soutien à la compétitivité des produis nationaux sur le marché mondial: les gouvernements des pays d'Europe occidentale ne cachent pas l'orientation sociale des aides. Ils font beaucoup pour rapprocher les revenus des diverses régions, pour que le niveau de vie des agriculteurs atteigne celui des autres secteurs. Un autre objectif, à première vue dérisoire, est également poursuivi: la conservation du mode de vie rural dans son aspect actuel.

En ce qui concerne la Russie, l'argent alloué par l'Etat au secteur ne suffit pas même pour rembourser les pertes causées par la hausse des tarifs du matériel agricole et des consommables. En 2008, la campagne a reçu, dans le cadre du programme d'Etat de développement de l'agriculture, environ 77 milliards de roubles (1,7 milliard d'euros), alors que les pertes essuyées par les paysans à cause de la hausse des prix des engrais, du matériel, de l'électricité, du combustible, des lubrifiants et des matériaux de construction ont atteint près de 120 milliards de roubles (2,7 milliards d'euros).

Le proverbe russe selon lequel que "la chair est plus près du corps que la chemise" caractérise parfaitement la politique appliquée par les Etats à l'égard du protectionnisme et du libre-commerce. Chacun conseille aux autres de lever les barrières et de ne pas entraver le libre-échange, mais il ne se hâte pas de le faire lui-même, car il comprend que le résultat peut s'avérer déplorable. Citons un exemple : Bruxelles a persuadé les pays d'Europe de l'Est de ne pas soutenir leurs paysans. A présent, les agriculteurs de l'ex-camp socialiste affirment que si les pays d'Europe de l'Ouest n'abandonnent pas les mesures protectionnistes, les fermiers d'Europe de l'Est ne survivront pas à la crise actuelle: des milliers d'exploitations seront ruinées, des centaines de milliers de personnes perdront leur emploi. Mais les autorités ne peuvent rien y faire: les prix d'achat des produits agricoles ont été concertés lors des négociations sur l'adhésion des Etats est-européens à l'UE et ils ne pourront être revus qu'en 2013 au plus tôt.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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