Enfouis sous terre dans l'attente de la fin du monde

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Par Dmitri Choucharine, RIA Novosti
Par Dmitri Choucharine, RIA Novosti

Rien d'extraordinaire ne se passe dans la région de Penza. Mais un cas, tout à la fois ordinaire et regrettable, y a été enregistré. Pour l'instant, il n'est que regrettable, mais il peut à tout instant devenir tragique, comme en témoigne l'expérience des claustrations qui ont eu lieu par le passé dans le monde entier et, bien entendu, l'expérience de la Russie depuis les réformes du patriarche Nikon qui amenèrent le schisme dans l'Eglise orthodoxe russe au XVII siècle.

J'évite sciemment d'employer les mots "sectes" et "schisme". Les gens qui se sont retranchés dans un abri souterrain en attendant la fin du monde dans le village de Poganovka, situé dans la région de Penza, n'appartiennent à aucune secte, "ils ont tout simplement été fortement impressionnés par les prédictions de leur guide", estime Philarète, archevêque de Penza et de Kouznetsk. "Ce sont des chrétiens orthodoxes, et non les adeptes d'une secte", a-t-il affirmé.

Il expose la situation dans un télégramme adressé aux autorités. "J'ai surtout demandé de ne pas recourir à des actions violentes à l'égard des adeptes", a souligné Philarète. Selon lui, des liturgies sont célébrées chaque jour dans une tente installée près du refuge souterrain, les représentants les plus prestigieux du clergé de Penza s'y rendent afin de mener des pourparlers avec les adeptes.

Cet exposé détaillé de la position de l'archevêque Philarète était nécessaire, car c'est son jugement qui importe le plus dans ce cas. Les jugements sont nombreux, certains sont compétents et d'autres non.

La plupart des jugements incompétents sont émis par des laïques, très éloignés des affaires ecclésiastiques. Ces jours-ci, des hommes politiques de différents niveaux ont exigé l'adoption de toutes sortes de lois répressives allant jusqu'à une censure de la télévision et de l'Internet.

Pourtant, il est parfaitement évident que les médias n'y sont pour rien. Les adeptes de Penza n'ont pas regardé la télévision et il est certain qu'ils n'ont aucune notion du Wi-Fi.

Le fait que le cas de Poganovka soit devenu un argument pour mener une propagande en faveur de l'enseignement obligatoire des rudiments de la culture orthodoxe à l'école est également incompréhensible. La communauté de ce village, de même que toutes les autres communautés de ce genre, est fondée sur des liens familiaux. L'enseignement d'une matière laïque, dénuée de théorie théologique, ne peut pas prévenir l'apparition future de communautés analogues.

Certes, la situation n'est pas désespérée.

Par exemple, Youri Charandine, président du Comité pour la législation constitutionnelle du Conseil de la Fédération (chambre haute du parlement russe), estime que pour la Russie le problème réside non pas dans l'absence de législation dans la lutte contre les sectes, mais dans l'application des lois. Selon lui, la question n'est pas de savoir à quel Dieu sont adressées les prières, mais quelle est la nature des exhortations. En effet, les paroles prononcées ou les idées de telle ou telle confession ne sont pas condamnables tant qu'elles ne font pas l'objet du Code pénal.

Il faut reconnaître que c'est bien plus raisonnable que les appels à créer une nouvelle commission pour les sectes et à adopter une loi antisectaire. Le fait est que ceux qui lancent ces appels ne comprennent pas la signification du mot "secte". Certains prêtres mettent en garde contre le fait que n'importe quel groupe religieux peut alors être taxé de secte. Dans le cas présent, l'archevêque affirme qu'il ne s'agit pas de groupe sectaire. Son avis est décisif.

Si pour l'Eglise, ce ne sont pas les membres d'une secte, que sont-ils aux yeux de la loi et du pouvoir laïque?

La notion de "secte" ne figure pas dans le Code pénal, Dieu merci. La notion de "crime religieux" ne fait pas partie du droit pénal qui juge les crimes contre l'individu. Le parquet du district de Bekovo (région de Penza) confirme qu'une action en justice a été engagée pour "création d'une association portant atteinte à la personne et aux droits des citoyens". Un poste de police a été installé près de l'abri où les adeptes sont retranchés depuis presque deux semaines.

Mais la demande de l'archevêque Philarète reste en vigueur.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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