Tania Savitcheva, la petite Léningradienne morte comme une sainte

© RIA Novosti / Accéder à la base multimédiaTania Savitcheva
Tania Savitcheva - Sputnik Afrique
S'abonner
La petite Léningradienne Tania Savitchéva, 12 ans, avait commencé à tenir un journal quelque temps avant Anne Frank, victime de l'Holocauste. Ces deux fillettes avaient presque le même âge et toutes deux avaient écrit sur un même sujet: les horreurs du fascisme. L'une et l'autre sont mortes avant de connaître la victoire: Tania au mois de juillet 1944 et Anne en mars 1945.

La petite Léningradienne Tania Savitchéva, 12 ans, avait commencé à tenir un journal quelque temps avant Anne Frank, victime de l'Holocauste. Ces deux fillettes avaient presque le même âge et toutes deux avaient écrit sur un même sujet: les horreurs du fascisme. L'une et l'autre sont mortes avant de connaître la victoire: Tania au mois de juillet 1944 et Anne en mars 1945.

Le "Journal d'Anne Frank" a été publié après la guerre et le monde entier a parlé de son auteur. Le "Journal de Tania Savitcheva" n'a pas été édité, il comporte en tout et pour tout sept pages retraçant la disparition progressive de sa grande famille dans Leningrad assiégé. Ce petit bloc-notes a été présenté au procès de Nuremberg en qualité de pièce à conviction contre le fascisme.

Aujourd'hui le "Journal de Tania Savitcheva" est exposé au Musée d'histoire de Léningrad (Saint-Pétersbourg), des copies se trouvent dans une vitrine du Mémorial du cimetière Piskarevskoe où reposent 570.000 habitants de la ville morts pendant les 900 jours du siège nazi, ainsi qu'au mont Poklonaïa à Moscou.

La main enfantine affaiblie par la faim écrivait irrégulièrement, à l'économie. L'âme frêle, minée par des souffrances insoutenables, n'était déjà plus à même de traduire les émotions. Tania ne faisait qu'enregistrer des faits réels de son existence: les tragiques "visites de la Faucheuse" dans sa maison natale. Et quand on lit cela, le sang se glace:

"28 décembre 1941. Jenia est morte aujourd'hui. Il était minuit et demie.1941".

"Grand-mère est morte le 25 janvier à 3 heures. 1942".

"Leka est mort le 17 mars à 5 heures du matin. 1942".

"Oncle Vassia est mort le 13 avril à deux heures de l'après-midi. 1942"

"Oncle Liocha est mort le 10 mai à quatre heures de l'après-midi. 1942"

"Maman, le 13 mars à 7 heures 30 du matin. 1942".

"Ils sont tous morts". "Il ne reste plus que Tania".

... Elle était la fille d'un boulanger et d'une lingère, la cadette de la famille, aimée de tous. De grands yeux gris sous une frange blonde, une jaquette rayée, une voix d'ange cristalline promettant un avenir de chanteuse. Les Savitchev avaient le don de la musique. La mère, Maria Ighnatievna, avait même constitué un petit ensemble familial: les deux frères, Leka et Micha, jouaient de la guitare, de la mandoline et du banjo, Tania chantait, les autres accompagnaient en choeur.

Le père, Nikolaï Rodionovitch, étant mort prématurément, la mère se démenait pour élever les cinq enfants. La lingère de la Maison de mode de Leningrad avait beaucoup de commandes et gagnait assez bien sa vie. De jolies broderies embellissaient la maison des Savitchev: rideaux, serviettes, nappes. Tania elle aussi brodait: des fleurs, toujours des fleurs...

Les Savitchev avaient l'intention de passer l'été 1941 dans un village situé non loin du lac des Tchoudes (lac Peïpous), mais seul Micha eut le temps de partir. Le début de la guerre, le 22 juin, bouleversa les plans. La famille décida de rester à Leningrad et d'aider le front comme elle le pouvait. La mère cousait des uniformes pour les combattants. Réformé pour myopie, Leka travaillait en qualité de raboteur au chantier naval de l'Amirauté, la soeur Jenia tournait des enveloppes de mines, Nina avait été mobilisée et affectée à la construction d'ouvrages défensifs. Vassili et Alexeï Savitchev, les deux oncles de Tania, servaient dans la défense antiaérienne.

Tania elle non plus ne restait pas les bras croisés. Avec d'autres enfants elle aidait les adultes à éteindre les bombes incendiaires, à creuser des tranchées. Cependant, l'anneau du siège se resserrait de plus en plus. Le projet de Hitler était d'affamer Leningrad et de raser la ville de la surface de la Terre. Un jour, Nina ne rentra pas de son travail. Pendant la journée un violent pilonnage d'artillerie avait eu lieu et la famille s'était mise à l'attendre dans l'anxiété. Lorsquetout espoir fut perdu, la mère remit en souvenir à Tania le petit bloc-notes de sa soeur, celui dans lequel elle devait tenir son journal.

Jénia était morte à l'usine. Elle assurait deux relèves, donnait son sang. Son organisme épuisé avait cédé. Peu après grand-mère décéda d'un arrêt du coeur. Elle fut enterrée au cimetière Piskarevskoe. Dans "Histoire du chantier naval de l'Amirauté" il y a ces lignes: "Bien qu'à bout de forces, Leonide Savitchev travaillait avec beaucoup d'application. Un jour il ne se présenta pas à la relève. Dans l'atelier on annonça qu'il était mort...".

Tania ne cessait de remplir les feuillets du carnet. Ses deux oncles décédèrent, ensuite ce fut le tour de sa mère. Finalement la fillette dressa un terrible bilan: "Les Savitchev sont tous morts. Il ne reste plus que Tania".

Tania ne devait jamais apprendre que les Savitchev n'étaient pas tous morts, que leur lignée se poursuivait. Sa soeur Nina fut sauvée et évacuée à l'arrière. En 1945, elle rentra dans sa ville natale et dans le logement dévasté, parmi des éclats de bombes et des gravats elle découvrit le bloc-notes contenant les inscriptions de Tania. Le frère de celle-ci, Micha, se remit d'une grave blessure reçue sur le front.

Quant à Tania, vaincue par l'inanition, elle fut découverte sans connaissance par une équipe d'employés sanitaires chargés de visiter les immeubles leningradiens. Son coeur battait à peine. Avec 140 autres enfants épuisés par la faim, elle fut évacuée dans la région de Gorki (aujourd'hui Nijni Novgorod), dans la localité de Chatki. Les gens apportaient aux petits réfugiés qui un peu de nourriture, qui un réconfort moral. Beaucoup d'enfants reprirent des forces, mais pas Tania. Deux années durant les médecins luttèrent pour la vie de la jeune Léningradienne, mais la mort s'avéra plus forte. Tania était prise de tremblements, souffrait de terribles maux de tête. Tania Savitcheva rendit le dernier soupir le 1-er juillet 1944. Elle fut mise en terre au cimetière du bourg. Près de la dalle de marbre qui recouvre sa tombe il y a une stèle avec un bas-relief représentant la fillette et les pages de son journal. Les inscriptions de Tania ont aussi été gravées sur la pierre grise du monument "Fleur de la vie" qui se dresse non loin de Saint-Pétersbourg, au kilomètre 3 de la "Route de la vie" aménagée pendant le siège.

Tania Savitcheva était née un 25 janvier, le jour de la Sainte-Tatiana. Les Savitchev restés en vie, leurs enfants et petits-enfants se réunissent toujours ce jour-là.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала