Russie - Géorgie : l'amitié se forge

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par Marianna Belenkaïa, commentateur politique de RIA-Novosti

Avant de venir à Moscou, le président géorgien Mikhaïl Saakachvili disait qu'il voulait se lier d'amitié avec Vladimir Poutine. Et, selon lui-même, il y a réussi. Le numéro un géorgien quittait le Kremlin impressionné par la rapidité avec laquelle il a pu trouver un langage commun avec son homologue russe. Surpris, M.Saakachvili a affirmé n'avoir pas ressenti au cours de ces négociations "une ombre d'hégémonisme qui distinguait auparavant la politique extérieure russe".

C'est bien là "l'emballage" verbal du bilan de la visite. Mais quel est le bilan des négociations de Moscou?

De l'avis réciproque, les ententes les plus importantes concernent la sphère de la sécurité, notamment la coordination des actions antiterreur. Moscou a réagi avec intérêt à la proposition de M.Saakachvili de contrôler la frontière commune par des patrouilles conjointes.

Si le projet de patrouilles conjointes passe, a-t-on indiqué à Moscou, on pourra se pencher sur l'atténuation du régime des visas, décrété à titre unilatéral par la Russie en décembre 2000. A l'époque, Moscou expliquait cette mesure "par le refus de Tbilissi de travailler sur des accords mutuellement acceptables visant à garantir la sécurité à la frontière russo-géorgienne".

Les deux hommes ont également décidé de débattre des paramètres de la coopération militaire, dont l'enseignement d'officiers géorgiens dans les écoles militaires russes. Le premier groupe d'officiers arrivera en Russie prochainement, a promis le président géorgien.

Pour ce qui est de la question la plus douloureuse des rapports bilatéraux - les délais de démantèlement des bases militaires russes en Géorgie, tout marchandage en la matière serait mal vu, selon M.Saakachvili. Leur évacuation doit être réalisée dans le cadre des accords du sommet de l'OSCE à Istanbul en 1999. Moscou est absolument d'accord avec la manière de poser cette question, et ne s'apprête pas lui non plus à marchander. D'autant plus que la plupart des accords d'Istanbul avaient été réalisés avant terme. Deux bases russes - de Vaziani et de Goudaouta - sont déjà évacuées ; il reste à régler le problème des bases de Batoumi et d'Akhalkalaki.

Intervenant devant les enseignants et les étudiants de l'Université diplomatique de Moscou à la veille de sa rencontre avec le président Poutine, M.Saakachvili a déclaré qu'il n'exigeait pas de retirer les bases militaires dans l'immédiat. Mais, interviewé par la radio Echos de Moscou, il a souligné que "plus tôt cela sera fait, mieux cela vaudra". Quoi qu'il en soit, le président n'a pas eu de réponse précise à la question relative au calendrier de leur évacuation. Ce qui veut dire que ces délais feront encore l'objet de négociations.

Ce à quoi on s'attendait, somme toute. Autre chose est importante, et le président géorgien l'a dit au cours de sa conférence de presse finale : la question des bases n'est plus un obstacle aux relations entre les deux pays. Ce qui peut être considéré comme le résultat clef de la visite.

Comme son autre épisode : M.Saakachvili a invité Moscou à ne pas considérer telle ou telle démarche de la Géorgie dans le domaine de la sécurité comme tendant à léser les intérêts de la Russie. A plusieurs reprises, il a souligné qu'après le retrait des bases militaires russes, aucune autre base étrangère, notamment américaine, ne ferait son apparition sur le sol géorgien. Certes, les assurances verbales ne donnent pas de garanties totales, mais elles ont quand même du poids.

En l'occurrence, M.Saakachvili se rend compte de la situation réelle de son pays et fait la déclaration, notamment destinée à Moscou : aucun des Etats ne saura rivaliser avec la Russie quant à son influence en Géorgie. A Tbilissi, on n'oublie pas que le marché russe est le plus proche et, à ce jour, peut-être l'unique en mesure de digérer les produits géorgiens. D'autre part, la Géorgie a besoin d'investissements et d'électricité russes.

Malgré la dette géorgienne - 160 millions de dollars pour des produits énergétiques russes - la fourniture d'électricité et de gaz aux consommateurs géorgiens se poursuit.

Cela s'inscrit dans le cadre de la politique qu'applique Moscou dans l'espace de la CEI. Il veut que les membres de la Communauté reconnaissent de bon gré son leadership, s'appuyant sur ses succès économiques et ses réalisations sociales. Des premiers pas ont déjà été accomplis en ce sens.

De son côté, Tbilissi reconnaît que "sans une participation active de la Russie et sa bonne volonté, il est impossible de régler le problème abkhaz". La Géorgie est prête à poursuivre les négociations à ce sujet, sur la base du sommet russo-géorgien avec la participation des représentants abkhaz en mars 2003 à Sotchi. A l'époque, ses participants ont accepté de coopérer sur trois axes : le retour des réfugiés dans le district de Gali en Abkhazie, le rétablissement de la communication ferroviaire à travers l'Abkhazie et la modernisation du chapelet des centrales hydrauliques sur l'Ingouri.

M.Saakachvili estime que "l'année 2004 sera celle d'actions énergiques dans cette direction", mais, de toute évidence, toute percée ne sera possible qu'après le changement de la direction abkhaze. En tout état de cause, nous voyons que ces actes doivent être prévisibles et paisibles. C'est ce qu'il fallait rappeler en l'occurrence.

A Moscou, la décision a été prise de rétablir les travaux de la Commission mixte pour la coopération économique et commerciale. Les Russes comptent également que les parties reprendront leur travail sur le Traité cadre. A sa conférence de presse finale, Mikhaïl Saakachvili a exprimé l'espoir que sa signature aurait lieu à Tbilissi en automne prochain, pendant la visite du président russe Vladimir Poutine.

Moscou préfère ne pas évoquer les délais de signature de ce Traité ni ceux de visite du président russe dans la capitale géorgienne. Il semble qu'à Moscou, on préfère se persuader d'abord que toutes les paroles chaleureuses prononcées ces derniers temps par le président Saakachvili à l'adresse de la Russie seront traduits dans les actes. Pour l'instant, le numéro un géorgien assure que l'axe russe de la politique étrangère de Tbilissi sera "dominant".

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